Avec notre correspondant à Beyrouth,Sami Boukhelifa
Le Liban ouvre sa porte aux réfugiés syriens, mais la claque au nez des réfugiés palestiniens. Selon Human Rights Watch, Beyrouth refuserait l’entrée sur son territoire aux Palestiniens fuyant la guerre en Syrie. Quarante d’entre eux auraient été refoulés cette semaine. L’un d’entre eux raconte la situation :
« Les autorités libanaises viennent de décréter l’interdiction d’entrée de réfugiés palestiniens sur leur territoire, que ce soit par voie terrestre, aérienne ou maritime. Personnellement, je vis au Liban avec ma famille depuis 2012. Auparavant, nous vivions à Yarmouk, le camps de réfugiés palestiniens à Damas. C’est la guerre qui nous a contraint à quitter la Syrie pour le Liban.
Durant ces deux ans au Liban, les autorités ont refusé de nous donner des permis de séjours. Elles nous ont refusé le statut de réfugié. Cette semaine, je devais prendre l’avion pour un déplacement à l’étranger, mais j’ai été arrêté à l’aéroport de Beyrouth et conduit à la frontière syrienne. »
Un précédent inquiétant
Le Liban accueille les réfugiés syriens depuis le début du conflit. On en compte plus d’un million aujourd’hui, soit le quart de la population du pays. Nadim Houry, directeur adjoint de la section Moyen-Orient de Human Rights Watch à Beyrouth, ne peut cacher son inquiétude :
« Les Libanais ont peur que les Palestiniens s’installent au Liban de manière permanente et je pense que c’était aussi le cas des Palestiniens en Irak après la guerre en Irak. C’est un des groupes les plus vulnérables. Ils sont en quelques sortes apatrides et n’ont pas de recours. Les pays, que ce soit le Liban, la Syrie ou la Jordanie, ont peur d’augmenter le nombre de Palestiniens sur leur territoire.
Mais tout cela ne peut pas justifier ces mesures que nous avons documentées et qui vont à l’encontre des obligations internationales de l’Etat libanais, notamment celle de ne pas refouler quelqu’un dans un pays où il risque d’être arrêté arbitrairement ou sujet à la torture. Les autorités libanaises reconnaissent ces obligations.
Depuis le début du conflit syrien, nous n’avions pas documenté de refoulement ou de déportations de personnes provenant de Syrie. D’où nos inquiétudes : on voit ici un changement d’attitude de l’Etat libanais à l’égard d’un groupe particulièrement vulnérable, les Palestiniens de Syrie. Mais demain, ce sera peut-être les Syriens eux-mêmes. »
Douze camps de réfugiés palestiniens accueillant près de 420 000 personnes sont installés dans le pays depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948.