Photo : Manifestations israéliennes contre la réforme de la justice, action de blocage du l’autoroute Ayalon à Tel Aviv, 26 mars 2023 - Source : Wikipedia
Malgré les politiques de plus en plus à droite du régime israélien, le sionisme libéral joue toujours un rôle dominant dans cette idéologie. Il remplit la fonction spécifique et critique de fournir au projet sioniste l’image d’une civilisation occidentale éclairée et d’une politique démocratique et progressiste. En conséquence, le régime israélien est rarement décrit dans les cercles occidentaux dominants pour ce qu’il est : un État colonial de peuplement qui pratique l’apartheid.
Les responsables politiques et les médias, représentants l’ensemble du spectre politique en Europe, aux États-Unis et ailleurs, décrivent majoritairement Israël comme la « seule démocratie du Moyen-Orient », partageant les valeurs occidentales, et le hissent au rang de modèle en matière de politiques progressistes dans une région par ailleurs autoritaire et irrécupérable. Cette rhétorique est ensuite utilisée pour justifier le soutien effréné de l’Occident au régime israélien, notamment en lui fournissant les moyens diplomatiques, économiques et militaires nécessaires au maintien et à la poursuite de sa colonisation de la Palestine.
Si les idéologies sionistes de droite abondent et ont leurs partisans dans le monde entier - en particulier parmi les chrétiens sionistes - qu’il faut combattre, il est essentiel de démystifier le sionisme libéral. Alors que les dirigeants mondiaux et les principaux médias continuent d’exprimer leur inquiétude face au gouvernement de la coalition extrémiste israélienne et appellent le retour de la solution à deux États, l’idée qu’il existe une forme libérale du sionisme, digne d’être sauvée doit être réfutée. Après avoir défini le sionisme libéral, exposé ses fondements coloniaux et d’apartheid, et présenté une étude de cas aux États-Unis, cette note politique propose un cadre d’orientation pour confronter et réfuter la notion de sionisme libéral.
Comprendre le sionisme libéral
Le sionisme libéral contemporain est issu du sionisme travailliste, la soi-disant branche socialiste de gauche du mouvement qui a vu le jour il y a plus d’un siècle et a joué un rôle déterminant dans la formation de l’État sioniste. Depuis la création de l’État, le sionisme libéral est présent dans les politiques des gouvernements de gauche successifs et dans les missions des organisations non gouvernementales, des groupes de pression, des partis politiques et des réseaux et institutions universitaires, qui promeuvent Israël en tant qu’État juif libéral. Le sionisme libéral a joui d’une hégémonie idéologique pendant de nombreuses décennies après 1948. Comme l’écrit le sioniste libéral Yehuda Kurtzer à propos de ses prédécesseurs : « Les sionistes triomphants ont compris qu’ils construisaient un mouvement politique libéral. Le libéralisme a été intégré dans le sionisme politique qui a finalement conduit à la construction de l’État ».
Comme M. Kurtzer, la plupart des analystes israéliens se concentrent sur l’alternance entre idéologies de gauche et de droite en tant que question de politique intra-israélienne et intra-juive. Le sionisme, cependant, est mieux défini à travers les expériences de ses victimes : les Palestiniens. De ce point de vue, le sionisme libéral ne peut être compris que comme une colonisation de peuplement, puisqu’il est directement responsable de la Nakba de 1948. Bien que le sionisme libéral ne soit pas un monolithe, ses partisans ont œuvré dans les cercles dominants en s’appuyant sur les croyances centrales suivantes pendant des décennies :
La création de l’État israélien est le seul moyen d’assurer la sécurité des Juifs et de les sortir de l’exil ;
Les Juifs ont des droits inhérents, bibliques et souverains sur la terre de Palestine ;
Le projet sioniste est une entreprise héroïque et miraculeuse qui a porté la flamme de la modernisation et de la civilisation sur la soi-disant terre d’Israël ;
La "guerre d’indépendance" de 1948 était nécessaire et les résultats de la guerre - à savoir l’expulsion de plus de 750 000 Palestiniens de leurs terres et de leurs maisons et la destruction de la Palestine - étaient naturels et doivent être acceptés.
Tous les sionistes libéraux ne sont pas d’accord avec chacun de ces quatre points. Par exemple, certains utilisent un langage très différent pour le quatrième point, affirmant que les Palestiniens sont partis et n’ont pas été expulsés. Cependant, dans toutes ses variantes, l’idéologie sioniste libérale dominante soutient que la conquête coloniale de la Palestine en 1948 était juste, légitime, valable et pleinement justifiable et que, par conséquent, aucune critique sérieuse ne peut être adressée contre la création d’Israël en 1948.
