Et pas un petit crachin de rien du tout, non non, la pluie et le vent, les nuages et les couleurs du début d’automne. Même que tout ça pourrait rivaliser avec les couleurs magiques lilloises !!!
Donc la pluie, sur la poussière ocre accumulée tout l’été, les fossés et chaussées défoncées.... Ca donne de la boue, des torrents de boue, des plaques sur les routes dignes de nos plus belles plaques de verglas ... Sur la route ce matin pour rentrer à Naplouse, mon ange gardien par liaison radio, m’a prévenue : Attention Catherine !!! C’est du savon !!!
Oui du savon, un bus palestinien s’est renversé, plusieurs morts, des blessés. La route est détournée. Ce que je pensais être un check point est un barrage militaire ...pacifique. Un soldat m’explique en hébreu qu’il y a eu un accident. Me voila sur la route parallèle, sillonnant les paysages grandioses, arides, habités par des grappes de bédouins, dans leurs tentes, parcourus par les chèvres et les bergers. La pluie et le vent alternent et je roule doucement, soufflée comme à chaque fois par cette majestueuse beauté que je prends en pleine face.
Habités aussi par des villages neufs, pleins de maisons toutes pareilles,entourés de miradors et de grandes antennes militaires, parfois de barbelés, des colonies, certaines en sont encore à leur balbutiements, ce ne sont que quelques mobilhomes reliés aux poteaux électriques. Une amie palestinienne, pas sortie de Naplouse depuis quelques mois, avec qui je faisais cette même route il y a quelques semaines s’est sentie très écœurée de constater l’avancée de ces constructions sur la terre palestinienne.
La grand route retrouvée je reconnais le check point Zatara, un contrôle habituel, long pour les Palestiniens venant de Naplouse, pourtant déjà contrôlés à Huwara et parfois entre les 2 par des soldats, protégés dans une guérite et l’arme pointée vers les voitures.
Les torrents d’eau traversent le village juste avant l’entrée de Naplouse.
Au check point, comme d’habitude, le soldat fait un signe des doigts, négligemment, pour m’autoriser à avancer. Un nouveau. Il a appris par ses pairs comment utiliser le code des doigts.....
Bonjour. Ma carte professionnelle. Ça ne suffit pas, il veut la licence de la voiture. Je discute, comme à chaque fois que ma carte ne suffit pas. Il veut mon passeport. Je refuse, comme d’habitude :
« Est ce une frontière ici ?? Non. Donc pas besoin de passeport... »
Et nous voila entamant une discussion... il a l’air ouvert...
« De où viens tu ? « « Je suis française «
« Et tu viens travailler ici ??? « Avec un air très étonné. »Oui, ça fait 5 mois. »
« Mais c’est très dangereux de venir ici !! »
« Tu es nouveau ? » « Oui, nouveau.., »
« Tu penses que c’est dangereux de venir ici ? Pourquoi ? «
« Parce que on rentre toutes les nuits ici à Naplouse »
« Tu veux dire que c’est à cause de vous que c’est dangereux ? «
« De moi...? »(Le you anglais est trompeur ....), avec un air étonné et un sourire, non pas moqueur ni malicieux, mais naturel, enfantin.
« Non pas toi. Bien sûr, vous, les soldats, ... »
« Oui !!! Bien sûr !! » me dit il.
Il ne me dit pas, comme maints de ses prédécesseurs, que ce sont les Palestiniens de Naplouse qui sont dangereux.
« Oui c’est dangereux, je lui réponds, parce que toutes les nuits vous êtes là. Mais j’y travaille, il y a beaucoup de besoins ici... ».
« Oui me dit il, il y a beaucoup de besoins.... »
Un joli sourire triste. Et un « bonne journée, bon courage » .
Avant de traverser la ville et rejoindre le bureau, après le passage du check point il faut encore traverser des barrages de taxis, de taxis jaunes, dans tous les sens, certains sans chauffeur, arrêtés au milieu de la route, entre les énormes plots posés par les militaires. Il faut klaxonner, reculer, sourire, répondre avec mon arabe très débutant, faire des signes (oui oui j’en connais maintenant !!!), négocier le passage, le côté de la route. Il faut encore manœuvrer à travers les gens, des vieux en tenue traditionnelles, des femmes voilées, des enfants, des étudiants, des étudiantes, des hommes portant des bébés emmitouflés et des hommes tirant ou poussant des carrioles pleines à craquer de ce que je n’ai jamais su définir.....
Tous se dirigent vers le tourniquet, vous savez, le tourniquet à poulets........