A quelques jours de l’élection du nouveau leader du parti Kadima, et donc du nouveau chef du gouvernement de l’Etat hébreu, les attentats se sont multipliés dans les grandes villes israéliennes. Cette fois, ils ne sont pas le fait de kamikazes palestiniens mais de terroristes juifs. Des tueurs à gages engagés par des clans mafieux qui règlent quasi quotidiennement leurs comptes en pleine rue.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, Yotam Cohen (28 ans) et son bébé âgé de trois mois ont ainsi été mitraillés alors qu’ils circulaient en voiture à Natanya, une station balnéaire située au nord de Tel-Aviv. Cette opération était semble-t-il une riposte aux séides qui avaient, trois jours auparavant, tenté d’abattre Charlie Aboutboul - le chef de la « famille » du même nom - blessé alors qu’il était attablé dans un restaurant. Ce lundi-là, deux tueurs circulant à moto sont entrés dans l’établissement où Aboutboul se restaurait. Ils ont ouvert le feu sur tout le monde, y compris sur les serveurs. Outre le « parrain », trois passants ont été blessés.
Quelques heures auparavant, c’est devant l’entrée d’un jardin d’enfants que la police a découvert une bombe censée exploser au passage d’un rival d’Aboutboul. Et le mois dernier, à Bat-Yam, une émigrante russe qui bronzait sur la plage a été tuée durant une fusillade visant des membres du clan Aberjil, une famille mafieuse dont les chefs sont recherchés par les justices américaine et belge pour trafic d’ecstasy.
Peu connues du public, les « familles » israéliennes figurent pourtant parmi les mieux organisées et les plus violentes au monde. Leurs « soldats » sont souvent issus des unités d’élite de Tsahal, l’armée d’Israël. Ils connaissent donc leurs techniques spéciales.
La police israélienne soupçonne les Aboutboul, les Aberjil et les Alperon (un clan sur le déclin dont les dirigeants sont affiliés au Likoud) de contrôler des casinos en Europe de l’Est grâce auxquels ils recyclent l’argent provenant du trafic de stupéfiants. A ces activités s’ajoutent la prostitution, le recyclage des déchets, les salles de jeux clandestines, la « protection » des commerces et les prêts usuraires.
Depuis le milieu des années 80, ces familles se livrent à une guerre sans merci à coups de tentatives de voitures explosives et de mitraillages. Leurs vendettas ont d’ailleurs pris un caractère plus violent lorsque Zeev Rozenstein, un ancien videur de discothèques, s’est imposé comme le « parrain des parrains » à la fin des années 90. Récemment condamné à 12 ans de prison par la justice américaine pour avoir dirigé « le plus grand trafic d’ecstasy de l’histoire des Etats-Unis », il purge sa peine en Israël. Dans une cellule de haute sécurité puisqu’il a déjà été la cible de onze tentatives de « liquidation ». L’une d’entre elles a été réalisée à l’aide d’un missile sol-sol tiré sur sa voiture blindée mais le projectile a raté sa cible.
Incapable d’assurer le maintient de l’ordre, la police déplore un « manque chronique d’hommes et de moyens ». Quant au ministre de la Sécurité intérieure Avi Dichter, il se dit « déterminé à lutter contre le crime organisé ». Le problème pour le ministre c’est qu’il brigue également la présidence de « Kadima » et que les évènements de ces derniers jours ont ruiné ses chances de réaliser un résultat honorable à l’occasion des primaires de son parti.
Quoi qu’il en soit, cette recrudescence de violence israélo-israélienne a relégué à l’arrière-plan de l’actualité les négociations de paix avec l’Autorité palestinienne ainsi que les contacts informels entre l’Etat hébreu et la Syrie. Considérés comme les deux candidats les plus sérieux à la succession d’Olmert, la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni et le ministre des Transports Shaoul Mofhaz ont d’ailleurs changé de discours. Désormais, leur leitmotiv c’est « le droit de chaque citoyen de se promener en rue sans risquer de prendre une balle perdue ».