Photo : Session du Conseil de Sécurité de l’ONU sur la situation au Moyen-Orient, y compris la question de la Palestine, 18 avril 2024 © UN photo/Manuel Elias
Les États-Unis ont mis leur veto à une résolution largement soutenue par le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), qui aurait permis à l’État de Palestine d’obtenir le statut de membre à part entière des Nations unies.
Douze pays ont voté en faveur de la résolution, qui a été soumise au vote lors d’une session du Conseil de sécurité qui a duré des heures à New York jeudi, tandis que deux autres pays - la Grande-Bretagne et la Suisse - se sont abstenus.
Après avoir mis son veto à la mesure, l’envoyé adjoint des États-Unis auprès des Nations unies, Robert Wood, a déclaré que Washington estimait qu’il n’y avait pas d’autre voie vers la création d’un État palestinien que celle des négociations entre Israéliens et Palestiniens.
« Nous savons depuis longtemps que des actions prématurées ici à New York, même avec les meilleures intentions, n’aboutiront pas à la création d’un État pour le peuple palestinien », a déclaré M. Wood.
On s’attendait largement à ce que la résolution échoue, car les États-Unis - le plus fidèle allié d’Israël - disposent d’un droit de veto au Conseil de sécurité et s’étaient opposés à son adoption.
Ce vote intervient plus de six mois après le bombardement de la bande de Gaza par Israël, qui a tué plus de 33 000 Palestiniens et plongé l’enclave côtière dans une catastrophe humanitaire.
L’analyste politique principal d’Al Jazeera, Marwan Bishara, a déclaré que le veto américain démontrait que Washington avait une politique « ma façon ou rien » à l’égard des Palestiniens.
« La Palestine ne peut être un pays que de la manière dont les États-Unis le voient, ou dont Israël le voit, seulement au moment où cela convient aux États-Unis et dans le cadre de la géopolitique et de l’intérêt mondial des États-Unis », a déclaré M. Bishara.
Les États-Unis, a-t-il ajouté, sacrifient « la liberté du peuple palestinien pour les intérêts égoïstes et étroits des États-Unis et d’Israël ».
L’État de Palestine est actuellement un observateur non membre des Nations unies. Pour devenir membre à part entière de l’ONU, il doit être approuvé par le Conseil de sécurité, puis par au moins deux tiers de l’Assemblée générale.
Avant le vote de jeudi après-midi, Ziad Abu Amr, le représentant spécial de l’ONU pour l’État de Palestine, avait lancé un appel au soutien.
« Nous aspirons toujours à exercer notre droit à l’autodétermination, à vivre dans la liberté, la sécurité et la paix dans un État indépendant, à l’instar des autres pays du monde », a déclaré M. Abu Amr au Conseil.
Les Palestiniens, a-t-il ajouté, « ont fait et continuent de faire de grands sacrifices pour atteindre cet objectif ».
Abu Amr a également rejeté les allégations selon lesquelles la résolution mettrait en péril les négociations politiques et les perspectives de paix.
« À ceux qui disent que la reconnaissance de l’État palestinien doit se faire par le biais de négociations et non d’une résolution des Nations unies, nous répondons : "Comment l’État d’Israël a-t-il été créé ?" N’est-ce pas par le biais d’une résolution des Nations unies, à savoir la résolution 181 ? » Abu Amr a ajouté.
« Cette résolution ne sera pas une alternative aux négociations et à la résolution des questions en suspens. Elle redonnera aux Palestiniens l’espoir d’un État indépendant après que cet espoir se soit dissipé », a-t-il ajouté.
« Nous espérons que vous nous donnerez l’occasion de faire partie intégrante de la communauté internationale qui œuvre pour la paix et la sécurité internationales. »
L’ambassadeur israélien à l’ONU, Gilad Erdan, a profité de son intervention au Conseil de sécurité pour accuser cet organe d’être politisé. Il a également qualifié la résolution de « prix décerné aux terroristes » impliqués dans l’attaque du 7 octobre par le groupe palestinien Hamas, qui gouverne la bande de Gaza.
« Si cette résolution est adoptée – si Dieu le veut - on ne devrait plus l’appeler le Conseil de sécurité, mais le Conseil de la terreur », a-t-il déclaré. « La seule chose qu’une reconnaissance unilatérale forcée d’un État palestinien fera, c’est de rendre toute négociation future presque impossible. »
En outre, M. Erdan a qualifié l’Autorité palestinienne (AP) d’« entité génocidaire qui ne mérite aucun statut » à l’ONU, qui exige des nouveaux candidats qu’ils soient des nations « pacifiques ».
Il a également affirmé que l’AP n’avait aucune autorité sur Gaza et certaines parties de la Cisjordanie. « Alors, qui les Nations unies vont-elles reconnaître ? Qui sera responsable ? », a-t-il demandé.
« L’ONU n’est pas attachée au multilatéralisme. Malheureusement, elle est désormais engagée dans le multiterrorisme », a-t-il poursuivi. « Aujourd’hui, le masque est enfin tombé. Le Conseil de sécurité des Nations unies s’est mis à nu. »
M. Erdan a reproché aux Nations unies d’avoir voté une résolution « destructrice et immorale » à un moment où les affrontements entre Israël et l’Iran risquaient de s’intensifier.
Tensions régionales, guerre de Gaza
L’Iran a lancé un barrage de missiles et de drones contre Israël au cours du week-end, après l’attaque de son consulat à Damas le 1er avril.
Les responsables israéliens n’ont pas précisé quand ni où ils comptaient riposter, mais le chef militaire du pays a promis de le faire.
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a ouvert la réunion du Conseil de sécurité de jeudi en avertissant que les tensions croissantes liées à la guerre à Gaza et à l’attaque de l’Iran contre Israël pourraient dégénérer en un « conflit régional de grande ampleur ».
« Le Moyen-Orient est au bord du précipice. Ces derniers jours, nous avons assisté à une escalade périlleuse - en paroles et en actes », a déclaré António Guterres.
« Un mauvais calcul, une mauvaise communication, une erreur, pourraient conduire à l’impensable - un conflit régional à grande échelle qui serait dévastateur pour toutes les parties impliquées », a-t-il expliqué, appelant toutes les parties à faire preuve de « la plus grande retenue ».
M. Guterres a condamné à la fois l’attaque du consulat et la rafale de drones, estimant que cette dernière constituait une « grave escalade ».
« Il est grand temps de mettre fin au cycle sanglant des représailles », a-t-il déclaré. « Il est grand temps d’arrêter. »
Traduction : AFPS