Depuis plusieurs mois, un débat s’est engagé sur la possibilité de réaliser un Etat palestinien. L’accaparement systématique des terres palestiniennes par la colonisation israélienne, la mainmise grandissante sur Jérusalem, l’état de siège permanent à Gaza laissent peu de place à ce projet.
Le Conseil de sécurité des Nations unies, bénéficiant de l’abstention américaine, vient de demander l’arrêt immédiat des implantations et a rappelé son attachement au principe de deux Etats. Le premier ministre israélien a rejeté brutalement cette résolution au mépris du droit international.
L’Etat palestinien peut-il encore résulter d’une négociation bilatérale ? C’est l’espoir du secrétaire d’Etat John Kerry qui vient de réaffirmer à juste titre les paramètres d’un accord de paix, sans toutefois définir les moyens d’y parvenir.
La présence à la tête d’Israël d’un gouvernement au nationalisme religieux déterminé, qui profite des troubles du monde arabe, enlève toute crédibilité à la reprise d’un processus de paix dont la stérilité a été maintes fois déplorée, dès lors que nulle pression ne s’exerce sur Israël, sûr de sa force et de l’appui occidental qui lui est consenti.
Mahmoud Abbas disqualifié auprès de son opinion
Faute de résultat, le négociateur palestinien, Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, se trouve disqualifié auprès de son opinion publique sur qui pèsent les humiliations de l’occupation, qui est soucieuse de récupérer les milliers de prisonniers politiques et qui n’a devant elle qu’un avenir sans espoir dans lequel toute évolution démocratique est paralysée par les contraintes matérielles et politiques que la situation impose. Il en résulte que le Hamas, lui, jouit des avantages de l’intransigeance.
Les Etats-Unis ont échoué à faire émerger une solution et ont renouvelé leur aide à Israël sans poser aucune condition, malgré leur condamnation maintes fois réaffirmée d’une colonisation contraire à l’établissement d’un Etat palestinien qui était pourtant jusqu’à présent leur objectif officiel. Il est probable que le nouveau président Donald Trump, appuyé par une majorité républicaine déterminée, ira encore plus loin dans le soutien inconditionnel à Israël et dans la négation des droits des Palestiniens.
Une autre solution est-elle possible ? Certains appellent à la création d’un Etat binational où l’égalité des droits des deux communautés serait respectée. Mais cette perspective est illusoire car un Etat juif ne peut abandonner son caractère national et religieux, imprégné de l’histoire biblique. L’expérience montre que cet Etat unique aboutirait à une situation d’apartheid qui existe d’ailleurs déjà largement sur le terrain.
Garanties de sécurité
Comment ne pas voir que le conflit israélo-palestinien, s’il est éclipsé dans l’opinion mondiale par les malheurs de la Syrie, de l’Irak et du Yémen, ainsi que par l’omniprésence du péril que représente l’organisation Etat islamique, est appelé à perdurer, engendrant dans l’opinion publique arabe le ressentiment contre le monde occidental, accusé de complicité avec Israël ?
L’insertion définitive d’Israël dans son environnement régional ne peut être assurée par la force. Elle doit résulter d’une acceptation qui lui a été proposée par les pays de la Ligue arabe en échange de la reconnaissance d’un Etat palestinien crédible. Israël n’a pour le moment jamais consenti à cette proposition, malgré les garanties de sécurité qu’elle lui apporterait.
Il existe certes des pacifistes israéliens prêts à s’engager dans ce sens mais ils ne sont pas relayés par les politiques, tandis que certaines organisations juives extérieures à Israël appuient résolument les positions les plus contestables de l’extrême droite israélienne, en oubliant l’appartenance prioritaire des communautés qu’elles représentent aux Etats dans lesquelles elles évoluent.
Il est donc évident qu’un Etat palestinien ne pourra naître sans pression internationale. Il a déjà été reconnu par 137 Etats aux Nations unies mais pas par les Etats occidentaux majeurs, paralysés par l’Histoire et en proie trop souvent à des influences électorales partisanes. Il n’a probablement plus aucune chance d’émerger après le 20 janvier, date d’entrée en fonction du nouveau président américain.
Péril des sanctions
Dans cette situation, la France a un rôle éminent à jouer en tant qu’avocate des libertés humaines au service de la paix. Elle a engagé un nouveau processus de consultation des pays directement intéressés par le conflit, qui doit aboutir à des principes directeurs dont les négociateurs devront obligatoirement s’inspirer.
Une étape déterminante doit être franchie en ce début d’année. Malgré les aléas de la politique intérieure française, l’échéance doit être tenue. Ce peut être l’occasion d’une ultime réflexion de l’administration américaine en partance. Il est malheureux cependant que M. Nétanyahou a, dès le départ, annoncé qu’il ne voulait pas rencontrer M. Abbas à Paris. Mais ce refus montre la nécessité d’une pression internationale pour recadrer un dialogue impossible.
A défaut, on voit mal comment Israël échapperait au péril des sanctions. En demandant l’étiquetage des produits en provenance des colonies israéliennes, l’Union européenne, en se montrant cohérente avec sa condamnation des colonies, a ouvert la voie. Elle est périlleuse pour Israël, ouvert au monde extérieur, et donc vulnérable. On se rappelle le rôle des sanctions dans la fin de l’Apartheid en Afrique du Sud.
Réparer une injustice de l’Histoire
Pour les Palestiniens, rien n’est pire que l’absence d’Etat. Sa proclamation ne changera certes rien sur le terrain. Mais elle créera une dynamique imposant des réalités nouvelles. Ce serait à l’honneur de la France de reconnaître l’Etat palestinien. Un tel geste, dont la signification politique et morale est incontestable, s’inscrirait dans sa politique traditionnelle en faveur de la liberté et des droits humains. Il est temps de réparer une injustice de l’Histoire. Israël, au destin duquel nous sommes tous attachés, en serait le premier bénéficiaire, tant pour sa sécurité que pour son rôle attendu dans le développement de la région où il faut pérenniser sa présence.
Ni la loi du plus fort ni le messianisme religieux ne peuvent être considérés comme fondateurs de droits territoriaux au profit de l’Etat d’Israël. L’appropriation progressive de Jérusalem-Est et d’une partie croissante des terres de Cisjordanie est inconciliable avec l’idée de négociation. Un partage équitable ne peut être obtenu par une négociation bilatérale en raison de la disproportion des forces des parties en présence.
Un encadrement international s’impose donc dans lequel la France, amie des Israéliens et des Palestiniens, doit être au premier rang. L’initiative diplomatique qu’elle a prise est essentielle et doit être soutenue par tous les Etats responsables, proches ou lointains, désireux de définir les conditions d’une paix juste et durable.
Avec l’arrivée du président Trump au pouvoir, l’espoir d’un Etat palestinien disparaît sans doute pour les années à venir. Mais sa nécessité demeure. La France et l’Union européenne doivent s’engager avant qu’il ne soit trop tard.
Les diplomates signataires : Yves Aubin de La Messuzière ; Denis Bauchard ; Philippe Coste ; Bertrand Dufourcq ; Christian Graeff ; Pierre Hunt ; Patrick Leclercq ; Stanislas de Laboulaye ; Jean-Louis Lucet ; Gabriel Robin ; Jacques-Alain de Sédouy ; Alfred Siefer-Gaillardin