En annonçant sa démission de la deuxième chaîne de la télévision israélienne, en janvier 2012, Yaïr Lapid avait expliqué qu’il voulait "changer la donne". Le slogan électoral de son parti, Yesh Atid ("Il y a un avenir"), créé dans la foulée, traduit cette volonté : "Nous allons changer les choses." Le fait d’être désormais en position de négocier son entrée dans une coalition dirigée par Benyamin Nétanyahou ne garantit pas le succès d’une telle ambition, mais cet homme de 49 ans, dont la "gueule" suscitait l’engouement des téléspectateurs, a renoncé à sa lucrative carrière de présentateur de journal télévisé, pour plonger dans l’arène politique.
Ce faisant, il marche sur les traces de son père, Yosef "Tommy" Lapid, lui aussi journaliste de formation, qui avait créé le parti laïc et libéral Shinouï, très hostile aux privilèges dont jouissent les ultraorthodoxes en Israël. Shinouï avait obtenu 15 sièges aux législatives de 2003, avant de disparaître. Yaïr Lapid est en phase avec les thèses paternelles s’agissant des haredim (les ultraorthodoxes), qu’il veut obliger à accomplir un service militaire ou civique. Il est probable que ce sera l’une de ses conditions pour apporter à M. Nétanyahou le soutien des 19 députés de Yesh Atid.
"Un accord de divorce"
Centriste, M. Lapid se veut avant tout le défenseur des classes moyennes dont la situation économique s’est sérieusement dégradée ces dernières années. Il n’a jamais caché son voeu de devenir ministre, mais il souhaite qu’une autre formation centriste l’accompagne au gouvernement. Ses colistiers forment un ensemble assez hétéroclite : son "numéro deux" est le rabbin Shay Piron, l’un des chefs de Tzohar, une organisation religieuse modérée, et l’un de ses principaux adjoints est Jacob Perry, ancien banquier et ancien chef du Shin Bet, le service de renseignement intérieur israélien.
On trouve ensuite, pêle-mêle, un député ultraorthodoxe, les maires des villes de Dimona et Herzliya, un ancien chef de la police, deux députés d’origine éthiopienne, un Druze, des immigrés d’origine russe, etc.
M. Lapid se déclare partisan d’une reprise des négociations avec les Palestiniens mais, comme M. Nétanyahou, il est hostile au "droit au retour" des réfugiés, ainsi qu’à la division de Jérusalem. "Nous ne voulons pas d’un mariage heureux avec les Palestiniens, a-t-il résumé, mais d’un accord de divorce avec lequel nous puissions vivre."