« Si je remplace Ehoud Olmert à la tête du gouvernement il n’y aura pas d’élections législatives anticipées dans les prochains mois. Les partis de la droite nationaliste m’ont déjà donné leur accord pour constituer une coalition avec moi. » Candidat à la présidence de Kadima (la plus grande formation israélienne) et, de ce fait, à la fonction de premier ministre, le « faucon » Shaoul Mofaz (60 ans) effectue depuis quelques jours une percée spectaculaire dans les sondages. Il talonne sa collègue des Affaires étrangères que l’on disait « imbattable » et il risque de la coiffer au poteau à l’occasion des primaires organisées le 17 septembre prochain au sein de son parti.
Modifier son image
D’ici là, conseillé par l’expert électoral américain Arthur Finkelstein - un consultant qui a contribué au succès de Benyamin Netanyahou en 1999 -, il multiplie les réunions de terrain. Il tente de modifier son image d’homme austère, froid, et peu charismatique. Des « défauts » qui ne semblent pas déranger les nombreux Israéliens de la rue qui se précipitent à sa rencontre parce qu’ils le considèrent comme « un homme sérieux susceptible de garantir notre sécurité nationale ».
« Est-ce que vous raserez l’Iran si ce pays se dote de l’arme nucléaire ? » lui demandait jeudi soir un enseignant de Rishon Le Tzion (grande banlieue de Tel-Aviv) où Shaoul Mofaz était en visite électorale. « Vous connaissez mon passé militaire. J’ai commandé une unité d’élite, j’ai été promu chef de l’Etat-major (ndlr : en 2002) puis ministre de la Défense dans le gouvernement d’Ariel Sharon. Vous pouvez donc me faire confiance, avec moi le pays sera en de bonnes mains. Je saurai faire ce qu’il faut le moment venu », lui a répondu le candidat.
Pour l’heure, Shaoul Mofaz est vice-premier ministre et ministre des Transports chargé de la sécurité routière. Mais ses performances en la matière n’intéressent personne. Pas plus que ses orientations dans le domaine économique et social. « Bien sûr, Tzipi Livni et les autres candidats à la présidence de Kadima sont respectables. Mais qu’est-ce qu’ils y connaissent en matière de défense ? » lâche Avi Feldman, un employé dans une entreprise d’import-export. « Au Proche-Orient, on vous écrase si vous n’étalez pas votre force et votre détermination à l’utiliser. En ces matières, Shaoul Mofaz est exactement l’homme de la situation. »
« En finir avec le Hezbollah »
Lorsqu’il s’exprime, l’ex-général parle sur un ton monocorde. Mais son public n’en a cure, il est en admiration. « La trêve dans la bande de Gaza ne durera sans doute pas longtemps et, un jour ou l’autre, nous devrons en finir avec le Hezbollah qui réarme », affirme Irina Rodosvky, une podologue formée à Moscou. « Comme homme, il n’est pas mal du tout ce candidat, dommage qu’il ne sourie pas souvent et qu’il ne mette pas plus de chaleur dans ses propos ». « On se fiche de voir son dentier », s’emporte aussitôt Vladimir, son époux. « Ce qui compte, c’est qu’il sache ce qu’il faut faire au moment adéquat et que l’on ne se retrouve plus avec une catastrophe comme la dernière guerre du Liban. Le prochain conflit, il faudra la gagner dans les premières heures comme en 1967. »
Généralement fort en gueule, bon nombre d’Israéliens sont impressionnés par le parcours militaire de l’ex-chef de l’Etat-major. Et par le fait qu’il ait fuit l’Iran avec sa famille à l’âge de 9 ans. « Les ayatollahs, il sait comment les traiter », dit Ouriel, un ingénieur en informatique. « Il me fait le même effet qu’Ariel Sharon, avec lui, je me sens rassuré. »
Pourtant, ces dernières semaines, les propos martiaux de Shaoul Mofaz ont provoqué deux envolées successives du prix du baril de pétrole et donné à l’Iran une occasion de procéder à des tests de nouveaux missiles. « Ces réactions ne vous inquiètent pas ? » lui a demandé un élu municipal présent à la réunion de jeudi. « Ce qui me préoccupe c’est la sécurité d’Israël », a rétorqué le candidat à la présidence de Kadima sous les applaudissements d’un public conquis.