Le sionisme libéral est hostile aux critiques décoloniales palestiniennes concernant 1948 et les qualifie souvent d’antisémites afin de les marginaliser et de les censurer. L’effacement de la critique palestinienne par la notion de « nouvel antisémitisme » remonte au moins au début des années 1970, lorsque le ministre travailliste israélien des affaires étrangères, Abba Eban, a commencé à défendre l’idée que l’antisionisme est de l’antisémitisme. En outre, les sionistes libéraux utilisent ces croyances traditionnelles pour critiquer l’occupation en 1967 de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et de Gaza, tout en évitant soigneusement d’attirer l’attention sur l’année 1948.
Un éditorial publié en 2023 dans le Washington Post par les sionistes libéraux Paul Berman, Martin Peretz, Michael Walzer et Leon Wieseltier est une bonne illustration de ces critiques stratégiques. Les auteurs situent Israël, depuis sa fondation, au sein des « nations éprises de liberté » du monde, arguant que le nouveau gouvernement de droite de Benjamin Netanyahou « menace la position d’Israël dans les affaires mondiales ». La prédominance des questions d’image est confirmée à la fin de l’article, où les auteurs insistent sur la poursuite et le maintien du financement militaire américain en faveur d’Israël et appellent les États-Unis à soutenir les Israéliens qui protestent contre le gouvernement de coalition de droite de M. Netanyahou.
Le « soutien double, mais non contradictoire », comme ils le disent, est en effet une description exacte, mais pas parce que, comme ils le suggèrent, cela protégerait la démocratie dans la bataille mondiale entre « la démocratie et l’autocratie ». C’est plutôt parce que cette revendication auprès de l’administration Biden est une reconnaissance implicite que : (a) ce qui a été pris par la force en 1948 ne peut être conservé que par la force - d’où le besoin continu et perpétuel de financement militaire, quelle que soit l’idéologie politique au pouvoir - et (b) le rejet des politiques expansionnistes et annexionnistes du nouveau gouvernement sauvera l’État juif en tant qu’État pour une majorité juive, empêchant de manière drastique que la critique palestinienne d’Israël entre dans le discours dominant.
Cela montre que le soutien des sionistes libéraux aux manifestations israéliennes de 2023 dans les territoires de 1948 n’est pas du tout une opposition au projet colonial de l’État sioniste, mais plutôt une indication de leur inquiétude quant au fait que la trajectoire de la droite puisse nuire au masque libéral du colonialisme de peuplement israélien. En fin de compte, la gauche et la droite sont sur la même longueur d’onde en ce qui concerne la création et la "défense" d’Israël en tant qu’État à majorité juive.
Enfin, il est essentiel de comprendre que le sionisme libéral fait partie intégrante de la modernité coloniale. En d’autres termes, cette modernité - conçue comme un phénomène occidental - ne peut être séparée des outils utilisés pour y parvenir : La colonisation et l’esclavage. Il n’est pas surprenant que les sionistes libéraux ne parviennent pas à analyser de manière critique les fondements violents et coloniaux des soi-disant démocraties libérales occidentales. Au lieu de cela, ils acceptent comme une sagesse conventionnelle et un fait que la civilisation occidentale est supérieure à toutes les autres et se targue d’avoir les systèmes démocratiques les plus avancés au monde.
En plus de cela, l’Occident répand à juste titre et dans le monde entier une civilisation qui s’est développée de manière endogène. L’ouvrage le plus récent de M. Walzer en est un bon exemple : il y fait l’éloge et la promotion de la "morale libérale" et du "libéralisme" en tant que "produit des Lumières et du triomphe [...] de l’individu émancipé - une figure occidentale". Il affirme que cette invention prétendument occidentale, dont Israël fait partie, est nécessaire pour nous empêcher de devenir "monistes, dogmatiques, intolérants et répressifs". Le livre ne contient pas de paradigme décolonial centré sur les expériences et les aspirations de ceux qui ont souffert et ont été effacés par le projet colonial occidental. En séparant la civilisation de l’Occident de ce que fait l’Occident, le sionisme libéral justifie, légitime et naturalise le projet colonial de peuplement sioniste violent en Palestine colonisée et au delà.
