Comment le PPP et plus généralement les partis de la gauche palestinienne analysent-ils ces élections ?
Hanna Amerh. Les territoires palestiniens sont dans l’impasse, dans tous les domaines, qu’il s’agisse de l’économie, du social, des négociations. Les gens ont voulu sortir de cette impasse en élisant le Hamas. Cette victoire du Hamas indique d’abord que le peuple palestinien veut un changement complet mais aussi qu’il n’est pas prêt à se rendre aux diktats des Israéliens et des Américains. C’est donc un rejet de ces diktats, mais il y a également un rejet de l’Autorité palestinienne et plus particulièrement du Fatah.
Pour nous, ce résultat doit être respecté. Mais dans le même temps, le Hamas doit s’adapter lui-même à cette nouvelle situation. Si l’on s’en tient à son programme, le Hamas ne peut pas diriger le gouvernement. Il a besoin de modifier largement son programme.
Il y a un rejet du Fatah mais la gauche n’a pas su en profiter. Pourquoi ?
Hanna Amerh. Je ne pense pas que les partis de gauche en Palestine mais aussi dans l’ensemble du monde arabe représentent un centre d’attraction. Il y a beaucoup de raisons à cela. La chute du mur de Berlin, bien sûr, mais la façon dont la gauche a été traitée dans ces pays est un facteur important. En Palestine, la gauche ne représente pas une alternative et n’a pas assez de poids. Il faut que la gauche, et notre parti également, réfléchisse sérieusement à la situation en tenant compte de la réalité et non pas de nos souhaits. Il faut rapidement donner un certain nombre de réponses. Le Comité central du parti doit bientôt se réunir. Notre lutte doit se situer dans un contexte politique. Le Hamas est censé former un gouvernement et a déjà dit qu’il voulait un gouvernement d’union, comprenant le Fatah. C’est pourquoi il nous faut faire vraiment de la politique. Il faut imposer des conditions. Par exemple, le programme de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) doit être respecté, de même que les engagements pris par l’Autorité palestinienne. Concernant les affaires intérieures, nous devons avoir des garanties sur le respect des libertés individuelles, sur le social... Si le Hamas veut vraiment un gouvernement d’union, il doit impulser de grands changements dans son attitude et dans son programme. Le Hamas doit répondre à un certain nombre de questions et révéler leurs intentions. Sans cela, personne ne peut parler. Pour l’instant on en est dans le « wait and see ».
Le Hamas va-t-il modifier ses positions ?
Que va-t-il se passer au niveau de l’OLP alors que le Hamas a déjà dit qu’il voulait y être représenté à hauteur de son score électoral ?
Hanna Amerh. Je ne pense pas que ça se fera comme ça. L’OLP est un corps politique, pas une institution. L’existence de l’OLP est basée sur l’unité nationale de toutes les factions palestiniennes qui y sont représentées quel que soit leur poids politique. La mesure ne peut être seulement le résultat des élections. Beaucoup d’autres paramètres entrent en ligne de compte. Il y a treize partis politiques palestiniens. Ils doivent être représentés dans l’OLP, qu’ils aient des députés ou non. C’est quelque chose qui doit être discuté avec le Hamas et l’ensemble des organisations. Si le Hamas reste sur sa position le problème ne sera pas résolu. Je ne pense pas que les autres organisations acceptent que le Hamas ait la majorité au sein de l’OLP. C’est une question d’accords, pas d’élections.
Qu’en est-il du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) ?
Hanna Amerh. Le FPLP est une organisation d’extrême gauche. Sur certains points politiques il s’est rapproché du Hamas, mais sur les questions sociales, il est proche de nous. Pour les élections, ils ont joué leur propre carte. Mais si le FPLP avait accepté l’union que nous proposions, il y aurait certainement eu plus de députés de gauche. Le problème est que toute la gauche est marginalisée avec ces élections. La gauche a payé d’une certaine manière des dettes du Fatah, parce que nous étions son allié.
Quelle va être votre attitude par rapport à Mahmoud Abbas ?
Hanna Amerh. Si l’on considère la loi fondamentale palestinienne, Mahmoud Abous va être le centre de l’opposition au Hamas. Il doit y avoir trois lectures pour tout texte de loi avant son adoption. Entre la seconde et la troisième, elle est soumise au président qui peut décider de la rejeter. Si le parlement veut tout de même l’adopter elle doit être approuvée par les deux tiers du conseil législatif. Or le Hamas est majoritaire ne possède pas ces deux tiers. D’autre part, les services de sécurité, à l’exception de la police, dépendent du président et non pas du gouvernement. Il y aura donc un duel. Or, le programme du Hamas c’est la résistance, pas la négociation avec Israël. L’Autorité palestinienne, du matin au soir, traite avec les Palestiniens (ndlr : Hanna Amerh veut sûrement dire "israéliens" ici). Comment va faire le Hamas ? C’est pourquoi il nous faut consolider nos relations avec Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité.