Le sommet israélo-arabe de Charm el-Cheikh, qui démarrait hier soir (voir ci-contre), laisse perplexe la rue palestinienne. Les Palestiniens ont la tête ailleurs. Leur quotidien n’a guère changé. L’armée israélienne n’a pas l’intention d’assouplir les mesures de sécurité. Les personnes se rendant d’une localité à une autre distante d’à peine quelques kilomètres mettent plus d’une heure, parfois le triple, pour arriver au lieu où ils doivent se rendre. Alors qu’il faut à peine vingt minutes pour se rendre de Bethléem à Jérusalem, dimanche, il a fallu attendre près de deux heures sous un soleil de plomb pour passer les deux barrages de contrôle situés juste à la sortie de la ville.
« Les fins de mois sont très difficiles »
Dans leur cabine climatisée, devant laquelle passent les automobilistes, les militaires israéliens font durer le plaisir. « Ça dépend des jours, dit Yahia, assistant à la Croix-Rouge internationale. Mais depuis les événements de Gaza ils multiplient les tracasseries. » Yahia, qui parle couramment l’hébreu, s’adresse aux soldats dans cette langue. « Beaucoup de ces soldats, notamment ceux d’origine russe, éthiopienne, ou fraîchement arrivés des États-Unis, ne parlent même pas l’hébreu. Ils sont souvent surpris quand je leur parle dans cette langue. Pour moi, ça facilite les choses », dit-il d’un air malicieux.
Hier, selon le quotidien Haaretz, des responsables des services de sécurité ont annoncé qu’Israël n’assouplira pas les mesures prises dans les territoires occupés tant que l’Autorité palestinienne ne prendra pas de mesures pour réprimer les « terroristes ». Pas plus qu’il ne débloquera tout l’argent - montant estimé à plus de 800 millions de dollars - provenant des taxes sur les produits importés et gelés depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas. Certes, Olmert s’est engagé à débloquer 300 millions de dollars. « C’est déjà ça de gagné. Mais pourquoi ne débloque-t-il pas tout l’argent », dit Aïssa, employé à la municipalité de Bethléem ? À l’instar d’Aïssa, ils sont près de 300 000 fonctionnaires, forces de sécurité comprises, qui ne touchent que 50 % de leur salaire tous les quatre mois. « Je vis à crédit. Les fins de mois sont très difficiles », assure-t-il.
Samir, quarante-cinq ans, guide touristique, guette tous les jours les autocars déversant les touristes venant visiter la basilique de la Nativité. Pour ce chrétien, père de quatre enfants, « les touristes sont moins nombreux qu’avant, on gagne moins d’argent, et la construction du mur a encore compliqué les choses ». Du sommet de Charm el-Cheikh, il n’attend pas grand-chose. « Le mur sera encore là. Et l’Occident ne lèvera pas le petit doigt », dit-il.
Peu de crédit accordé au sommet
Nadia, assistante sociale, est, quant à elle, interdite de sortie de Bethléem. Elle ne possède pas cette fameuse carte de résident lui permettant de se rendre à Jérusalem. En effet, en 2006, selon l’ONG israélienne de défense des droits de l’homme, B’Tselem, 1 363 Palestiniens natifs de Jérusalem se sont vu retirer cette carte sous divers prétextes. Cela signifie concrètement qu’ils n’ont plus aucun droit dans la ville et leurs habitations seront confisquées au profit des colons nouvellement arrivés. Elle ne cache pas son pessimisme : « Je crois que cela va être encore plus difficile qu’avant. Les gestes d’Olmert, soi-disant pour aider l’Autorité palestinienne, c’est du pipeau. » [1]
Dans toute la Cisjordanie, il est bien rare de rencontrer un Palestinien accordant un quelconque crédit au sommet de Charm el-Cheikh. « Il y a eu les accords d’Oslo que Sharon a remis en cause, puis je ne sais combien de sommets entre Israéliens et Palestiniens sans aucun résultat positif, ensuite la feuille de route, et notre situation n’a fait qu’empirer. Israël ne veut pas la paix, il ne veut pas d’un État palestinien. Et le coup de force du Hamas est du pain béni pour Olmert », explique un responsable du Fatah de Beit Hanine, près de Jérusalem, qui, pourtant, soutient Mahmoud Abbas.