Dans la presse française,
de rares journaux
se distinguent,
tels Témoignage Chrétien,
quant à leurs analyses de
la situation moyen-orientale.
A la dénonciation de
la guerre s’ajoute une prise
de position en faveur des
droits des peuples arabes.
L’Humanité, alors organe
central du parti communiste, fait également exception. Au-delà des reportages
qu’il propose, les thèses que défend le journal s’inscrivent dans la
vision que le PCF de l’époque porte sur le monde alors dominé par la
guerre froide et la guerre au Vietnam, laquelle fait alors régulièrement
ses gros titres.
La montée des tensions au Moyen-Orient fait -dès le mois de mai- l’objet
d’une présence de plus en plus significative dans les colonnes du journal.
Un éditorial en « Une » de René Andrieu le 30 mai, intitulé « Regarder
la vérité en face », rappelle les principes que défend le PC. D’une
part, un règlement du conflit « ne doit pas mettre en cause le droit à l’existence
du peuple israélien et de son Etat ». En même temps, pour le journal,
derrière le gouvernement israélien se profile « l’ombre de l’impérialisme
américain » qui « porte la responsabilité essentielle du différend qui met
les peuples du Moyen-Orient au bord de la guerre ». Ce commentaire s’inscrit
dans le contexte de guerre froide. Mais pas seulement. Pour dégager
des responsabilités, René Andrieu revient sur l’histoire. Deux décennies
après le génocide des Juifs d’Europe, l’éditorial revient sur ces
« souffrances » (d’autres articles souligneront le choix de ceux qui, après
la guerre, vivant en France, militent dans les rangs du PC). Mais il ajoute
que c’est précisément « (parce que) nous pensons que tous les peuples
ont le même droit à l’existence et à la paix que nous ne pouvons approuver
la manière dont les dirigeants israéliens ont chassé de leurs terres et
spolié de leurs biens plus d’un million d’Arabes de Palestine ».
Réfugiés palestiniens
En dépit des témoignages et des recherches des historiens palestiniens,
l’expulsion des Palestiniens en 1947-1949 est loin alors d’être reconnue
y compris en France. René Andrieu commente : « Même s’il était vrai
comme l’affirme la thèse israélienne que ces derniers ont fui à l’instigation
de leurs chefs, il n’en resterait pas moins que des centaines de milliers
d’hommes, de femmes et d’enfants innocents de tout crime, ont été
chassés d’une terre qui était la leur et qu’ils vivent aujourd’hui depuis dixhuit
ans dans des conditions dont tout le monde s’accorde à reconnaître
qu’elles sont effroyables. Et ceux qui accusent les Etats arabes (...) de
n’avoir rien fait pour améliorer leur sort renversent les rôles avec une singulière
désinvolture. » Et de souligner qu’en vain l’assemblée générale
des Nations unies a exigé le rapatriement des réfugiés. L’édito mentionne
également la discrimination subie par 200 000 Arabes -il ne dit
pas ici « Palestiniens »- « pour raisons de sécurité ».
Jacques Coubard, le même jour, reviendra sur « La tragédie de
1. 300 000 réfugiés palestiniens », dont la situation entretient un dangereux
foyer de tension au Moyen-Orient. « Il n’y a pas d’autre issue que la reconnaissance
des droits légitimes du peuple palestinien. Une telle décision
pourrait ouvrir la voie à une solution pacifique respectant les intérêts des
deux peuples et mettrait fin à un conflit qui ne profite qu’aux impérialistes
qui veulent maintenir sous leur tutelle le peuple israélien et les peuples arabes »,
dit-il.
Le contexte de la guerre froide
Mais résolument, et réfutant les thèses d’un « conflit racial », l’Humanité
inscrit les tensions moyen-orientales dans le contexte de la guerre froide
et de fait ses protagonistes dans les camps américain ou soviétique.
« L’impérialisme américain » est dès lors accusé ainsi que ses alliés. « Etat
artificiellement implanté, Israël, malgré le mérite de ses pionniers, n’a pu
survivre que grâce aux dollars qui lui viennent des Etats-Unis, qu’il s’agisse
de crédits publics ou de fonds privés », écrit Andrieu, qui accuse aussi les
« féodaux arabes ». En face, le « mouvement de libération nationale des
peuples, en pleine évolution malgré les difficultés de toutes sortes et les
inévitables erreurs », les gouvernements arabes qualifiés de progressistes
(Syrie, Egypte) mais aussi « les forces de progrès en Israël, qui se
battent avec courage, mais à contre-courant jusqu’ici de la politiqueofficielle ».
Le conflit lui-même est analysé à cette aune. Le journal -qui subira des
critiques et dont des journalistes sont même accusés d’antisémitisme
par Le Canard enchaîné - plaidera ensuite, à nouveau, pour la paix, en
faveur d’un règlement pacifique négocié et de l’application des textes
adoptés par les Nations unies.