Photo : 31 Octobre 2023, Centre de formation d’emballage de colis alimentaires de Khan Younis © UNRWA par Hussein Owda.
Le ministre israélien des affaires étrangères, Israël Katz, a déclaré que "l’UNRWA ne fera pas partie du jour d’après" dans la bande de Gaza et a déjà commencé à faire pression sur les États - notamment ceux qui ont suspendu leur financement - pour que cela devienne une réalité. Dans le même temps, Benny Gantz, ministre israélien de la guerre, a déclaré que la guerre à Gaza pourrait durer dix ans, voire plus. Les déclarations et les actions d’Israël depuis l’arrêt de la CIJ montrent clairement qu’il n’a pas l’intention de respecter les mesures provisoires établies par la Cour le 26 janvier 2024.
Que le personnel de l’UNRWA ait été ou non impliqué dans les opérations du 7 octobre, suspendre le financement de l’UNRWA et pénaliser des Palestiniens mourants, affamés, assoiffés, malades et déplacés de la bande de Gaza constituent, tout du moins, une punition collective. Ces décisions vont à l’encontre de la mesure provisoire contraignante de la CIJ visant à garantir une aide humanitaire immédiate et, plus grave encore, contribuent à la guerre génocidaire israélienne. Afin d’empêcher le génocide des Palestiniens dans la bande de Gaza, les États sont tenus de faciliter le travail des agences de l’ONU et des organisations internationales, et non de supprimer leur financement et d’affaiblir encore leur capacité à fournir une aide vitale. Selon Francesca Albanese, Rapporteure Spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, les États qui ont supprimé leur financement à l’UNRWA "punissent collectivement des millions de Palestiniens au moment le plus critique et violent très probablement leurs obligations au titre de la Convention sur le génocide".
Les allégations israéliennes contre l’UNRWA et son personnel ne sont pas nouvelles. Depuis sa création, l’UNRWA a été stratégiquement ciblé par Israël par le biais de campagnes de diffamation et de calomnie dans le but d’éliminer l’Office. Ces campagnes se sont intensifiées depuis les accords d’Oslo et les 30 années de "processus de paix" qui ont suivi, entravant gravement la capacité de l’Office à remplir son mandat, qui est de fournir une aide et des services aux réfugiés palestiniens. Il est clair que les campagnes israéliennes de diffamation et de retrait de financement contre l’UNRWA font partie de sa stratégie visant à anéantir la question des réfugiés palestiniens. Le financement de l’UNRWA est particulièrement vulnérable car il est volontaire et dépend donc de la bonne volonté des États et de l’environnement politique. Le financement de l’UNRWA est une responsabilité internationale qui découle des obligations des Nations unies et des États à l’égard des réfugiés palestiniens ; il ne s’agit pas d’une faveur. Cependant, Israël n’a cessé de manipuler délibérément l’environnement politique pour servir son agenda et ses objectifs - les récentes allégations en sont un exemple frappant.
Dans ce cas particulier, les allégations ont été formulées après l’arrêt de la CIJ, qui prévoit des mesures pour qu’Israël garantisse la fourniture d’une aide et d’une assistance humanitaires adéquates aux Palestiniens de la bande de Gaza. Les récentes allégations ont été précédées d’une augmentation notable des déclarations de l’UNRWA qui incluaient le ciblage délibéré par Israël du personnel et des installations de l’ONU dans la bande de Gaza - dont plusieurs ont été citées dans l’arrêt de la CIJ. Il est évident que le moment et la nature des allégations d’Israël sont délibérés, car ils servent sa stratégie actuelle de militarisation de l’aide humanitaire.
Depuis le lancement de la guerre génocidaire d’Israël contre la bande de Gaza, Israël a tué 152 membres du personnel de l’UNRWA, endommagé 141 installations et n’a rendu opérationnels que 4 des 22 établissements de santé. Israël continue de prendre pour cible les installations de l’ONU, en particulier les structures de l’UNRWA qui servent d’abris extrêmement inadéquats à 1,7 million de Palestiniens déplacés à l’intérieur de leur pays. Depuis le 15 janvier, en raison des bombardements israéliens répétés sur la bande de Gaza, qui ont provoqué de multiples déplacements, l’UNRWA n’est plus en mesure de comptabiliser la population palestinienne déplacée à l’intérieur du pays, qui s’élevait auparavant à 1,9 million de personnes.
Plutôt que de demander une enquête et des poursuites pour les meurtres de ces employés de l’ONU, ainsi que des compensations pour les installations de l’ONU détruites, les États coloniaux ont décidé, sur la base des allégations d’Israël, de suspendre temporairement le financement de l’agence de l’ONU la plus présente et la plus légitime pour fournir de l’aide et des services humanitaires dans la bande de Gaza. Selon Philippe Lazzarini, commissaire général de l’Agence, "l’UNRWA est la principale agence humanitaire à Gaza, avec plus de 2 millions de personnes qui dépendent d’elle pour leur simple survie".
La suspension des fonds de l’UNRWA sert l’objectif d’Israël d’éliminer l’agence, sa stratégie plus large de militarisation de l’aide humanitaire et contribue également au génocide dans la bande de Gaza. Ainsi, les États qui ont pris ces décisions s’impliquent davantage dans le génocide israélien des Palestiniens.
Afin de s’assurer que les plus de 2 millions de Palestiniens de la bande de Gaza reçoivent l’aide et l’assistance vitales auxquelles ils ont droit, Badil demande :
– Aux États et à l’ONU d’augmenter immédiatement leurs contributions à l’UNRWA pendant cette période où la vie est menacée, afin de remplir leur obligation de prévenir le génocide ;
– Aux entreprises privées et aux particuliers de verser et/ou d’augmenter leurs contributions à l’UNRWA afin de combler le déficit financier actuel résultant des décisions des États de suspendre leur financement ;
– Au Secrétaire général des Nations unies de demander urgemment à l’Assemblée générale des Nations unies d’adopter une résolution relative à un fonds d’urgence pour l’UNRWA ;
– A l’ONU de prendre des mesures stratégiques et à long terme pour modifier le mécanisme de financement de l’UNRWA, de volontaire à obligatoire pour les États membres, afin de libérer l’UNRWA du chantage politique des États coloniaux.
Traduction : AFPS