Phtoto : des bulldozers israéliens détruisent des maisons palestiniennes à Jérusalem-Est (crédit : Tali Mayer via Activstills.org)
Un Palestinien, Atef Yousef Hanaysha, a été tué par les forces d’occupation le 19 mars lors d’une manifestation hebdomadaire contre l’expansion de la colonie israélienne illégale de Dajan, près de Naplouse dans le Nord de la Cisjordanie.
Bien que tragique, cette nouvelle s’inscrit dans la routine de la Cisjordanie occupée où les tirs sur des manifestants non armés et leur assassinat font partie de la réalité quotidienne. Et pourtant ce n’est pas exact. Depuis que le Premier ministre israélien de droite, Benjamin Netanyahou a annoncé en septembre 2019 son intention d’annexer formellement et illégalement un tiers de la Cisjordanie occupée, les tensions sont vives.
L’assassinat de Hanaysha n’est que le sommet émergé de l’iceberg. A Jérusalem-Est occupée et en Cisjordanie un combat majeur est déjà en cours. D’un côté des soldats israéliens, des bulldozers de l’armée et des colons juifs armés, illégaux, mènent des missions chaque jour pour expulser des familles palestiniennes, déplacer des paysans, brûler des vergers, démolir des maisons et confisquer la terre. En face, des civils palestiniens souvent désorganisés, sans protection ni dirigeants, résistent.
Les limites territoriales de ce combat sont situées en majorité à Jérusalem-Est occupée et dans la soi-disant « zone C » de la Cisjordanie -près de 60 % de toute la Cisjordanie occupée- qui est sous contrôle militaire direct et absolu d’Israël. Aucun endroit ne représente le microcosme parfait de cette guerre inégale autant que le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est occupée.
Le 10 mars, 14 organisations palestiniennes et arabes ont fait un appel urgent aux "Procédures spéciales des Nations unies sur les expulsions forcées à Jérusalem-Est" pour mettre fin aux expulsions dans le quartier. Plusieurs décisions successives des tribunaux israéliens ont ouvert la voie à l’éviction par la police et l’armée israéliennes de 15 familles palestiniennes – 37 foyers, pour 195 personnes- à Karm Al-Ja’ouni dans le quartier de Sheikh Jarrah et à Batn Al-Hawa dans la ville de Silwan.
Ces expulsions imminentes ne sont pas les premières, et ne seront pas les dernières. Israël a occupé Jérusalem-Est en juin 1967 et l’a annexée formellement, bien qu’illégalement, en 1980. Depuis le gouvernement israélien vivement rejette toute critique internationale contre l’occupation israélienne, appelant au contraire Jérusalem la « capitale éternelle et indivisible d’Israël. »
Pour s’assurer que l’annexion de la cité est irréversible, le gouvernement israélien a adopté le Plan directeur 2000, un projet énorme entrepris par Israël pour redéfinir les limites de la ville de façon à assurer une majorité démographique permanente des juifs israéliens au détriment des habitants autochtones de la ville.
Ce Plan directeur n’est rien d’autre que le plan d’une campagne de nettoyage ethnique appuyée par l’Etat lors de laquelle des milliers de maisons palestiniennes ont été détruites et de nombreuses familles expulsées en conséquence.
Alors que les grands titres des médias présentent parfois les évictions habituelles des familles palestiniennes de Sheikh Jarrah, Silwan et d’autres parties de Jérusalem-Est comme un sujet qui implique des contre-arguments entre résidents palestiniens et colons juifs, l’histoire est en fait globalement représentative de l’histoire moderne de la Palestine.
En réalité, les familles innocentes qui sont maintenant face au « risque imminent d’éviction forcée » vivent à nouveau le cauchemar ancestral de la Nakba – le nettoyage ethnique de la Palestine historique en 1948.
Deux ans après que les habitants autochtones de la Palestine historique furent dépossédés de leurs maisons et de leurs terres et subirent l’épuration ethnique, Israël instaura la loi dite des Absents en 1950.
Cette loi, qui n’a bien entendu aucune légalité ou validité morale, octroyait tout simplement à l’Etat les propriétés des Palestiniens expulsés ou qui avaient fui la guerre, pour en faire ce que bon lui semblait.
Étant donné que ces Palestiniens ‘absents’ n’étaient pas autorisés à exercer leur droit au retour tel que le stipule le droit international, la loi israélienne était un vol considérable appuyé par l’État. Il y avait à cela deux objectifs : s’assurer que les Palestiniens réfugiés ne rentrent pas ou ne tentent de réclamer leurs propriétés confisquées en Palestine et donner à Israël une couverture légale pour confisquer de façon permanente les biens et les maisons des Palestiniens.
D’un point de vue colonial israélien, l’occupation militaire israélienne du reste de la Palestine historique en 1967 nécessitait la création de lois nouvelles qui permettraient à l’État et à l’entreprise de colonisation illégale de s’emparer de toujours plus de propriétés palestiniennes. Cela fut fait en 1970 sous la forme de la Loi sur les Questions légales et administratives. Dans ce nouveau cadre légal, seuls des Israéliens étaient autorisés à réclamer des terres et des propriétés perdues dans les zones palestiniennes.
La plupart des évictions à Jérusalem-Est ont lieu dans le cadre de trois arguments légaux étranges et interconnectés : la Loi des Absents, la Loi sur les Questions légales et administratives et le Plan directeur.
Compris ensemble, il est facile de deviner la nature du plan colonial israélien à Jérusalem-Est où des Israéliens, avec des organisations de colons, travaillent à réaliser la vision de l’Etat.
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Dans leur appel commun, les associations palestiniennes des droits humains décrivent comment l’abondance d’ordres d’éviction émis par les tribunaux israéliens aboutit à la construction de colonies juives illégales. Les propriétés palestiniennes confisquées sont en général transférées à une branche du ministère israélien de la Justice appelée ‘Gardien générale des biens des absents’. Cette dernière détient ces propriétés jusqu’à ce qu’elles soient réclamées par des juifs israéliens, en application de la loi de 1970. Une fois que les tribunaux israéliens reconnaissent les revendications légales sur les terres palestiniennes confisquées d’individus juifs israéliens, ceux-ci transfèrent souvent leur droit de propriété ou la gestion de la propriété à des organisations de colons. En un rien de temps, ces organisations utilisent les propriétés nouvellement acquises pour étendre les colonies existantes ou en créer de nouvelles.
L’État israélien prétend jouer un rôle impartial dans ce plan mais c’est bien lui qui facilite tout le processus. L’issue finale apparaît dans la scène, totalement prévisible, où un drapeau israélien est hissé en triomphe sur une maison palestinienne et que la famille palestinienne se voit assigner une tente et quelques couvertures fournies par les Nations unies.
D’aucuns pourraient arguer qu’il ne s’agit que de routine, d’un événement ordinaire, néanmoins la situation en Cisjordanie occupée, particulièrement à Jérusalem-Est, devient vraiment volatile. Les Palestiniens considèrent qu’ils n’ont plus rien à perdre et le gouvernement de Netanyahou se sent plus encouragé que jamais. L’assassinat de Atef Hanaysha, et d’autres comme lui, n’est que le début d’une confrontation imminente et très vaste.
Traduction AFPS