Le frisson d’anticipation était palpable tandis que 10.000 hommes et femmes chantaient des chants révolutionnaires palestiniens. Ils déferlaient autour d’une Mercedes noire, puis la raison de leur excitation est apparu : une tête aux cheveux gris au milieu d’une mer de cheveux noirs.
Le héros dont le diminutif donné par la foule est Mahmoud Abbas, candidat du Fatah à la présidence de l’Autorité Palestinienne, amenait son message de fin de combat en vue de se concentrer sur les négociations à Jénine, la ville qui est venue à symboliser d’Intifada palestinienne.
Abu Mazen, ainsi qu’il est connu, est en tête dans les sondages. Le Centre d’Opinion Public Palestinien a annoncé le 26 décembre qu’il est soutenu à 51%. En deuxième, se trouve Mustafa Barghouti du « New Palestinian Initiative » avec 21%. Il y cinq autres candidats.
Alors que la victoire semble acquise pour Abu Mazen lors des élections qui prendront place dans une semaine à ce jour, son voyage à Jénine montre la difficulté à laquelle il fait face en essayant de représenter la lutte palestinienne tout en essayant de l’éteindre.
Abu Mazen n’a pas pris des options faciles lors de sa visite. Il est allé au cimetière et dans le camp de réfugiés. Il a donné l’accolade à l’homme le plus recherché par Israël, Zacaria Zubeida [1] , dirigeant des Brigades al-Aqsa à Jénine et a accepté sa protection. Le secrétaire général du Comité Directeur de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) n’avait que peu de sécurité lors de ses bains de foule à part les hommes armés de Zubeida qu’Israël considère comme étant les cibles légitimes à assassiner ou à arrêter.
La seule opposition à laquelle a fait face Abu Mazen fut un œuf lancé sur sa voiture et une pierre jetée par un enfant. Des voix de dissension ont été rapidement étouffées par les hommes armés. L’événement principal de la visite a été un rallye dans l’école de Jénine. Avant son arrivée, des centaines d’hommes ont fait une chaîne pour protéger l’entrée de la voiture d’Abu Mazen. Des jeunes du Fatah en vêtements de tous les jours ont formé d’autres chaînes humaines.
Pendant l’attente, les chaînes se sont transformées en mêlées, poussant dans toutes les directions sans sens défini. Les dirigeants des forces de protection criaient en donnant des ordres contradictoires à tel point que personne ne savait ce qu’ils essayaient de protéger ni contre quoi ils poussaient.
Puis les gardes du corps de Jénine d’Abu Mazen, sont arrivés : les brigades des Martyrs d’al-Aqsa, un groupe de jeunes hommes déterminés en blousons blues et verts, dont les fusils pointaient en l’air. Zubeida a fait des remontrances à la foule et a dit aux commandants des forces de sécurité qu’ils provoquaient le chaos.
Lors d’un meeting à Bethlehem, une question a été posée à Abu Mazen sur l’absurdité de dépenser 32% du budget sur les forces de sécurité alors que celles-ci ne peuvent fournir aucune sécurité. A Jénine, elles pouvaient à peine contrôler leur propre gens. La seul vraie sécurité était Zubeida.
Abu Mazen n’avait aucune intention de secouer le bateau. Il a fait l’éloge de la résilience de Jénine et n’a pas parlé du point principal de sa politique : à savoir que la militarisation de l’Intifada était une erreur et que l’on devait remplacer la violence par des négociations.
« Jénine s’est battu à côté de Rafah et de Khan Yunis et les autres, pour un état palestinien indépendant avec Jérusalem comme capitale, sans colonies et avec une solution juste pour les droits des réfugiés » a-t-il déclaré.
Il a ajouté : « Nous voulons un état avec les lois et personne au-dessus de ces lois ». Mais en parlant de Zubeida, il a dit « Nous vouons la sécurité et la paix pour nos frères qui sont recherchés par Israël ».
Et encore plus de chaos. Abu Mazen est parti et Zubeida a été porté jusqu’au podium. « Quand les voix des fusils se font entendre, tout le monde se tait ». A cet instant, les hommes armés ont tiré des salves dans l’air pour appuyer ce point. « Dans l’intérêt des prisonniers et des martyrs, nous avons choisi Abu Mazen comme candidat. Longue vie à l’intifada ».
La campagne de Mustafa Barghouti est différente : pas de gardes du corps, pas de fusils et des foules moins importantes. Ses meetings publics sont plus restreints et il répond aux questions. Lors de ses déplacements, il a été arrêté deux fois par les israéliens.
La semaine dernière, l’ancien communiste [2] a commencé sa campagne à la Chambre du Commerce de Ramallah. Il a annoncé qu’il était soutenu par le Front Populaire de la Libération de la Palestine (FPLP), une faction autrefois importante de l’OLP [3] mais qui est devenue marginale depuis la fin de l’Union Soviétique.
Barghouti est contre la « feuille de route » qui, dit-il, apporte de la sécurité à Israël et ne prend pas en compte les intérêts palestiniens. Il est contre « la militarisations de la société palestinienne » mais soutient le droit des Palestiniens à résister à l’occupation.
Ce qui attire principalement chez lui est le fait qu’il ne fait pas partie de l’Autorité Palestinienne ni de l’OLP, qui sont tous deux considérés comme corrompus.
Il y a eu des rumeurs que le groupe militant du Hamas qui boycotte cette élection, pourrait discrètement soutenir Barghouti afin de briser l’avance d’Abu Mazen et réduire son pouvoir au cas où il gagnerait les élections.