La pression arabe environnante, jointe à cette rébellion locale d’une
ampleur et d’une persistance inattendues, conduit les Anglais à se raviser : l’indépendance sera ajournée de dix ans, mais la Palestine restera une et non partagée. Tel est le contenu du Livre blanc du 17 mai 1939, conçu après une laborieuse conférence anglo-judéo-arabe à Londres en février. Dans la ligne de ce qui
a lieu depuis l’hiver 1936, l’Égypte, l’Irak, l’Arabie, la Transjordanie y participent aux côtes de l’Agence juive et de la délégation palestinienne. Celle-ci compte
à la fois un Hosayni et un Nashâshîbi. Conférence sans résultat, sinon que
l’Angleterre, qui a, à la veille de la guerre mondiale, besoin de détourner les
Arabes des puissances de l’Axe, perçoit une certaine unanimité arabe à propos de
l’indivision de la Palestine. D’où le Livre blanc, dit également The Mac
Donald White Paper, qui agréera aux Palestiniens et aux Arabes et auquel la
Ligue arabe se référera constamment après la guerre.
I. Constitution
[...] Il a été avancé que l’expression foyer national pour le
peuple juif offrait la perspective d’une Palestine devenue progressivement un État ou un commonwealth juif. Le gouvernement de Sa
Majesté n’entend pas mettre en cause le point de vue - exprimé
par la Commission royale - des chefs sionistes lors de la déclaration Balfour, selon lequel ils estimaient que les termes de la déclaration n’excluaient pas un État juif ultimement. Mais, en accord
avec la Commission royale, le gouvernement de Sa Majesté est convaincu qu’intégrée au cadre du mandat comme elle l’a été, la
déclaration Balfour ne pouvait en aucune façon signifier que la Palestine serait transformée en un État juif, contre la volonté de la
population arabe du pays.
[...] Le gouvernement de Sa Majesté déclare aujourd’hui sans
équivoque qu’il n’est nullement dans ses intentions de transformer
la Palestine en un État juif. Il considérerait comme une chose
contraire à ses obligations envers les Arabes placés sous son mandat, et contraire aux assurances fournies précédemment aux Arabes,
que la population arabe de Palestine doive devenir, contre sa volonté, les sujets d’un État juif.
[...] Aux termes du Livre blanc de 1922, il ne s’agit pas d’une nationalité juive imposée à tous les habitants de Palestine, mais d’un
développement ultérieur de la communauté juive qui existe ailleurs
à travers le monde, de sorte qu’il y ait là un centre où le peuple juif
dans son ensemble puisse trouver intérêt et fierté, sur des bases
religieuses et raciales.
[...] Depuis la déclaration de 1922, plus de 300 000 juifs ont
immigré en Palestine, et la population du foyer national (juif) s’est
élevée à quelque 450 000 âmes, soit environ un tiers de la population entière du pays. Et la communauté juive n’a pas manqué de
tirer le plus grand parti des facilités qui lui furent offertes.
L’accroissement du foyer national juif et ses réalisations en plusieurs domaines sont un effort remarquable de construction dont
le monde doit être fier et qui, en particulier, font honneur au
peuple juif.
[...] Toute la Palestine à l’ouest du Jourdain a été exclue de la
promesse de Sir Henry Mc Mahon, et par conséquent la correspondance de ce dernier ne peut fournir une juste base à la revendication en faveur d’une Palestine transformée en un État arabe.
[...] Il serait contraire à tout l’esprit du système des mandats
que la population de Palestine demeure indéfiniment sous tutelle
mandataire, aussi convient-il que les habitants du pays jouissent
dès que possible du droit de se gouverner eux-mêmes, droit
qu’exercent déjà les habitants des pays voisins. Le gouvernement
de Sa Majesté ne peut présentement prévoir la forme constitutionnelle exacte que prendra le gouvernement en Palestine, mais son
objectif est le self-government, et son désir est de voir s’établir finalement un État de Palestine indépendant. Ce devra être un État
dans lequel les Arabes et les Juifs partageront l’autorité dans le
gouvernement de telle manière que les intérêts essentiels de chacun soient sauvegardés.
[...] Au bout de cinq années, un corps représentatif des habitants de Palestine et du gouvernement britannique devra être établi aux fins de réviser les dispositions constitutionnelles de la période transitoire et de déposer des recommandations concernant la
Constitution de l’État de Palestine indépendant. Si, au terme de dix
années, il est avéré que l’indépendance doive être ajournée, le gouvernement britannique consultera les habitants de Palestine, le
Conseil de la SDN. et les États arabes voisins, et établira en coopération avec eux des plans pour l’avenir.
II. Immigration
[...] Encore qu’il ne soit pas difficile de montrer que la masse des
immigrants juifs admis jusqu’à présent a été économiquement intégrée, la crainte qu’ont les Arabes que ce flot se poursuive indéfiniment jusqu’à ce que la population juive soit à même de les dominer
a provoqué des conséquences extrêmement graves pour les Juifs et
les Arabes et pour la paix et la prospérité de la Palestine. Les
troubles regrettables des trois années écoulées ne sont que la plus
récente et la plus persistante manifestation de cette grave appréhension arabe. Les méthodes utilisées par les terroristes arabes
contre des frères arabes et contre des Juifs méritent la plus sévère
condamnation. Mais on ne peut nier que la peur d’une immigration
juive indéfinie est largement répandue dans les rangs de la population arabe et que cette peur a rendu possibles ces troubles [...].
En conséquence, l’immigration sera maintenue au cours des
cinq prochaines années pour autant que la capacité économique
d’absorption du pays le permettra, à un taux qui portera la population juive à environ le tiers de la population totale. [...] Au terme
de la période de cinq ans, aucune immigration juive ne sera plus
autorisée, à moins que les Arabes de Palestine ne soient disposés
à y consentir [...].
III. La terre
[...] Les rapports de plusieurs commissions d’experts ont indiqué que, compte tenu de la croissance naturelle de la population
arabe et de l’importance des ventes de terres arabes aux Juifs, en
certains endroits il ne reste plus assez de place pour de nouveaux
transferts de terres arabes, tandis qu’en d’autres endroits ces transferts doivent être limités pour que les cultivateurs arabes puissent
garder leur niveau de vie actuel et que ne soit pas créée prochainement une importante population arabe sans terre. Dans ces circonstances, le haut-commissaire recevra tous les pouvoirs pour prohiber
et réglementer les transferts de terres [...].
SOURCE
:
Olivier Carre, Le mouvement national palestinien, Gallimard/Julliard, 1977, pp. 76-79.