Dix-neuf jours de terreur ont soufflé un vent de soufre et de phosphore blanc sur les Ghazaouis qui, armés de la foi en leur cause, résistent et donnent du fil à retordre à l’une des forces armées les plus puissantes au monde. Le bilan est lourd : 1013 martyrs palestiniens sont tombés dans l’agression israélienne incessante depuis le 27 décembre 2008, dont 315 enfants et 100 femmes. Le nombre de blessés est loin d’être négligeable puisqu’il a atteint 4700 personnes, dont des blessés graves, a annoncé hier le responsable du service des urgences à Ghaza, Mouawiya Hassanein.
La liste des victimes s’est allongée suite à de nouvelles attaques opérées sur Ghaza, provoquant la mort de 20 Palestiniens pour la seule matinée d’hier. Même les morts ne sont pas épargnés par les raids israéliens. Un cimetière au nord de Ghaza, appelé Cheikh Redouane, a été la cible de bombardements par l’aviation sioniste, provoquant le déchiquetage des dépouilles récemment enterrées de plusieurs martyrs. Même morts, les résistants palestiniens font peur à Israël, telle est la preuve de la justesse du combat palestinien contre un occupant sans foi ni loi.
Sur le front des combats, les plus violentes attaques ont eu lieu à la périphérie de Ghaza-ville et dans le nord du territoire palestinien. Et ce n’est pas près de finir. Malgré les tentatives diplomatiques de faire aboutir l’appel au cessez-le-feu, un haut responsable du ministère de la Défense israélien a souligné à l’AFP, en gardant l’anonymat, qu’Israël « ne se sent pas sous pression pour mettre fin à l’opération à ce stade.
La seule vraie issue que nous voyons se présentera lorsque Obama arrivera à la Maison-Blanche ». Ce qui veut dire que Ghaza continuera de subir le terrorisme israélien au moins cinq jours de plus puisque l’investiture d’Obama aura lieu le 20 janvier.
Selon un responsable du Comité de secours d’urgence dans la bande de Ghaza, Mounir El Barch, l’utilisation d’armes prohibées par Israël est prouvée. « Nous détenons des preuves irréfutables de l’utilisation par Israël d’armes prohibées, dont le missile 821a1 de fabrication américaine, vendu en 2004 à Israël et utilisé en Irak, en Afghanistan et au Liban », affirme le docteur El Barch dans une déclaration à l’APS. « Le phosphore prend feu au contact de l’oxygène et reste allumé tant que l’oxygène n’a pas été coupé. Touchant la peau ou inhalé, le phosphore provoque des brûlures qui affectent même les os », indique le même responsable en notant que plusieurs médecins ont été affectés après avoir touché cette matière brûlante. De nombreuses institutions internationales ont été saisies pour analyser ces matières chimiques utilisées par l’armée israélienne. Des représentants de la Croix-Rouge internationale, l’Union des médecins arabes et l’Ordre des médecins égyptiens ont effectué des prélèvements de tissus sur certains patients pour mener des enquêtes.
Des tirs de roquettes en provenance du Liban vers Israël
En sus de la guerre, la bande de Ghaza est privée d’eau et d’électricité et se trouve en proie à une situation humanitaire des plus graves. Le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) l’a même qualifiée de « dramatique ». Jacob Kellenberger a déclaré, lors d’une conférence de presse : « Malheureusement, la situation humanitaire est dramatique, j’ai pu m’en convaincre en visitant l’hôpital d’El Shifa à Ghaza. » Et de souhaiter que l’accès dans les zones touchées soit permanent aux équipes de secours et « pas seulement pendant trois ou quatre heures, afin de pouvoir soigner les blessés et les évacuer ».
Le théâtre des combats continue à Ghaza et un deuxième front risque de s’ouvrir du côté de la frontière libanaise avec Israël. Des roquettes ont été tirées, hier, du Liban pour exploser près de la ville israélienne de Kyriat Shmona. L’armée israélienne a réagi en tirant à son tour contre la zone incriminée. L’armée libanaise et les forces de l’ONU ont découvert, de leur côté, trois roquettes de type Grad prêtes à être tirées dans le secteur de Habariyeh. Si les tirs de roquettes n’ont pas été revendiqués, le gouvernement libanais a tenu à les dénoncer. Suite à cette action, l’armée libanaise a dépêché des forces supplémentaires dans la région pour « contrecarrer toute tentative d’entraîner le Liban dans un conflit ». Outre sa riposte aux tirs de roquettes, Israël a lancé des menaces téléphoniques à l’adresse des habitants du Sud-Liban, « les mettant en garde contre toute répétition de ces actes ».
