Alors que le processus de paix israélo-palestinien ne sort pas de l’impasse, des voix s’amplifient, qui appellent à un seul Etat pour tous en Israël/Palestine comme alternative à la solution à deux Etats. Cet article étudie le débat palestinien sur la solution à un seul Etat et il analyse les défis auxquels ses partisans sont confrontés pour produire du soutien politique, défis dont le plus central est la difficulté de redéfinir la cause palestinienne en termes d’un combat pour des droits politiques égaux au sein d’une seule entité politique plutôt qu’en termes de lutte pour un Etat séparé.
Depuis l’échec du processus de paix d’ Oslo en 2000 et l’éruption la même année de l’Intifada-al Aqsa, la perspective d’une solution à deux Etats pour le conflit israélo-palestinien, est devenue de plus en plus sombre. Le doublement du nombre des colons – plus de 494,000 aujourd’hui— en Cisjordanie et Jérusalem-Est entre 1993 et 2009, la construction d’un mur de séparation de 709 km qui s’insinue en terre palestinienne en Cisjordanie et qui, une fois terminé, en incorporera 11.5% dans Israël, et l’institutionnalisation de plus de 99 checkpoints israéliens qui coupent les zones palestiniennes en au moins 12 régions géographiques séparées, ont tué toute perspective d’un Etat palestinien souverain viable.(1)
Cette réalité s’est encore aggravée avec la guerre israélienne contre Gaza en 2009, la rupture entre le Hamas et le Fatah et l’échec de la communauté internationale à amener les négociations israélo-palestiniennes en panne à appliquer la Feuillle de route pour la paix de 2003, laquelle validait l’idée d’un Etat palestinien comme seule issue au conflit.
Au vu de cette impasse,un nombre croissant d’intellectuels et de militants politiques appellent à une alternative : la solution à un seul Etat sur toute la Palestine, Israéliens juifs et Palestiniens ensemble.
Depuis 2009, nombre de conférences importantes se sont tenues partout dans le monde pour discuter des perspectives et de la viabilité de la solution à un seul Etat.(2) De nombreux livres et articles ont été publiés ces dernières années en faveur de cette idée, ou totalement contre.(3) A l’initiative de la société civile, la campagne palestinienne appelant au BDS (Boycott, Désinvestissement, et Sanctions) contre Israël, commencée en 2005, gagne du terrain auprès des militants politique qui soutiennent la cause palestinienne en Europe, en Afrique du Sud et en Amérique du Nord. Ces militants affirment qu’Israël a créé une réalité d’apartheid qui ne peut être démantelée qu’en promouvant la solution d’un seul Etat démocratique(.4) Au sein de la communauté palestinienne, un certain nombre de personnalités politiques ont menacé de revoir leurs positions si Israël ne donne pas aux Palestiniens un Etat viable et indépendant.(5)
L’objet de cet article est d’analyser jusqu’à quel point la solution à un seul Etat peut devenir un mouvement politique sans ambiguïté pour les Palestiniens, un mouvement qui peut leur permettre d’obtenir les droits que la solution à deux Etats n’a pas su protéger.
Cette question semble d’autant plus pressante aujourd’hui que la solution à un seul Etat est une idée ancienne, souvent perçue comme moralement attirante mais politiquement impossible.
Tout d’abord présentée par Judah Magnes, Martin Buber, et Brit Shalom à la fin des années 1920 et 1930 comme une façon de permettre aux Juifs et aux Arabes de vivre dans un Etat binational en Palestine, elle fut rejetée à la fois par les sionistes et les Palestiniens parce qu’elle mettait en péril leurs droits nationaux. Bien qu’elle fut présentée à l’ UNSCOP (le Comité spécial des Nations unies sur la Palestine) en 1947, puis reformulée par le Fatah en 1969 et l’OLP en 1971 sous le slogan d’un Etat démocratique en Palestine pour les juifs, les musulmans et les chrétiens, l’idée d’un seul Etat ne trouva pas de soutien politique dans la communauté international. Elle reste rejetée par une majorité d’Israéliens, qui revendiquent une souveraineté juive sur la Palestine.(6) Il est donc inévitable de demander comment les partisans de la solution à un seul Etat peuvent répondre à cette opposition et transformer leur idéal en un mouvement politique concret capable de galvaniser un soutien local et international. C’est un défi important, étant donné que les partisans de la solution à un seul Etat n’ont pas encore formé de parti politique clairement identifié ou de mouvement politique rassembleur.
Cette article se focalise sur les défis que pose la création d’un mouvement en faveur d’un seul Etat chez les Palestiniens.(7) Il met en avant trois défis fondamentaux.
D’abord, la difficulté de redéfinir la cause palestinienne en termes de lutte pour l’égalité des droits politiques plutôt que pour un Etat en soi.
La solution à un seul Etat force à réévaluer le paradigme de l’ “Etat” comme cadre de définition du combat des Palestiniens pour l’auto détermination et comme solution du conflit israélo-palestinien. Ceci n’a rien d’une tâche facile, car on ne voit toujours pas clairement comment un mouvement basé sur l’obtention des droits politiques sur l’ensemble de la Palestine historique peut correspondre aux droits politiques individuels et nationaux des Palestiniens. On ne voit pas non plus comment un mouvement répondrait à la question des droits politiques et civiques des Israéliens juifs en Palestine et à quels coûts.
Le deuxième défi pour le mouvement favorable à un seul Etat est de formuler une solution en termes qui soient réalistes plutôt qu’utopiques. Ceci nécessite à son tour de s’adresser aux structures en place actuellement et aux cadres légaux disponibles, au niveau interne et international, qui restent favorables à une solution à deux Etats.
Troisièmement, la construction d’un mouvement pour un seul Etat demande d’identifier et d’éduquer le type de direction et de militantisme de base qui pourront mobiliser et trouver du soutien dans les diverses structures palestiniennes. Il faudra aussi étudier jusqu’à quel point.
PJ : Article complet en anglais, en PDF (120 KB)