Les politiques coloniales et d’apartheid du sionisme libéral
Comme le montrent l’expulsion collective des Palestiniens en 1948 ainsi que la justification et la légitimation idéologiques de cette expulsion par la suite, toutes les politiques issues du sionisme libéral sont coloniales et relèvent de l’apartheid. Fondamentalement, la création de l’État sioniste en 1948 était coloniale ; elle a nécessité l’expulsion et la dépossession des Palestiniens. Peu après, Israël a promulgué une série de lois d’apartheid pour rendre l’expulsion permanente et entamer le processus de judaïsation de la Palestine colonisée - parmi lesquelles la loi de 1950 sur le retour, celle sur la propriété des absents et la loi de 1952 sur la nationalité, entre autres.
Dans leur souci de préserver l’image d’Israël, les sionistes libéraux évitent d’employer des termes qui révèlent la réalité coloniale des colons. Par exemple, dans leur critique du dernier gouvernement de coalition de Netanyahou, Berman, Peretz, Walzer et Wieseltier, ils décrivent les politiques de colonisation et d’apartheid d’Israël comme une campagne "toujours plus agressive" visant à établir de nouvelles colonies et des "défis croissants" pour les citoyens palestiniens d’Israël. Ils qualifient en outre le gouvernement de M. Netanyahou de promoteur du "vigilantisme juif extrémiste" et des "ethno-nationalistes", affirmant qu’Israël est en train de se rapprocher de la Hongrie de Viktor Orban. Dans leur discours, Israël devient une nouvelle victime de la vague mondiale d’ethnonationalisme qui menace les démocraties libérales occidentales - un point que d’autres, comme M. Kurtzer, soulignent plus explicitement afin de réaffirmer l’image d’Israël comme étant fondamentalement une démocratie libérale.
Ce raisonnement est loin d’être vrai. Israël continue de mettre en place un système qui, sur le plan territorial, politique, militaire, économique et juridique, place les colons dans une position privilégiée par rapport à la population autochtone. D’une part, les colonies s’étendent et, d’autre part, le colon est indigénéisé tandis que le Palestinien est déplacé. À cet égard, l’apartheid est une étape dans le continuum de la violence coloniale qui commence par l’expulsion et le déplacement massifs des populations autochtones. Il s’agit d’un processus qui élimine la souveraineté indigène, servant ainsi d’outil pour cimenter et étendre la conquête coloniale.
Puisque les sionistes libéraux sont censés soutenir une solution à deux États sur la base des frontières de 1967, ils ne devraient théoriquement plus être intéressés par l’expansion ; en effet, ils considèrent l’occupation comme dangereuse pour le projet sioniste. Ils considèrent en effet que l’occupation est dangereuse pour le projet d’État juif, ce qui s’exprime parfois par une critique des politiques et pratiques d’apartheid (sans utiliser le terme d’apartheid) qui étendent l’État israélien en déchaînant un pouvoir totalitaire sur les Palestiniens.
Néanmoins, ce soutien à une solution à deux États doit être compris comme étant basé sur leur crainte ultime d’une solution à un État dans laquelle la souveraineté israélienne « officieuse » sur les Palestiniens se transformerait en souveraineté israélienne « officielle » sur l’ensemble de la Palestine colonisée, laissant Israël avec une population palestinienne importante qui menacerait le statut d’Israël en tant qu’État juif. Le sionisme libéral ne pouvant concilier le rêve sioniste d’un État juif ethnocratique avec une véritable démocratie, la réalité d’un État unique mettra en évidence cette imposture fondamentale. Ainsi, les politiques de colonisation et d’apartheid sont ancrées dans l’idéologie sioniste libérale qui refuse de regarder en face ce que le sionisme est et a toujours été.
Une étude de cas du sionisme libéral aux États-Unis
L’une des principales organisations sionistes libérales aux États-Unis est J Street, qui se décrit comme une organisation « pro-Israël, pro-paix, pro-démocratie » qui lutte contre « le sectarisme, l’inégalité et l’injustice ». Il est important de noter que J Street soutient qu’Israël partage ces « principes démocratiques » avec les États-Unis, décrivant la « menace sérieuse » qui pèse sur la « démocratie libérale » en Israël comme faisant partie d’une récente vague mondiale d’extrémisme et d’ethno nationalisme qui menace également les États-Unis. En outre, elle prétend travailler « dans des coalitions multiconfessionnelles et multiraciales avec les communautés dans leurs efforts pour surmonter... l’oppression et pour renforcer la démocratie libérale ». Enfin, elle estime qu’Israël est confronté à de « dangereux ennemis » et a le droit de se défendre - et, par extension, de défendre la démocratie, le progrès et la civilisation.