[1]
Quant à l’ONU, elle assure que les civils ne sont "en sécurité nulle part" dans la bande de Gaza
Avant le déclenchement de l’opération "Plomb durci" le 27 décembre 2008, le Hamas avait prévenu que la bande de Gaza serait "le cimetière" de l’armée israélienne. Aujourd’hui, les Gazaouis ne savent plus où enterrer leurs morts. Selon l’agence Reuters, ils sont obligés de rouvrir de vieilles tombes pour ensevelir les victimes d’un conflit dont on ne voit toujours pas la fin. Au moins 70 Palestiniens ont encore péri au cours de la journée du mardi 13 janvier, selon des sources palestiniennes.
"Voir autant de blessés est inacceptable. Il est nécessaire d’épargner leurs existences et de garantir la sécurité de ceux qui les soignent. Les blessés ne peuvent attendre. Le travail des personnels médicaux doit être respecté. Ce n’est pas négociable", s’est alarmé Jakob Kellenberger, président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à la suite d’une courte visite dans la bande de Gaza. Comme le rappelle John Ging, directeur des opérations de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), le drame est que "personne ne se sent en sécurité nulle part". Qu’il n’y a aucun refuge. Que la mort peut frapper n’importe où, n’importe quand. Tsahal [2] signale, mardi matin, que soixante objectifs ont encore été touchés au cours de la nuit.
Rafah, au sud de la bande de Gaza, a encore été soumis à des violents bombardements visant principalement les tunnels sous la frontière égyptienne. Des centaines d’habitants ont fui leurs maisons pour tenter de trouver refuge ailleurs. Des dizaines et des dizaines d’habitations ont déjà été détruites jetant davantage de familles à la rue. De violents combats ont encore eu lieu au cours de la nuit à la périphérie de la ville de Gaza. Tsahal progresse de quelques centaines de mètres pour reconnaître le terrain puis les soldats se retirent sur des positions protégées.
"Mission non accomplie"
Selon une technique depuis longtemps éprouvée, les fantassins utilisent au maximum leur puissance de feu, percent des trous dans les immeubles et progressent à couvert en prenant un maximum de précautions afin d’éviter les pertes, un objectif fondamental afin que l’opinion publique israélienne ne se retourne pas.
Les combattants du Hamas se défendent avec les moyens du bord, évitant les confrontations directes. Ils utilisent les pièges, les mines actionnées à distance et les lance-roquettes. Face à un adversaire suréquipé et doté de moyens techniques modernes, ils utilisent leur connaissance du terrain afin de créer des attaques surprises. Ehoud Barak, ministre de la défense, estime que "la plupart" des objectifs ont été atteints "mais probablement pas tous".
"Notre mission n’est pas terminée", a de son côté ajouté Gaby Ashkenazi, chef d’état-major. Si la capacité du Hamas de lancer des roquettes a été sensiblement réduite, dix-huit tirs ont encore été enregistrés au cours de la journée de mardi. Depuis le 27 décembre, 570 projectiles ont été lancés, faisant quatre morts, dont un soldat. "Nous voulons durcir le coup porté à la branche militaire du Hamas, réduire sa puissance de feu, renforcer notre dissuasion et la sécurité des habitants du sud d’Israël", a expliqué Gaby Ashkenazi devant la commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset (Parlement).
Pour ce faire, Tsahal doit pénétrer plus avant dans les villes. Ehoud Barak est réticent à le faire, estimant que l’essentiel des objectifs a été atteint et que franchir une nouvelle étape dans l’opération "Plomb durci" comporte plus de risques que d’avantages. Le ministre de la défense souhaite que les négociations prennent le pas sur les combats et propose même, selon le journal Haaretz, une semaine de trêve afin de pouvoir assister la population de la bande de Gaza. Tzipi Livni, ministre des affaires étrangères, pense, de son côté, que le coup de massue qui a été porté sur la tête du Hamas est suffisant et qu’il faut maintenir les troupes mobilisées au cas où les islamistes poursuivent leurs tirs sur Israël. Ehoud Olmert, le premier ministre, est convaincu pour sa part qu’il faut poursuivre l’offensive au moins jusqu’à ce que le président élu américain, Barack Obama, soit investi le 20 janvier.
[3]