Photo : Vue aérienne de Rafah, avril 2025 © Réseaux sociaux
Le ministre israélien de la Défense a présenté un plan visant à transférer de force tous les Palestiniens de Gaza dans un camp situé sur les ruines de Rafah, un projet que les experts juridiques et les universitaires qualifient de modèle pour les crimes contre l’humanité.
Israel Katz a déclaré avoir ordonné à l’armée israélienne de se préparer à établir un camp, qu’il a qualifié de « ville humanitaire », sur les ruines de la ville de Rafah, selon le journal Haaretz.
Les Palestiniens seraient soumis à un « contrôle de sécurité » avant d’entrer et, une fois à l’intérieur, ne seraient pas autorisés à sortir, a déclaré M. Katz lors d’un briefing destiné aux journalistes israéliens.
Les forces israéliennes contrôleraient le périmètre du site et « déplaceraient » dans un premier temps 600 000 Palestiniens dans cette zone, principalement des personnes actuellement déplacées dans la région d’al-Mawasi.
À terme, toute la population de Gaza y serait hébergée, et Israël a pour objectif de mettre en œuvre « le plan d’émigration, qui sera réalisé », a-t-il déclaré, selon Haaretz.
Depuis que Donald Trump a suggéré au début de l’année qu’un grand nombre de Palestiniens devraient quitter Gaza afin de « nettoyer » la bande de Gaza, les responsables politiques israéliens, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu, ont promu avec enthousiasme la déportation forcée, la présentant souvent comme un projet américain.
Le projet de M. Katz enfreint le droit international, a déclaré Michael Sfard, l’un des principaux avocats israéliens spécialisés dans les droits humains. Il contredit également directement les déclarations faites quelques heures plus tôt par le bureau du chef militaire israélien, qui a déclaré dans une lettre que les Palestiniens n’étaient déplacés à l’intérieur de Gaza que pour leur propre protection.
« (Katz) a présenté un plan opérationnel pour un crime contre l’humanité. Ce n’est rien de moins que cela », a déclaré M. Sfard. « Il s’agit d’un transfert de population vers la pointe sud de la bande de Gaza en vue d’une expulsion hors de la bande.
« Alors que le gouvernement continue d’appeler cette expulsion « volontaire », les habitants de Gaza sont soumis à tant de mesures coercitives qu’aucun départ de la bande ne peut être considéré comme consensuel au sens juridique du terme.
« Expulser quelqu’un de son pays d’origine constitue un crime de guerre, dans le contexte d’un conflit armé. Si cela est fait à grande échelle, comme il le prévoit, cela devient un crime contre l’humanité », a ajouté Sfard.
Katz a présenté ses plans pour Gaza peu avant l’arrivée de Netanyahu à Washington DC pour des réunions avec Donald Trump, où il sera soumis à une forte pression pour accepter un accord de cessez-le-feu afin de mettre fin ou au moins de suspendre la guerre qui dure depuis 21 mois.
Les travaux sur la « ville humanitaire » au cœur des plans de Katz pourraient commencer pendant un cessez-le-feu, a déclaré le ministre de la Défense. Netanyahu mène les efforts pour trouver des pays prêts à « accueillir » les Palestiniens, a-t-il ajouté.
S’exprimant depuis la Maison Blanche lundi, M. Netanyahu a déclaré que les États-Unis et Israël travaillaient avec d’autres pays qui offriraient aux Palestiniens un « avenir meilleur ».
« Si les gens veulent rester, ils peuvent rester, mais s’ils veulent partir, ils devraient pouvoir partir », a déclaré M. Netanyahu, alors qu’il s’apprêtait à dîner avec M. Trump.
Des responsables politiques israéliens, dont le ministre des Finances Bezalel Smotrich, se sont également montrés très favorables à la création de nouvelles colonies israéliennes à Gaza.
Des plans pour la construction de camps appelés « zones de transit humanitaires », destinés à accueillir des Palestiniens à l’intérieur et éventuellement à l’extérieur de Gaza, avaient déjà été présentés à l’administration Trump et discutés à la Maison Blanche, a rapporté lundi l’agence Reuters.
Ce projet de 2 milliards de dollars portait le nom de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), soutenue par les États-Unis, a indiqué Reuters. La GHF a nié avoir soumis une proposition et a déclaré que les diapositives vues par Reuters, qui présentaient le projet, « ne sont pas un document de la GHF ».
Les inquiétudes concernant les plans d’Israël visant à déplacer les Palestiniens avaient déjà été soulevées par les ordres militaires donnés pour l’opération lancée au printemps dernier.
Sfard représentait trois réservistes qui avaient déposé une requête auprès des tribunaux israéliens, exigeant que l’armée révoque les ordres de « mobilisation et de concentration » de la population civile de Gaza et interdise tout projet d’expulsion des Palestiniens hors de la bande de Gaza.
Dans une lettre répondant à leurs revendications, le bureau du chef d’état-major israélien, Eyal Zamir, a déclaré que le déplacement des Palestiniens ou la concentration de la population dans une partie de Gaza ne faisaient pas partie des objectifs de l’opération.
Cette déclaration a été directement contredite par Katz, a déclaré le professeur Amos Goldberg, historien de l’Holocauste à l’Université hébraïque de Jérusalem.
Le ministre de la Défense a présenté des plans clairs pour le nettoyage ethnique de Gaza, a déclaré Goldberg, et la création d’un « camp de concentration ou de transit pour les Palestiniens avant de les expulser ».
« Ce n’est ni humanitaire ni une ville », a-t-il déclaré à propos de la zone de détention prévue par Katz pour les Palestiniens.
« Une ville est un endroit où l’on a la possibilité de travailler, de gagner de l’argent, de nouer des relations et de se déplacer librement.
Il y a des hôpitaux, des écoles, des universités et des bureaux. Ce n’est pas ce qu’ils ont en tête. Ce ne sera pas un endroit où il fera bon vivre, tout comme les « zones de sécurité » sont aujourd’hui invivables. »
Le projet de M. Katz a également soulevé la question immédiate de savoir ce qu’il adviendrait des Palestiniens qui refuseraient d’obéir aux ordres israéliens de s’installer dans le nouveau complexe, a déclaré M. Goldberg.
Il a ajouté : « Que se passera-t-il si les Palestiniens n’acceptent pas cette solution et se révoltent, car ils ne sont pas complètement impuissants ? »
Traduction : AFPS