C’est sur cette base, qui rend illégitime la remise en cause du droit fondamental d’Israël à exister en tant que patrie juive, que J Street construit son opposition à l’occupation. En effet, cette organisation reconnaît que les Palestiniens « méritent des droits civils complets et la fin de l’injustice systémique de l’occupation » et qu’elle « soutient la création d’un État palestinien indépendant, démilitarisé et aux frontières définies ». De cette manière, J Street se positionne carrément comme une organisation libérale et raisonnable.
Malgré cela, J Street n’explique pas pourquoi elle pense qu’un État palestinien devrait être démilitarisé. C’est un parfait exemple de la façon dont les sionistes libéraux considèrent que les Palestiniens sont déjà - ou peuvent toujours potentiellement devenir - des ennemis dangereux qui, s’ils ont accès à la violence militaire organisée, la déchaîneront inévitablement. Ce langage s’inscrit parfaitement dans les discours et les politiques sionistes qui, depuis des décennies, essentialisent les corps palestiniens comme étant violents.
La position de J Street sur les frontières est également révélatrice. Le site Internet de l’organisation indique qu’Israël doit « renoncer à la grande majorité des territoires occupés sur lesquels un État palestinien peut être construit en échange de la paix ». En demandant à Israël de « renoncer » à un territoire, J Street reconnaît implicitement qu’Israël a des droits sur ce territoire, reflétant ainsi la logique fondamentale du sionisme libéral selon laquelle Israël a des droits sur les terres allant du Jourdain à la mer Méditerranée.
En outre, J Street indique clairement dans sa déclaration sur les frontières que son idée d’un plan de paix "permettrait aux quartiers juifs établis à Jérusalem-Est et à certains des grands blocs de colonies de Cisjordanie proches de la ligne verte d’être incorporés à l’État d’Israël". Cette politique indique un soutien à l’annexion et s’aligne sur celle des gouvernements israéliens de tout l’échiquier politique.
L’énigme de l’annexion
Pour J Street et d’autres organisations analogues, l’annexion doit être limitée par crainte qu’une expansion ne dévoile les fondements coloniaux d’Israël. Bien que les sionistes libéraux ignorent que les terres occupées en 1948 sont devenues juives et démocratiques - pour les Juifs uniquement - par le biais de politiques et de lois coloniales et d’apartheid, cette réalité est omniprésente dans leur idéologie. Elle apparaît avant tout dans leur opposition au droit au retour des Palestiniens sur leurs terres d’origine. Mais elle se manifeste également dans leur crainte que la visibilité croissante de la violence quotidienne d’Israël à l’encontre des Palestiniens - grâce à la révolution numérique et à l’activisme palestinien - ne conduise les observateurs internationaux à remettre en question l’ensemble des politiques d’Israël et, peut-être, son fondement même.
Cette crainte pousse les sionistes libéraux à critiquer le gouvernement de coalition de droite de Netanyahou. Comment pourraient ils défendre l’idée qu’Israël est un État démocratique et juif s’ils annexent la totalité de la Palestine occupée ? Ainsi, la principale répercussion du nouveau régime israélien sur le sionisme libéral est qu’il l’expose pour le mythe qu’il est. En d’autres termes, le nouveau régime israélien accompagne les politiques d’éradication d’une formulation honnête des aspirations que cachent ces pratiques - comme lorsque le ministre des Finances Bezalel Smotrich a appelé l’État israélien à « effacer » la ville de Huwara en Cisjordanie - détruisant ainsi le vernis de politiques démocratiques et progressistes que les sionistes libéraux ont mis des décennies à construire.
Dans leurs efforts pour sauver ce mirage, les sionistes libéraux ont protesté contre l’attaques contre Huwara en utilisant le vocabulaire « anticolonial », des « colons extrémistes », et même de la « terreur juive ». Mais ils continuent d’ignorer que les terres qu’ils appellent « Israël proprement dit » - depuis lesquelles ils mènent leurs manifestations - ont été établies comme « israéliennes » par la même structure de violence coloniale qui cherche à effacer Huwara.
Le sionisme libéral se situe au mieux dans une politique libérale multiculturelle qui considère les fondements des politiques coloniales comme peut-être tragiques, mais fondamentalement valables et tournés vers le progrès et la civilisation. À cet égard, il rejoint une longue liste d’apologistes des projets coloniaux occidentaux, qui dissimulent leurs fondements et leurs structures et marginalisent et éliminent ainsi les alternatives à ces structures. Si les politiques progressistes d’aujourd’hui ne considèrent pas le projet antiraciste comme un projet qui doit nécessairement être décolonial et s’engager à démanteler les structures de la colonisation contemporaine, alors elles ne sont pas progressistes du tout.
