uand Hatim Muhammad veut échapper à Gaza il écoute chanter ses 31 canaris.
A 41 ans, cet ancien militant, au chômage, a transformé en volière improvisée une pièce de sa maison.
Sept de ses 11 enfants y dorment aussi pendant la nuit..
"J’ai l’impression d’être libre quand j’entends mes canaris," dit Hatim, alors que les cages oscillent doucement au -dessus de sa tête. "Ils m’aident à oublier tous mes problèmes."
Comme beaucoup d’autres personnes à Gaza, Hatim se souviendra de 2006 comme l’année pendant laquelle les problèmes se sont accumulés. Même pour les « normes » palestiniennes, les difficultés de cette année sont extraordinaires.
D’abord il y a eu le boycott économique international qui a suivi l’élection du Hamas. Cet embargo a plongé dans la pauvreté un grand nombre de Palestiniens.
Pendant cette année, les opérations militaires israéliennes à Gaza et en Cisjordanie ont tué plus de 600 Palestiniens.
Les opérations se sont intensifiées à Gaza en juin après la capture par les militants palestiniens d’un soldat israélien au cours d’une attaque de l’autre côté de la frontière.
Les opérations militaires dont l’objectif était de libérer le soldat et de mettre fin aux tirs de roquettes Qassam sur Israël ont échoué dans les deux cas.
En Novembre, Israël a arrêté ses opérations à Gaza, tandis que les tirs de roquettes diminuaient, mais ne cessaient pas.
Plus tard cette année, la violence interne a éclaté entre les deux principaux groupes palestiniens, le Hamas et le Fatah . Environ 40 Palestiniens sont morts cette année dans des combats internes.
"C’est la pire année de ma vie," dit Hatim. "Je jure devant Dieu, je n’ai plus d’argent pour le lait et la nourriture de mes enfants," dit-il.
Avant l’embargo, Hatim, au chômage, dépendait de l’aide modeste de sa famille, de ses amis et de ses voisins pour assurer l’existence frugale de sa famille.
Mais la plupart des 160,000 employés du gouvernement n’ont pas reçu leur salaire complet depuis neuf mois. Il n’y a plus grand monde qui puisse se permettre d’être généreux maintenant.
Falisteen, sa fille de 17 ans, a des problèmes rénaux et a besoin de médicaments.
Hatim dit qu’il doit $400 (plus de 300 €) au pharmacien.
"Je l’évite maintenant," dit-il. "Je suis trop embarrassé si je le vois."
Pendant l’incursion israélienne qui a commencé l’été dernier, les booms supersoniques [[une tactique ignominieuse de l’armée israélienne pour terrifier la population de Gaza est de faire survoler à très basse altitude les zones urbaines surpeuplées par des avions de chasse qui passent le mur du son en créant des fracas épouvantables. Cela fait croire d’une part à une attaque réelle imminente -et il y en a eu !-, et d’autre part cela brise, nuit après nuit, les nerfs et la résistance psychologique et physique des civils visés, notamment les enfants.]
Mais il dit que c’est la violence interne entre les partisans du Fatah et du Hamas qui le perturbe le plus.
"Les balles, il faut les utiliser contre les Israéliens, pas les Palestiniens," dit Hatim, qui était à un moment dirigeant local des Brigades al-Aqsa, une branche armée du Fatah.
Pour le moment un cessez-le-feu fragile entre les deux groupes semble tenir.
"Je me sens un peu mieux maintenant," dit-il. "Ca semble plus sûr."
Mais il n’oubliera pas de si tôt ce moment dimanche dernier où deux partisans armés du Hamas sont venus à sa maison de parpaings dans le dédale de ruelles du camp de réfugiés et ont menacé de le tuer.
"Un d’eux a dit qu’ils devraient me mettre une balle dans la tête," dit Hatim.
"Mais l’autre a dit que, comme j’ai 11 enfants, ils devraient me tirer dans la jambe."
"Finalement ils n’ont fait ni l’un ni l’autre mais ils ont arrosé ma maison de balles"
Malgré tout, Hatim reste optimiste.
Tatoués sur ses bras, le drapeau palestinien et une inscription : "pour la liberté ". Il espère que la nouvelle année verra la fin de tous les problèmes et l’avènement de l’Etat palestinien indépendant.
"Je prie pour que tout ça arrive," dit-il. Mais il n’a pas l’air trop convaincu.