Le rêve néo-conservateur s’est effacé en 2006.
Le « projet pour le nouveau siècle américain » est réduit à une boite vocale et un site informatique fantôme. Il reste un seul employé pour boucler.
L’idée du "Projet" était de protéger l’influence et les intérêts américains dans le monde.
La déclaration de 1997 (élaborée pendant l’administration du Président Bill Clinton) dit :
"Nous semblons avoir oublié les éléments essentiels du succès de l’administration Reagan : une armée forte ; une politique étrangère qui promeut avec audace et détermination les principes américains à l’étranger ; et une direction nationale qui accepte les responsabilités globales des Etats-Unis."
Parmi les signataires on trouve nombre des hauts responsables qui détermineront plus tard la politique sous la présidence de George W Bush - Dick Cheney, Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz, Elliot Abrams et Lewis Libby - de même que des penseurs dont Francis Fukuyama, Norman Podheretz et Frank Gaffney.
On les appelle les néo-conservateurs parce qu’ils cherchaient à rétablir,au parti républicain et aux Etats-Unis, ce qu’ils pensaient être les véritables vertus conservatrices. Ils voulaient arrêter ce qu’ils ressentaient comme des tendances isolationnistes qui s’étaient développées sous la présidence Clinton, et même pendant la présidence pragmatique de George Bush senior.
Ils ont vu dans la guerre en Irak leur chance de montrer comment pourrait fonctionner le « nouveau siècle américain ».
Ils ont prédit le développement de valeurs démocratiques dans une région qui en manquait et en conséquence la disparition de menaces à l’encontre des Etats-Unis tout comme la démocratisation de l’Allemagne et du Japon après la Seconde Guerre mondiale avait transformé l’Europe et le Pacifique.
Attaque
Etant donné que tant de choses reposaient sur l’Irak il était inévitable que les problèmes là bas aient miné toute la conception.
"Le néo-conservatisme a disparu pour une génération, s’il revient un jour," déclare l’un des critiques du mouvement, David Rothkopf, actuellement à la fondation Carnegie à Washington, et qui est un ancien responsable de l’administration Clinton.
"Leur entreprise phare était l’invasion de l’Irak et leur échec à produire des résultats est patent. C’est précisément le contraire qui s’est produit," dit-il.
"L’usage de la force par les Etats-Unis a été perçu comme quelque chose de mauvais qui enflammait une région qui s’est peu montrée disposée à la démocratie.
"Leur plan a connu de grosses difficultés. Il y a eu des failles dans sa conception et son exécution a été affreusement mauvaise. Les néo-cons ont été battus par leurs propres idées et l’incompétence de l’administration Bush.
"George Bush est pratiquement le dernier néo-conservateur qui reste, avec Cheney peut-être. Bush n’est pas une personne capable d’analyse, aussi il s’est contenté d’adopter la philosophie des néo-cons.
"Ca rentrait dans sa vision manichéenne du monde, toute en noir et blanc. Après tout, il a renoncé à sa jeunesse dissolue et est né à nouveau, comme un homme neuf, alors, ça convenait à son caractère." [1]
Luttes internes
L’éloignement du rêve a eu des retombées sur les néo-conservateurs eux-mêmes.
Notamment, deux des dirigeants néo-conservateurs, Richard Perle et Kenneth Adelman, ont attaqué l’équipe Bush dans le magazine Vanity Fair. Tous deux avaient été conseillers au Pentagone. Tous deux avaient argumenté en faveur de la guerre en Irak.
Dans un article intitulé "Neo Culpa", Richard Perle a déclaré que s’il avait su comment cela tournerait, il aurait été contre : "Je pense maintenant que j’aurais probablement : ’Non, envisageons d’autres stratégies’."
Kenneth Adelman a dit : "Ils se sont révélés être l’une des équipes les plus incompétentes de la période de l’après-guerre.
"Non seulement ils avaient chacun, individuellement, des défauts considérables, mais en tant qu’équipe ils étaient mortels, d’une insuffisance totale.."
Donald Rumsfeld "m’a bien eu", dit-il.Il dit, à propos du néo-conservatisme après l’ Irak : "Ca ne prendra pas."
Défense et contre-attaque
D’autres néo-conservateurs défendent ce qu’ils ont fait, affirmant avec force que l’idée initiale a eu des effets et insistant sur le point soulevé par Perle et Adelman , à savoir que c’est dans l’exécution de l’idée, pas dans l’idée elle même qu’ils s’étaient trompés.
Gary Schmitt était un personnage important dans le projet "Nouveau siècle américain". Il est maintenant directeur des études stratégiques à l’Institut des Entreprises américaines ( American Enterprise Institute /AEI), et il dit que le projet est mort de mort naturelle.
"Quand le projet a débuté il n’était pas conçu pour durer éternellement. C’est pourquoi on le clôt. Il nous aurait fallu passer trop de temps à trouver de l’argent et il avait déjà joué son rôle.
"Nous avons ressenti à l’époque qu’il y avait des failles dans la politique étrangère des Etats-Unis, qu’elle était néo-isolationniste. Nous avons essayé de réactiver une politique reaganienne.
"Notre point de vue a été adopté. Même pendant l’administration Clinton nous avons eu de l’influence, avec les déclarations de Madeleine Albright [2] sur les Etats-Unis, la ’nation indispensable ’.
"Mais nos idées n’ont pas forcément tout dominé. On n’avait personne qui soufflait dans l’oreille de Bush. Alors ce qu’il faut faire maintenant c’est voir comment on les met en pratique. C’est clair que l’échec spécifique en Irak ne nous facilite pas la vie, mais je ne suis pas d’accord avec Richard Perle quand il dit qu’on n’aurait pas du y aller.
"Mon point de vue c’est que l’exécution aurait du être meilleure. En fait, je disais à la fin de 2003 qu’il fallait davantage de soldats et une politique de contre- soulèvement adéquate."
C’est que certains néo-conservateurs n’ont pas abandonné tout espoir en Irak. L’AEI, qui est devenue la demeure naturelle des réfugiés du ’Projet américain’ met en avant un article intitulé : "Choisir la Victoire : un Plan pour gagner en Irak".
L’article n’appelle pas à un retrait des troupes US mais à une augmentation. On attend la décision du président Bush au début janvier.