La dé-sionisation est la seule voie à suivre
Le sionisme libéral est une idéologie qui protège et fait progresser la conquête coloniale de la Palestine au nom de la rationalité, du progrès, de l’égalité, de la tolérance, de la démocratie et même de l’antiracisme. Il est donc essentiel que cette idéologie soit combattue dans tous les espaces où elle opère. Cela implique le rejet du sionisme libéral en tant que « partenaire de paix » et la nécessité d’insister sur la libération anticoloniale palestinienne pour l’ensemble de la Palestine colonisée et pour les Palestiniens partout dans le monde.
Un cadre de libération décoloniale serait également bénéfique aux Juifs israéliens à long terme. C’est ce que désigne la dé-sionisation : elle commence par la reconnaissance, par les Israéliens juifs, que le sionisme n’a jamais résolu la « question juive » en Europe, mais l’a plutôt internalisée et a reproduit le projet colonial occidental en Palestine ; elle aboutit à un endroit où les Israéliens juifs ne seraient plus « des natifs ou des colons dans la Palestine historique », mais plutôt « des immigrants... des résidents bienvenus dans une patrie historique ». Il est important de noter que ce concept implique de réinventer la manière d’imaginer l’État, le nationalisme et la souveraineté, en s’éloignant des modèles coloniaux occidentaux.
Au-delà de la Palestine colonisée, le sionisme libéral doit être démystifié dans les partis et les institutions politiques, les médias et les collectifs de la société civile. Des espaces militants aux espaces grand public, les gens doivent former des coalitions intersectionnelles engagées en faveur de la justice décoloniale. Ces collectifs doivent organiser des activités telles que des séminaires locaux, des pétitions, des campagnes d’envoi de lettres, etc. afin d’élaborer des stratégies pour faire face au retour inévitable des sionistes.
Ces collectifs doivent adopter cinq stratégies principales pour assurer la dé-sionisation :
- Contester l’idéologie par la réalité : les journalistes, les universitaires et les militants doivent rejeter les positions des organisations sionistes libérales, telles que J Street, concernant la souveraineté sur Jérusalem, ce que signifie réellement l’autodétermination palestinienne, etc. Les sionistes libéraux ne veulent pas aborder la question de la libération palestinienne décoloniale, il est donc nécessaire de déplacer la conversation sur ce sujet et de refuser la normalisation de la colonisation israélienne.
- Rejeter l’instrumentalisation de l’antisémitisme : le sionisme libéral ne présente pas de réponses substantielles aux critiques décoloniales, et donc, lorsqu’il est poussé dans ses retranchements, il répond par l’accusation d’antisémitisme. Les institutions et les organisations doivent bannir les définitions de l’antisémitisme qui intègrent la question de la Palestine de quelque manière que ce soit (à droite, l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), à gauche, la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme).
- Recentrer les arguments palestiniens : il ne suffit pas d’entendre le récit des souffrances palestiniennes. Le discours public doit être centré sur les arguments palestiniens qui expliquent pourquoi et comment les Palestiniens souffrent et, surtout, qui offrent une tribune aux aspirations palestiniennes à la libération. Pour permettre ce changement, il faut faire pression sur les médias pour qu’ils remettent en cause le statu quo qui consiste à censurer et à réduire au silence les discours palestiniens.
- Mettre l’accent sur l’antiracisme décolonial : Les bureaux d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) se sont répandus dans les institutions politiques et sociales. Nombre d’entre eux fonctionnent sur la base d’un antiracisme corporatiste, multiculturel et libéral, et soutiennent que les critiques anticoloniales d’Israël sont antisémites et n’ont donc pas leur place dans les espaces antiracistes. S’opposer à ces initiatives est nécessaire non seulement pour la libération des Palestiniens, mais aussi pour la celle de tous ceux qui continuent à souffrir de la violence du colonialisme contemporain.
- Démanteler le sionisme : Le sionisme ne peut pas conduire à une libération décoloniale. Qu’il soit libéral ou de droite, cette idéologie est celle d’une souveraineté juive exclusive sur cette terre, établissant Israël comme pouvoir suprême et indivisible. Cela signifie nécessairement l’expulsion continue des Palestiniens de leurs terres et l’élimination de la souveraineté indigène palestinienne. Seul le démantèlement de la souveraineté coloniale sioniste peut conduire à un projet décolonial et antiraciste substantiel. Pour que cela soit possible, les communautés juives et israéliennes - au nom desquelles les intérêts sionistes prétendent s’exprimer - doivent participer au projet de dé-sionisation.
Traduit par : AFPS