Photo : Gaza après des bombardements israéliens, le 7 avril 2023 (Times Of Gaza)
C’est reparti pour un tour. L’État d’Israël commet des actes d’une barbarie sauvage contre les Palestiniens et les médias occidentaux ont décidé que tout se résumait à des "affrontements".
La dernière série de prétendus "affrontements" - déclenchée quand la police israélienne a décidé de marquer le mois sacré du Ramadan en attaquant à plusieurs reprises les fidèles palestiniens de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem - a fait, comme on pouvait s’y attendre, un nombre disproportionné de victimes.
Des centaines de Palestiniens ont été arrêtés et blessés alors que les forces israéliennes ont une fois de plus fait étalage de leur habileté avec des balles en caoutchouc, des matraques, des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes. En retour, la police n’a subi que des blessures minimes, tout en s’engageant à accompagner des colons israéliens dans l’enceinte de la mosquée.
Apparemment non content de déchaîner la violence à Jérusalem, Israël a également lancé un barrage de frappes aériennes sur la bande de Gaza et le Sud-Liban,suite au signalement de tirs de roquettes.
Comme dans tous les cas précédents d’"affrontements" israélo-palestiniens, le choix des médias de déployer une telle terminologie sert à dissimuler le monopole israélien de la violence et le fait qu’Israël tue, mutile et estropie à un taux astronomiquement plus élevé que son homologue supposé dans ces "affrontements".
Elle occulte également le fait que la violence palestinienne est une réponse à une politique israélienne vieille de près de 75 ans, définie par le nettoyage ethnique des Palestiniens, l’occupation des terres palestiniennes et la perpétration périodique de massacres - pardon, d’"affrontements".
Choisissez parmi les assauts militaires israéliens contemporains et vous trouverez des opérations telles que celle dénommée "Bordure protectrice", euphémisme pour le massacre en 2014 de 2 251 personnes dans la bande de Gaza, dont 551 enfants. En 22 jours, à partir de décembre 2008, l’opération "Plomb durci" a coûté la vie à quelque 1 400 Palestiniens de Gaza et trois civils israéliens ont trouvé la mort.
Les "affrontements" ont également été nombreux en 2018 lorsque, en réponse aux manifestations à la frontière de Gaza, l’armée israélienne a tué des centaines de Palestiniens et en a blessé des milliers. Et en mai 2021, un déchaînement de violences israélien de 11 jours intitulé "Opération Gardiens des Murs" a tué plus de 260 Palestiniens, dont environ un quart étaient des enfants. Il se trouve que cette dernière opération a été déclenchée par - quoi d’autre ? - des "affrontements" à la mosquée Al-Aqsa.
Ce fait divers a incité certains organes de presse à s’inquiéter de ce que la "spirale sanglante" entre Israéliens et Palestiniens pourrait laisser présager - une autre rengaine médiatique qui, en fin de compte, blanchit le rôle prédominant d’Israël dans l’effusion de sang.
Il est difficile, bien sûr, de trouver un équivalent linguistique ou moral à l’obsession qu’ont les médias de rapporter la sauvagerie israélienne sous forme d’"affrontements". On ne dirait pas d’un élan qu’il "affronte" le fusil d’un chasseur, tout comme on ne parlerait pas d’"affrontements" entre un cou et une guillotine.
On ne décrirait pas non plus le bombardement meurtrier d’un hôpital à Kunduz en Afghanistan par les États-Unis en 2015, comme un "affrontement" entre un établissement médical et un hélicoptère de combat AC-130.
Bien que manifestement contraire à l’éthique, l’obséquiosité des médias occidentaux à l’égard du récit israélien n’est pas nouvelle. Cela s’explique en grande partie par le soutien fervent des États-Unis en particulier au point de vue israélien, qui considère les criminels comme des victimes et les massacres comme de l’autodéfense.
Peut-être que la création même de l’État d’Israël en 1948 - qui a vu des milliers de Palestiniens massacrés et plus de 500 villages palestiniens détruits - n’était en fin de compte rien d’autre qu’un grand "affrontement". Certes, la campagne de propagande au long cours d’Israël, qui cherche à associer les Palestiniens à des terroristes, continue de rapporter des dividendes médiatiques considérables.
C’est le cas même dans les médias ostensiblement plus progressistes qui sont prêts à dénoncer les crimes israéliens, mais qui n’arrivent toujours pas à placer les Palestiniens sur le même plan d’humanité que les Israéliens. En février de cette année, par exemple, Lawrence Wright, du magazine The New Yorker, a tweeté une vidéo de soldats israéliens bousculant et frappant Issa Amro, militant palestinien pour la paix, alors que Wright l’interviewait dans la ville d’Hébron, en Cisjordanie occupée. Le rédacteur du New Yorker en a tiré comme conclusion : "Je ne peux m’empêcher de penser à quel point l’occupation est déshumanisante pour les jeunes soldats chargés de la faire respecter".
En d’autres termes, les soldats israéliens sont victimes d’une dégradation morale et d’une déshumanisation, tandis que les Palestiniens n’ont jamais vraiment eu la possibilité d’être des êtres humains.
Aujourd’hui, alors que les forces de sécurité israéliennes déshumanisent et sont déshumanisées à Jérusalem et à Gaza, tout le jargon sur les "affrontements" ne fait que valider l’idée qu’Israël est fondamentalement justifié dans sa violence, que l’on présente comme faisant simplement partie d’une compétition fair-play de représailles entre deux parties équitables.
En août 2022, un assaut de trois jours de l’armée israélienne sur Gaza a tué au moins 44 Palestiniens, dont 16 enfants - l’épisode le plus sanglant depuis l’opération "Gardien des murs" en mai 2021. Aucun Israélien n’a été tué dans le cadre de l’affaire du mois d’août et pourtant, les médias occidentaux ont continué à se tenir consciencieusement à l’écart en publiant des rapports haletants sur les "affrontements".
Comme je l’ai fait remarquer à l’époque dans un article pour Al Jazeera, la version en ligne du dictionnaire de Cambridge définit le terrorisme comme une "(menace d’)action violente à des fins politiques". Et plus souvent nous nous rappellerons qu’Israël terrorise littéralement les Palestiniens, plus vite, peut-être, nous pourrons mettre un terme
Traduction : AFPS