celle où est détenu le plus célèbre des prisonniers
politiques, Marwan Barghouti.
Mais en reprenant la proposition à son compte,
Mahmoud Abbas en a fait un acte politique audacieux. Audacieux et risqué.
Car de
quoi s’agit-il ? Faute de parvenir sous dix jours à un accord avec le Hamas,
le président de l’Autorité soumettrait à référendum un document qui se
prononcerait sur trois points fondamentaux : la fin des attentats en Israël, la
formation d’un gouvernement d’union nationale et la création d’un État
palestinien dans les territoires occupés par Israël en 1967.
Le premier point, de
trêve en trêve, est déjà à peu près admis par le Hamas. Mais il aurait l’immense
mérite de rendre explicite ce qui n’est qu’implicite. Le deuxième
résulterait naturellement d’un accord sur les deux autres.
Reste le troisième point.
On en mesure la portée : il s’agit de la reconnaissance d’Israël, et de son
droit àl’existence dans les frontières de l’armistice de juillet 1949 [1].
En apparence, l’opération vise à mettre un terme à une dyarchie dévastatrice
entre le Hamas, vainqueur des élections législatives du mois de janvier, et l’
Autorité palestinienne, toujours dominée par le Fatah.
Mais en vérité, ils’
agit de beaucoup plus que d’une simple sortie de crise entre les deux
principaux mouvements palestiniens. Il s’agit ni plus ni moins d’un plan de
résolution globale du conflit israélo-palestinien.
La bizarrerie réside en ceci que ce plan ne s’adresse pas, pour une fois, à
Israël mais à un mouvement palestinien aujourd’hui majoritaire dans l’
opinion.
La manoeuvre est habile. Mais elle est bigrement discutable parce qu’elle
accrédite l’idée que c’est le Hamas qui fait obstacle à la paix et non
Israël. Elle suggère que le problème, c’est le refus du mouvement islamiste de
reconnaître l’État hébreu.
Sur ce point, Mahmoud Abbas fait en quelque sorte
chorus avec la communauté internationale, États-Unis et Israël compris, qui
pointe depuis le mois de janvier un doigt accusateur en direction du Hamas, jusqu’
à décider de sanctionner économiquement les Palestiniens en raison de leur
vote.
C’est oublier que le Hamas a remporté les élections de janvier
précisément parce que la reconnaissance d’Israël par le Fatah, il y a maintenant
dix-huit ans, s’est révélée infructueuse, voire contre-productive.
Les
Palestiniens ont voté Hamas parce que cet acte politique majeur, accompli en 1988 par l’
Organisation de libération de la Palestine, n’a été suivi d’aucune
réciprocité de la part de l’État hébreu. Pire : depuis cette date, le nombre des
colons occupant la Cisjordanie a plus que doublé, et un mur édifié par Israël
serpente aujourd’hui au milieu des terres palestiniennes.
Si les concessions
palestiniennes avaient été payées en retour, et si la reconnaissance d’un État
palestinien avait répondu à celle d’Israël par l’OLP, il est fort probable
que le Hamas n’aurait non seulement jamais gagné aucune élection, mais qu’il
serait resté à l’état groupusculaire qui était le sien en 1988.
Voilà l’
évidence que la plupart des analystes occidentaux feignent d’ignorer.
On peut cependant imaginer que tout cela n’a pas échappé au Président
palestinien, et qu’il espère indirectement mettre dans l’embarras le nouveau
Premier ministre israélien, Ehoud Olmert.
Après un vote majoritaire de la
population palestinienne, celui-ci pourrait-il encore conduire sa politique de
séparation unilatérale ? Assurément, le poids de la responsabilité, aux yeux mêmes
de la communauté internationale, se déplacerait vers Israël. Il y a quelques
arguments qui vont dans ce sens. Notamment le fait que les nouveaux
travaillistes entrés récemment au gouvernement israélien d’union nationale se disent
favorables à des frontières négociées.
Mais le passé montre que l’hypothèse
est fragile. Dans le meilleur des cas, tandis que les Palestiniens auront une
nouvelle fois reconnu Israël, ils n’auront rien obtenu d’autre que le droit
à l’ouverture de nouvelles et sans doute interminables négociations. Tout
sera réglé d’un côté, et rien de l’autre.
Le référendum de Mahmoud Abbas serait
un coup de génie s’il obtenait d’Israël un geste ou un mot qui encourage
les Palestiniens à « bien » voter. Si au bout du bulletin de vote, il y avait
la certitude de deux États souverains, séparés par les frontières de 1967.
Mais qui peut croire cela, alors que depuis six ans les responsables israéliens
répètent sur tous les tons qu’il n’est pas question de revenir aux
frontières de 1967, que les principales colonies de Cisjordanie ne seront jamais
démantelées ? Sans même parler du cas de Jérusalem-Est.
C’est pourquoi on peut
craindre que l’idée « sortie de prison » ne se transforme une fois de plus en
piège pour les Palestiniens.