Des activistes lors de la grande manifestation social du 23 juillet 2011.
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Des activistes lors de la grande manifestation social du 23 juillet 2011.
Durant l’été 2011, ses principaux instigateurs – Daphni Leef, Stav Shaffir, Regev Contes, Yigal Rambam et quelques autres – étaient considérés comme les leaders du mouvement. Mais en réalité ils ne le contrôlaient pas, car le mouvement était impossible à maîtriser. Leur rôle se limitait à celui de porte-parole. Depuis, la plupart sont retombés dans l’anonymat, même si quelques-uns, en particulier Daphni Leef et Stav Shaffir, continuent d’une certaine manière à montrer la voie.
Que veulent les manifestants ? Qu’est-ce que la “justice sociale” ?
C’est la grande question. Chacun a sa propre définition de la justice sociale et de ce que l’Etat doit faire pour combler les disparités croissantes et infléchir le coût de la vie.
Pour certains, la réponse consiste à en finir avec la concentration économique, à démanteler les grands conglomérats et à imposer la loi de la concurrence. D’autres revendiquent une augmentation des dépenses publiques, moyennant une plus forte imposition des entreprises et des contribuables les plus aisés. D’autres encore réclament un régime social-démocrate, se font les chantres du socialisme ou défendent des idées anarchistes.
Mais les principales revendications sont à peu près les mêmes pour tous : un retour à l’Etat-providence, avec un accroissement des dépenses publiques dans les domaines de la santé et de l’éducation, une réglementation plus stricte des entreprises et des banques, une plus forte imposition des sociétés, une plus grande transparence et des mesures en vue d’éradiquer les inégalités.
Quel a été le moment clé du mouvement ?
La série de manifestations qui ont eu lieu le soir du 3 septembre 2011 à Tel-Aviv et dans d’autres villes du pays. Quelque 500 000 personnes, soit un dixième de la population adulte israélienne, ont participé aux manifestations ce soir-là. Mais le lendemain, Itzik Shmuli, le responsable de l’Union des étudiants israéliens, qui était l’un des dirigeants du mouvement, a annoncé que le syndicat allait se retirer du boulevard Rothschild et des autres campements. En quelques jours, les autorités municipales ont évacué la plupart des campements, hormis ceux qui abritaient des personnes handicapées et des SDF. Celui du boulevard Rothschild est resté en place jusqu’au 3 octobre, après quoi il a été lui aussi démantelé.
Qu’est devenu le mouvement pendant l’hiver ?
Certains disent qu’il est entré en hibernation. En fait, des manifestations se sont déroulées tout au long de l’hiver, mais elles étaient beaucoup moins importantes et ont donné lieu à des affrontements avec la police, qui a commencé à procéder à des arrestations, parfois de manière très brutale. L’hiver a été rude et terriblement décevant pour les militants, qui avaient espéré lancer un autre soulèvement de masse.
L’attention des médias s’est détournée du mouvement. Ses fondateurs ont formé des factions rivales et certains ont commencé à s’insulter en public. Au mois de mai, le mouvement ne regroupait plus que quelques centaines de militants. Il était moribond.
Est-il ressuscité ?
En un sens, oui. Le 23 juin dernier, Daphni Leef, figure de proue du mouvement, et quelques centaines de militants ont à nouveau tenté d’installer des tentes sur le boulevard Rothschild. En quelques minutes, l’“unité de reconnaissance verte” les a arrachées. La jeune militante et onze autres manifestants ont été matraqués et arrêtés.
Les réseaux sociaux ont diffusé une masse de photos et de vidéos sur ces événements ainsi que des messages accusant le gouvernement de tenter d’entraver la liberté d’expression. Le lendemain, en réaction aux brutalités policières, des milliers d’habitants, forçant les barrages de police, ont défilé du boulevard Rothschild à l’hôtel de ville de Tel-Aviv, où ils ont réclamé la démission du maire, Ron Huldai. En scandant le slogan “Démocratie ! Démocratie !” les manifestants se sont rassemblés devant des banques et ont brisé les vitres de l’une d’entre elles. Environ 2 000 personnes ont ensuite bloqué la circulation sur le boulevard périphérique de la ville.
La police a réagi de façon musclée, arrêtant 89 manifestants – beaucoup sous de faux prétextes, comme on l’a appris ultérieurement – et en en matraquant d’autres. Bref, le mouvement est de retour, mais il n’est pas aussi “sympathique” que l’an dernier.
Pourquoi a-t-il repris ?
Parce que rien n’a changé. La situation qui avait fait descendre des milliers d’Israéliens dans la rue l’an dernier ne s’est pas améliorée. En fait, les choses ont empiré, car, à l’exception des téléphones portables, les prix de la plupart des produits et des services ont augmenté. Israël est en passe de connaître un autre été de mécontentement, qui s’annonce beaucoup plus tumultueux que le précédent.