Photo : Les citernes sur les toits des habitations de Cisjordanie occupée et qui fournissent l’eau pour les Palestinien.ne.s, ici sur une maison de Jénine - Source : Wikipédia
La décision israélienne de réduire la quantité d’eau des gouvernorats palestiniens d’Hébron et de Bethléem va « exacerber la crise de l’eau déjà grave », ont déclaré des Palestiniens à The New Arab le mercredi 2 août.
À la mi-juillet, la compagnie israélienne des eaux « Mekorot », une société d’extraction d’eau opérant en Cisjordanie occupée, a annoncé qu’elle réduirait l’approvisionnement en eau des villes de Bethléem et d’Hébron, ainsi que des villages et communautés environnants.
Les Palestiniens de Cisjordanie occupée dépendent des réserves d’eau naturelles du sous-sol, remplies par les courtes saisons des pluies annuelles. Les quelque 750 000 Israéliens installés illégalement sur des terres palestiniennes en Cisjordanie occupée et les Israéliens vivant à l’intérieur des frontières israéliennes de 1948 utilisent les mêmes sources d’eau que les Palestiniens.
Toutes les installations d’extraction d’eau sont situées en « zone C », sous contrôle militaire israélien direct. Les restrictions israéliennes limitent l’accès des services d’eau palestiniens à ces installations.
Le Premier ministre palestinien, Mohammad Shtayyeh, a qualifié la décision de « Mekorot » de « raciste, discriminatoire et dangereuse », ajoutant qu’elle « privera davantage notre peuple de son droit à l’eau dans les deux gouvernorats tout en augmentant la part des colons israéliens illégaux ».
Selon plusieurs sources, dont l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, la consommation quotidienne d’eau des Israéliens s’élève à 247 litres par personne, soit trois fois plus que la consommation moyenne des Palestiniens, qui est de 82,4 litres par personne.
« Même avant la décision de Mekorot, nous étions dans une situation d’urgence permanente », a déclaré à The New Arab Ali Jubran, porte-parole de l’autorité publique palestinienne en charge de l’eau à Bethléem.
« En tant que service des eaux, nous n’avons pratiquement aucun projet de développement des infrastructures du service des eaux, car la plupart de nos efforts sont concentrés sur l’optimisation du peu de sources d’eau auxquelles nous avons accès », a-t-il déclaré.
« Seuls 30 % des sources d’eau de Bethléem proviennent de puits exploités par les Palestiniens, les 70 % restants étant des puits contrôlés par les Israéliens, exploités et vendus par Mekorot », a expliqué M. Jubran.
« La décision de Mekorot réduira l’approvisionnement quotidien en eau de Bethléem, déjà insuffisant, à 6 000 mètres cubes par jour, ce qui nous obligera à prolonger la durée des cycles d’approvisionnement en eau, pour la même quantité, d’une moyenne de 15 jours à une moyenne de 20 jours, voire plus pour certaines zones de Bethléem », a-t-il ajouté.
Les Palestiniens de Cisjordanie occupée utilisent des réservoirs sur les toits et des puits de collecte dans les maisons pour économiser l’eau entre les courtes périodes d’approvisionnement.
« Nous ne recevons de l’eau courante que deux jours par mois, que nous utilisons pour remplir les réservoirs et les puits de collecte », a déclaré à The New Arab Nader Hanna, un habitant de Beit Jala, une ville qui fait partie de la région plus vaste de Bethléem.
« À Beit Jala, nous planifions notre consommation d’eau en fonction de ces cycles périodiques, et la plupart du temps, nous achetons de l’eau en bouteille pour la boire, surtout en été », a déclaré Hanna. « Si les circuits de distribution d’eau deviennent plus longs, cela signifie que nous devrons dépenser plus d’argent pour acheter de l’eau en bouteille, ce qui représente une charge financière supplémentaire », a-t-il ajouté.
Beit Jala est généralement considérée comme l’une des zones privilégiées de Bethléem en termes de distribution d’eau, par rapport aux villages environnants et aux communautés bédouines, ainsi qu’aux camps de réfugiés à l’intérieur de la ville.
« À Dheisheh, nous ne recevons de l’eau courante qu’un jour par mois, et souvent nous n’en avons même pas », a déclaré à The New Arab Hani Bashir, responsable du service des eaux au comité des services du camp de réfugiés de Dheisheh, à Bethléem.
« À Dheisheh, comme dans tous les camps de réfugiés, nous avons un problème supplémentaire, à savoir que les maisons sont souvent construites sans fondations et ont une mauvaise structure, la plupart du temps sur plusieurs étages et abritant un grand nombre de personnes, ce qui rend difficile l’installation d’un nombre suffisant de réservoirs d’eau sur les toits », a-t-il expliqué. « Très souvent, nous ne recevons pas notre part d’eau parce que le jour où le camp est censé recevoir de l’eau du réseau, d’autres quartiers densément peuplés de la ville en reçoivent aussi, et la quantité n’est pas suffisante. »
« L’achat d’eau en bouteille représente une charge financière particulièrement élevée pour les familles, étant donné que les résidents des camps de réfugiés sont tous des familles à faible revenu, et après la nouvelle décision de Mekorot, cela deviendra encore plus difficile pour eux », a fait remarquer M. Bashir.
« Cette crise permanente n’est pas due au manque de ressources en eau ou de capacités techniques, mais à l’occupation », a souligné M. Bashir. « L’occupation nous prive de nos ressources en eau au profit des colonies. Cette crise de l’eau est politique », a-t-il déclaré.
Les groupes de défense des droits humains palestiniens, israéliens et internationaux ont dénoncé à maintes reprises le contrôle exercé par Israël sur les ressources palestiniennes de la Cisjordanie occupée.
En 2020, les Nations unies ont publié une base de données exposant les entreprises qui bénéficient des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie occupée, parmi lesquelles figure la société Mekorot.
Traduit par : AFPS