Lorsque les ministres égyptien et jordanien se sont retrouvés avec leurs homologues arabes, au siège de la Ligue, ils n’avaient pas grand-chose à leur dire. Ils sont rentrés d’Israël les mains vides. Leur mission, destinée à promouvoir l’initiative de paix pour règlement du conflit israélo-arabe, s’est réduite à des discussions de protocole obligé. Ahmad Aboul-Gheit et Abdel-Ilah Al-Khatib ont demandé à Israël « de ne pas rater cette occasion » et de fixer « un calendrier précis » de négociations avec les Palestiniens pour la création de leur futur Etat. Mais aucun engagement de la part de Tel-Aviv n’a été obtenu. Ehud Olmert, qui avait rejeté l’offre et avant lui Ariel Sharon, a préféré passer sous silence les clauses de l’initiative arabe avant de lancer de nouveau la balle dans leur camp. « J’apprécierais qu’à votre prochaine visite vous veniez accompagnés de davantage de ministres d’Etats arabes pour discuter de l’initiative de paix arabe avec nous », a dit le premier ministre israélien à ses invités arabes. C’est-à-dire qu’Israël, pour faire avancer le processus de paix, veut d’abord la pleine reconnaissance de tous les Etats arabes. En d’autres termes, les Israéliens ne sont pas prêts à rencontrer les Arabes à mi-chemin sur leur initiative de paix.
Des négociations sur le statut final ne seront donc pas pour demain et les « réserves » sur ce plan, lancé en 2002, sont toujours présentes en dépit des modifications apportées sur l’exigence d’un « retour » des réfugiés arabes. Le terme, retour, au sujet duquel Israël est très réticent, a été en effet remplacé par celui très peu précis de « solution équitable » lors du dernier sommet arabe. Du coup, et en dépit des qualificatifs du genre « historique » lancés par les Israéliens, des responsables arabes ont tenté de relativiser la portée de cette visite.
Cela dit, certains observateurs estiment même que malgré tout, les Arabes ont encaissé des points dans un contexte diplomatique. La mission en Israël était porteuse d’un message à l’opinion publique israélienne et à l’Administration américaine. « Nous sommes partis en Israël pour montrer la détermination des Arabes à tendre la main pour la paix avec Israël », a déclaré Aboul-Gheit. Il a semblé peut-être opportun aux Arabes de monter au créneau diplomatique au moment où la Feuille de route est en chute libre. Lundi, lors de leur réunion, les ministres arabes ont examiné les rapports sur les contacts menés par le comité ministériel pour la promotion de l’initiative de paix.
Sans faire un quelconque bilan des 3 mois de travail ou dévoiler le contenu de ces rapports, la déclaration finale de la réunion a préféré rappeler des idées de principes : le retrait israélien total de tous les territoires arabes occupés, le règlement du problème des réfugiés et la création d’un Etat palestinien avec Jérusalem-est comme capitale. Les appels classiques à la communauté internationale font partie du texte. On l’exhorte à faire pression sur Israël pour libérer les 10 000 Palestiniens détenus dans ses prisons. Concrètement, un groupe de travail arabe prend la route pour Charm Al-Cheikh pour assister à une rencontre avec Condoleezza Rice et Robert Gates, les secrétaires d’Etat et de la Défense. L’idée de George Bush de tenir une conférence internationale de paix est le motif de cette nouvelle tâche. Mais on sait déjà que les Arabes sont peu enthousiastes à l’idée de George Bush de tenir une conférence internationale de paix (lire page 5). Quelques heures avant la réunion arabe, le secrétaire général de la Ligue arabe a précisé qu’une telle conférence doit se tenir sous la houlette du Quartette ou du Conseil de sécurité et non sous l’égide des Américains. Et elle doit avoir comme objectif la création d’un Etat palestinien.
On plaide les mêmes causes et on croit que de l’autre côté, il y a quelqu’un qui écoute. Il semble que les Arabes ne peuvent pas aller plus loin, ils auraient fait preuve de la plus grande modération possible. Dans l’autre camp, il n’y a même pas un « oui, mais », comme réponse au plan arabe, ni un plan alternatif israélien. Pour une fois, ce sont les Arabes qui peuvent affirmer qu’ils n’ont pas de partenaire avec qui négocier.