Juste avant de partir pour les vacances de printemps le 10 mars, la Knesset a approuvé la loi israélienne controversée sur la citoyenneté avec 45 voix pour et 15 contre. Après près de neuf mois de débat, la nouvelle législation empêche effectivement les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza mariés à des citoyens israéliens d’obtenir la citoyenneté ou le statut de résident.
Après le vote, la ministre de l’intérieur Ayelet Shaked a déclaré dans un communiqué : "Il s’agit d’une loi sioniste pour notre sécurité nationale qui n’aurait pas dû être abandonnée pour des raisons de politique étroite." Elle a plus tard célébré avec un tweet de victoire : "Un État juif et démocratique 1 ; un État pour tous ses citoyens 0".
La loi a été initialement adoptée en 2003 comme une mesure temporaire qui a été prolongée chaque année. En juillet dernier, le gouvernement Bennett a proposé son adoption en tant que loi ordinaire, mais le projet de loi a été rejeté. Dans un effort d’unité au sein de la coalition, la plupart des législateurs du Meretz et du Ra’am n’ont pas voté contre le projet de loi, mais l’opposition a réussi à le bloquer. Bien que les partis d’opposition de droite dirigés par l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu aient soutenu le concept de la loi, ils avaient l’intention d’embarrasser la coalition.
Cette fois-ci, la coalition a opéré différemment. Mme Shaked a collaboré avec le membre de la Knesset Simcha Rotman, du parti sioniste religieux, pour obtenir le soutien des membres juifs de l’opposition. Bien que le Meretz et le Ra’am se soient cette fois opposés au projet de loi, celui-ci a été adopté.
Le véritable drame, cependant, a eu lieu parmi les partis arabes. Dans un premier temps, la Liste commune a tenté de transformer le scrutin en un vote de confiance envers le gouvernement, ce qui aurait empêché le parti arabe de la coalition Ra’am de voter une nouvelle fois contre le projet de loi. Cela aurait mis Ra’am dans une situation extrêmement embarrassante - l’intention de la Liste commune - mais cela n’a pas fonctionné. Ensuite, la Liste Commune a essayé une autre tactique. À la dernière minute, le chef de la Liste Commune, Ahmad Tibi, a décidé de défier le leader de Ra’am, Mansour Abbas. Il a demandé à Abbas et à son parti de se joindre à la Liste Commune pour soutenir les mesures visant à dissoudre la Knesset et à organiser de nouvelles élections. Là encore, l’objectif était d’embarrasser Abbas et Ra’am devant la communauté arabe.
Cette décision de dernière minute a suscité une vive polémique au sein du plénum de la Knesset. Bien qu’Abbas se soit opposé à la loi sur la citoyenneté, il a annoncé qu’il ne soutiendrait pas la dissolution de la Knesset et qu’il s’opposerait à toute proposition de loi de ce type. Il s’en est pris à Tibi et à la Liste commune, déclarant : "Dr. Ahmad Tibi, lors de notre dernière réunion avec la Liste Commune, j’ai compris que vous et [le président de la Liste Commune] Ayman Odeh aviez toujours pour objectif de dissoudre toutes les Knesset et de faire tomber tous les gouvernements. À Ra’am, notre objectif est de servir toute la société arabe et la société en général. Dr Tibi, ce n’est pas le destin de la société arabe que des centaines de milliers de personnes votent juste pour que vous et vos amis ayez des postes à la Knesset. Nous essayons une nouvelle voie. Nous voulons lui donner une chance. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour répondre aux intérêts de la société arabe."
Les remarques de M. Abbas ont stupéfié les membres de la Liste Commune, surtout lorsqu’il a mentionné la question très sensible de l’accès aux fonctions politiques. Les électeurs arabes accusent fréquemment la Liste Commune de faire du parti un club privé qui empêche tout autre candidat arabe de se présenter à la Knesset.
Malgré la pression exercée sur elle pour qu’elle réponde aux accusations d’Abbas, la Liste Commune a attendu le lendemain pour diffuser sur les médias sociaux une vidéo accusant Abbas d’être responsable de l’adoption de la loi sur la citoyenneté. Ils y affirment que "Ra’am sous Abbas a choisi le gouvernement actuel au détriment des femmes et des enfants victimes de la loi pour empêcher la réunification des familles", comme ils l’appellent en arabe.
Ra’am a répondu en demandant au secteur arabe de se méfier des rumeurs. Ils ont déclaré que le parti "a voté contre le gouvernement sur la loi sur la citoyenneté et défend toujours la cause de la réunification des familles et de l’amélioration de leur statut juridique." Dans une interview accordée à Channel 12, M. Abbas est allé plus loin en déclarant : "D’un côté, nous avons la question du regroupement familial, tandis que de l’autre, nous avons les villages [bédouins] non reconnus dans le Néguev, le problème de la criminalité et de la violence [dans les villes et villages arabes], le manque de logements, etc. Lorsque nous voulons prendre une décision, nous prenons tout cela en considération et nous décidons en conséquence." Son message clair était que pour l’instant, il est préférable de se concentrer sur d’autres questions qui préoccupent la société arabe et qui peuvent être avancées par le gouvernement actuel, et que ce levier est préférable à la chute du gouvernement pour une seule question.
Ses propos décrivent la nouvelle approche que Ra’am a mise en avant lors de la dernière élection. La politique n’est pas un tout ou rien. Le parti n’obtiendra peut-être pas tout ce qu’il veut, mais il sera en mesure d’obtenir davantage en faisant partie de la coalition que dans l’opposition.
Traduction : AFPS