Photo : Des agents des Nations unies, au poste-frontière de Rafah, lors du l’entrée d’un premier convoi humanitaire, composé de 20 camions remplis notamment de bouteilles d’eau, de farine et de médicaments, dans la bande de Gaza le 21 octobre - Crédit : Mohammed Zaanoun (Active Stills collective)
La principale agence humanitaire des Nations unies dans la bande de Gaza assiégée a prévenu qu’elle devrait cesser ses activités d’ici la fin de la journée de mercredi en raison d’une pénurie de carburant, alors que le ministère de la santé du territoire a déclaré que les frappes israéliennes avaient tué 700 personnes au cours des dernières 24 heures.
L’inquiétude s’est accrue face à l’aggravation de la crise humanitaire dans la bande de Gaza lourdement bombardée, où un médecin a déclaré avoir été contraint de pratiquer des opérations chirurgicales d’urgence sur des blessés sans anesthésie.
Israël a coupé l’approvisionnement habituel de Gaza en eau, en nourriture et en autres produits, et moins de 70 camions de secours sont entrés depuis le début de la guerre - « une goutte d’eau dans un océan de besoins », a averti le chef de l’ONU, Antonio Guterres.
Israël a lancé des frappes féroces et aveugles sur Gaza en réponse à une attaque transfrontalière sans précédent du Hamas le 7 octobre, tuant 6 546 personnes jusqu’à mercredi, dont 2 704 enfants.
Plus de 17 000 personnes ont également été blessées, dont un grand nombre dans un état critique.
Depuis le début de la guerre, Israël a également tué plus de 100 personnes en Cisjordanie, qu’il occupe illégalement depuis 1967 et où il a mené d’innombrables raids militaires meurtriers depuis mars 2022.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a promis d’ « éliminer le Hamas » depuis le début de la guerre, mais la grande majorité des personnes tuées dans les frappes sont des civils.
À l’intérieur du territoire palestinien meurtri, Abu Ali Zaarab, dont la maison familiale à Rafah a été bombardée, a déclaré avec colère qu’ « ils ne font pas la guerre au Hamas, ils font la guerre aux enfants... C’est un massacre. »
Les esprits se sont échauffés à l’ONU, où M. Guterres a dénoncé les « souffrances effroyables » à Gaza et le « châtiment collectif » infligé à ses 2,4 millions d’habitants, suscitant la colère d’Israël.
« M. le secrétaire général, dans quel monde vivez-vous ? », a répondu le ministre israélien des affaires étrangères, Eli Cohen, furieux, qui a relaté les récits de civils tués lors de l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre.
L’ambassadeur d’Israël auprès des Nations unies, Gilad Erdan, a appelé M. Guterres à démissionner, écrivant sur X, anciennement Twitter, que le chef de l’ONU avait « exprimé sa tolérance à l’égard du terrorisme et du meurtre. »
Le président américain Joe Biden, qui a fermement soutenu la guerre d’Israël après ce qu’il a qualifié d’attaques « barbares » du Hamas, mais qui a également négocié l’entrée des camions de secours via l’Égypte, s’est dit préoccupé par le fait que l’aide n’était pas assez rapide.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré que « la nourriture, l’eau, les médicaments et toute autre aide humanitaire essentielle doivent pouvoir être acheminés vers Gaza » et que « des pauses humanitaires doivent être envisagées à cette fin ».
C’est une tragédie
Au 19e jour des frappes aériennes et d’artillerie israéliennes et du blocus terrestre, maritime et aérien quasi-total de Gaza, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a prévenu que les opérations atteignaient leur point de rupture.
« Si nous ne recevons pas de carburant de toute urgence, nous serons contraints d’interrompre nos opérations dans la bande de Gaza », a déclaré l’agence qui fournit une aide à 600 000 personnes déplacées dans la bande de Gaza, où de nombreuses familles ont dormi dehors.
Israël a refusé d’autoriser les livraisons de carburant dans la bande de Gaza, affirmant que le Hamas l’utiliserait pour fabriquer des armes et des explosifs et accusant le groupe militant de stocker des réserves dans de grands réservoirs.
Les organisations humanitaires ont prévenu que d’autres personnes mourraient si les équipements médicaux, les usines de dessalement de l’eau et les ambulances cessaient de fonctionner à Gaza, où la seule centrale électrique a été mise hors service il y a plusieurs semaines.
Les patients sont déjà soignés à même le sol dans des hôpitaux débordés par les milliers de blessés des bombardements. La Croix-Rouge a prévenu que les hôpitaux, une fois que les générateurs cesseront de fonctionner, « se transformeront en morgues. »
« Nous avons pratiqué un certain nombre d’interventions chirurgicales sur les blessés sans anesthésie », a déclaré Ahmad Abdul Hadi, un chirurgien orthopédique travaillant aux urgences de l’hôpital Nasser, à Khan Yunis.
« C’est difficile et douloureux, mais avec le manque de ressources, que pouvons-nous faire ? »
Les agences humanitaires signalent que les abris et les campements d’urgence croulent sous les demandes des quelque 1,4 million de personnes déplacées, soit plus de la moitié de la population de la bande côtière, longue de 40 kilomètres (25 miles).
Les frappes aériennes se sont poursuivies à Gaza, où de nombreux bâtiments résidentiels ont été réduits à l’état de ruines
Amine Abu Jazar, un résident déplacé de Rafah, a raconté comment "à minuit, alors que nous dormions, nous avons soudain senti des éclats d’obus et des pierres tomber sur nous.
« Nous avons déjà des blessés et des martyrs parmi nous, c’est une tragédie. Il n’y a même pas d’électricité pour les voir ».
Diplomatie de crise
La guerre de Gaza fait craindre un embrasement régional si elle attire davantage d’ennemis régionaux d’Israël, en particulier des groupes soutenus par l’Iran tels que le Hezbollah libanais, avec lequel Israël a déjà échangé des tirs transfrontaliers meurtriers.
Au moins 49 personnes ont été tuées au Liban, dont 46 combattants libanais et palestiniens pour la plupart.
M. Blinken a déclaré au Conseil de sécurité des Nations unies que Washington « ne cherche pas le conflit avec l’Iran » mais il a également averti que « si l’Iran ou ses mandataires attaquent le personnel américain où que ce soit, ne vous y trompez pas, nous défendrons notre peuple, nous défendrons notre sécurité - rapidement et de manière décisive ».
Le chef du Hezbollah a rencontré des hauts représentants du Hamas et du Jihad islamique palestinien à Beyrouth mercredi pour discuter des moyens de « parvenir à une véritable victoire à Gaza et en Palestine » et de mettre fin à « l’agression brutale » d’Israël, selon un communiqué.
Traduit par : AFPS