Professeur d’histoire médiévale à l’Université de Tel-Aviv, Gadi Algazi a été en 1967 le premier refuznik [1]. Il milite pour la paix au sein de Tayyoush et a participé à la fondation de Tarabout [2]. Il répond à nos questions sur l’état actuel de l’opinion publique et la mobilisation des pacifistes en Israël.
Est-ce que l’opinion publique israélienne, après l’avoir massivement soutenue, commence à réaliser la catastrophe qu’a été la guerre contre Gaza ?
Gadi Algazi. Non, pas encore. Les gens continuent à croire ce que leur raconte le gouvernement sur la grande victoire remportée contre le Hamas. C’est ce qu’affirment les médias à longueur de journée et même les sionistes de gauche du Meretz ont adopté cette ligne. Quelqu’un comme David Grossman lui-même n’a commencé à dire la vérité sur ce qui s’est passé qu’il y a quatre jours.
Comment expliquer ce phénomène ? Est-ce le manque d’information dû à la censure ?
Gadi Algazi. Le manque d’information n’explique pas tout. Je crois qu’il y a surtout l’incapacité des gens à comprendre que la guerre ne peut pas apporter la sécurité, même de manière temporaire.
Mais les résultats, le carnage, les destructions, le fait que le Hamas est toujours là ne rendent-ils pas évident que l’opération « plomb durci » est un échec ?
Gadi Algazi. Ce n’est pas aussi simple. Les gens ne perçoivent pas les choses ainsi. D’abord, les buts de guerre étaient vagues. Pour le moment, le sentiment général est qu’on a gagné. Les roquettes ne tombent plus sur Sdérot et on ne leur dit pas que le Hamas reste avec son potentiel de violence.
Y a-t-il des organisations qui demandent des comptes au gouvernement sur les crimes de guerre ?
Gadi Algazi. Bien sûr. Mais celles qui demandent une enquête sont les mêmes [3] qui avaient organisé la protestation pendant la guerre. Je rappelle qu’il y a eu jusqu’à 15 000 personnes dans les manifs à Tel-Aviv - en majorité des juifs - et jusqu’à 30 000 à Sahnin - surtout des Palestiniens d’Israël qui répondaient à l’appel du Conseil supérieur de la population arabe d’Israël. C’est important, mais cela reste minoritaire dans la société israélienne.
Le fait que des accusations très graves sont portées contre l’armée israélienne, y compris par l’ONU, a-t-il des répercussions dans l’opinion ?
Gadi Algazi. Non, car la plupart des gens ne le savent pas. Et s’ils en entendent parler, ils ne prennent pas cela au sérieux : jusqu’ici les généraux israéliens ont toujours échappé aux poursuites. Olmert vient encore d’assurer que ce serait le cas cette fois-ci. La presse est passée directement de la « victoire » à Gaza à la campagne pour les élections du 10 février. On s’attend à ce que la droite gagne. La droite officielle de Netanyahu et Lieberman ou la droite cachée de Livni et Barak.
La mobilisation va-t-elle continuer ?
Gadi Algazi. Bien sûr ! Pour nous, la guerre est loin d’être terminée. Elle continue aussi longtemps que le blocus contre Gaza reste en place. Nous allons le dire haut et fort la semaine prochaine lors d’une manifestation réunissant juifs et Palestiniens d’Israël entre Tel-Aviv et Jaffa.