Il n’y a rien que les politiciens aiment plus que de jubiler et Sharon a beaucoup de raisons de célébrer sa victoire sur les « rebelles » qui ont essayé d’arrêter son plan de désengagement et qui ont échoué ; sa victoire sur ceux qui doutaient et qui faisaient un éloge sans fin de son règne ; sa victoire sur la gauche qui le hantait mais qui maintenant organise des manifestations en son honneur ; sa victoire sur Tommy Lapid qui avait essayé de niveler son pouvoir politique et qui a échoué deux fois.
Mais plus que tout autre chose au Texas, Sharon célébrera la victoire du bulldozer. Au centre de sa conversation avec le président sera le renforcement des accords concernant les blocs de colonies en Cisjordanie qu’Israël veut préserver pour elle-même. Bush en a déjà accepté le principe l’année dernière. Maintenant Sharon veut s’assurer que la promesse américaine d’une annexion des blocs dans le futur est devenue une permission de construire en échange de l’évacuation des colons de Gaza et du Nord de la Samarie.
Sharon sacrifie Gush Katif et risque un conflit interne afin de réaliser deux buts : renforcer son pouvoir dans le pays avec la promesse de « quitter » la détestée Gaza et mettre en place la frontière Est d’Israël sur la ligne de crête qui va accroître l’ « étroite ceinture » autour de la région de Dan et de Jérusalem.
Sharon a grandi à l’époque du mandat britannique et a été éduqué selon le principe de « dunam après dunam » du sionisme pragmatique. L’idéologie et les idées sublimes ne l’ont jamais intéressé et même aujourd’hui il les comprend mal et les méprise. La seule chose qui est importante pour lui, c’est le pouvoir. A quoi sert tout le prêche anti-religieux de Lapid s’il se plie et soutient le budget au moment de vérité ? Il en est de même avec les territoires. Ceux qui contrôlent la colline gagneront et dicteront la future frontière.
Il y a deux ans, Sharon a mis à jour les objectifs de la guerre avec les Palestiniens. Sa demande pour qu’ils capitulent sans conditions a été remplacée par une politique de renforcement des « blocs » et de préparation en vue de leur annexion à Israël : Ma’ale Adumim, Ariel, Gush Etzion, Beit Arye. Depuis lors, Sharon a visé inébranlablement cet objectif en planifiant la Barrière, les permis de construction et les prises de terres. Il avait raison quand il estimait que s’il promettait d’évacuer quelques colonies isolées, le monde lui pardonnerait ses constructions de blocs. Sharon blâme la dernière dispute avec Washington au sujet de la construction projetée entre Ma’ale Adumim et Jérusalem, sur des bavardages imprudents à Jérusalem.
La lettre de Bush d’avril 2004 réaffirmée ce week-end par l’administration , montre que l’Amérique n’est pas intéressée par la justice abstraite de la Cour Internationale de La Haye ni par les cris des Palestiniens occupés. La reconnaissance de « nouvelles réalités sur le terrain » est la grande victoire de la force, preuve que la colonisation juive pose en fait la frontière. Tout est une question de proportionnalité. Si Gush Katif avait 200.000 juifs et non 7.000, personne ne parlerait d’évacuation. S’ils avaient construits des ‘multi-étages’ là-bas comme à Ma’ale Adumim et non des serres et des villas, alors la carte aurait été différente.
La politique de blocs de colonies de Sharon a touché une corde sensible au centre de la carte politique d’Israël. A part ‘Peace Now’ et quelques crieurs de gauche, tout le monde est amoureux de Ma’ale Adumim et d’Ariel. Ehud Barak, qui veut à nouveau se présenter contre Sharon, le flanque sur sa droite et l’avertit qu’il risque de perdre les blocs à cause d’un appétit trop grand. Shimon Peres était furieux du choix du moment de l’annonce de la nouvelle construction à Ma’ale Adumim mais pas sur le principe. Les élections à venir tourneront donc autour de qui protégera et préservera le mieux Ariel et Beit Arye.
Ceux qui pensaient que Sharon était devenu un gauchiste et qu’il avait commencé à s’inquiéter du « droits des Palestiniens », avaient tout à fait tort. Sharon croit toujours que le bulldozer et les unités de logement imposeront la frontière avec le soutien de l’Amérique. Le meeting à venir à Crawford est supposé lui apporter encore plus de force.