Le financement des activités humanitaires dans les territoires palestiniens est « à son plus bas niveau historique » selon un responsable de l’organisme de l’ONU pour les affaires humanitaires en Cisjordanie et à Gaza.
Selon un rapport publié ce mois-ci par le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires (Office for Coordination of the Humanitarian Affairs - OCHA), déjà il y a quelque semaines, seulement 159 millions de $ sur les 539,7 millions de $ requis avaient été obtenus pour le Plan d’Intervention Humanitaire (PIH) de 2018, l’appel de financement stratégique censé répondre aux besoins des organismes humanitaires dans les territoires occupés.
Le manque de financement a eu un effet dévastateur sur les organisations non gouvernementales de la Bande de Gaza. Un document d’orientation publié l’an dernier par le Réseau des ONG palestiniennes (ONGP), un groupe de coordination ayant pour but de renforcer la société citoyenne palestinienne, montre que le financement des ONG dans l’enclave assiégée a été diminué de moitié en 2016, en comparaison avec l’année précédente.
Le manque de financement a pour conséquence que l’aide restante a été consacrée presque exclusivement à la satisfaction des besoins à court-terme et aux projets répondant à l’urgence. Agir ainsi, selon les explications du directeur des ONGP, Amjad Al Shawwa, prive les organisations humanitaires d’objectifs de développement de longue durée.
Selon le BCAH/OCHA, 1,57 million des 1,8 million habitants de la Bande de Gaza dépendent de l’aide humanitaire. Le taux de chômage dans la bande de Gaza est arrivé à 32,4 % — le taux le plus élevé atteint en deux décennies. L’association du siège par Israël et des divisions entre les Palestiniens signifie que le secteur des ONG doit souvent fournir les services de base à la place du gouvernement affaibli du Hamas.
La majorité des programmes pour l’emploi dans les territoires palestiniens dépendant de l’aide financière internationale, mais les restructions de crédits ont créé une situation, dans laquelle nombre d’organisations réduisent considérablement leurs services, avec certaines d’entre elles fonctionnant uniquement sur le plan administratif.
Selon les données des ONGP, déjà l’an dernier 60 % des organisations non gouvernementales étaient dans l’incapacité de couvrir leurs dépenses de fonctionnement, comprenant le paiement des salaires du personnel. Par conséquent, des programmes entiers de services ont été fortement réduits ou bien complètement supprimés. Des services tels que l’éducation, la santé, la sécurité alimentaire, ainsi que l’aide psychologique et le soutien aux personnes handicapées ont tous été réduits au minimum.
Les ONGP ont mis en évidence que 30 % des ONG basées à Gaza ont diminué leur coût de fonctionnement ; 56 % cherchaient de novelles sources de financement ; 58 % mettaient fin au moins à certains contrats d’emploi ; 22 % réduisaient les salaires ; et 18 % s’efforçaient de mettre en place des projets générateurs de revenus pour se financer eux-mêmes.
Le trou a créé une situation dans laquelle les ONG ne peuvent plus répondre aux besoins croissants de habitants de la Bande de Gaza. La pénurie a été particulièrement préjudiciable à la suite de la Grande Marche du Retour, qui a conduit à une détérioration supplémentaire des conditions humanitaires.
“Ces dernières années ont constitué de véritables défis pour les ONG en Palestine, particulièrement dans la Bande de Gaza, en raison du retrait du financement international et arabe pour tous les types de projets, soit qu’ils soient des projets de développement ou des projets d’assistance humanitaire. Le déficit financier pour les ONG a atteint 70 %,” a déclaré Al Shawwa des ONGP.
Selon Al Shawwa, les restrictions aux voyages et aux déplacements imposées par l’occupant israélien empêchent les ONG d’établir des relations avec les donateurs. En outre, l’armée israélienne interdit un grand nombre de produits nécessaires aux projets humanitaires dans la Bande.
Les ONG locales ne sont pas les seules à être affectées. Des organisations internationales, particulièrement celles qui dépendent du financement de l’USAID, un organisme du gouvernement des Etats Unis chargé d’administrer l’aide étrangère civile et l’assistance, ont récemment subi un coup dur important.
Des organisations telles que Mercy Corps (Corps de la Pitié), International Medical Corps (Corps Médical International), et les Services du Secours Catholique ont toutes fait face à de graves restrictions à la suite de la décision de l’administration Trump de supprimer le financement de l’USAID aux territoires palestiniens.
Au début de 2018, la Maison Blanche a annoncé qu’elle supprimerait 300 millions de $ de financement à l’UNRWA, l’organisme de l’ONU qui fournit des services à des millions de réfugiés palestiniens à travers la Jordanie, le Liban, la Syrie, la Cisjordanie et Gaza.
“Répondre aux besoins les plus essentiels des gens de Gaza est devenu un véritable défi pour la plupart des ONG,” a déclaré Reem Freina, directeur exécutif d’Aisha, Association de Protection des Femmes et des Enfants. “Le secteur gouvernemental ne peut pas répondre à ces besoins en raison du conflit politique. En conséquence, les ONG de Gaza assument la responsabilité de fournir la plupart des services essentiels qui comprennent la santé, les moyens de subsistance, l’éducation, et le soutien psychosocial.”
Freina a ajouté que le manque de services a entraîné de graves problèmes psychologiques pour les gens de Gaza, avec une augmentation notable des suicides, des crimes et des sans-abri.
“En 2015 Atfaluna (Nos Enfants) a fait face à un manque criant de financement qui a constitué une menace pour la pérennité de nos services pour les enfants et les adultes souffrant de perte auditive,” a déclaré Naim Kabaja, le directeur d’Atfaluna, Association pour les Enfants Sourds. L’organisation a lutté pour le financement depuis 2015, et a dû réduire les salaires de ses employés de plus de 30 % , et n’accepte plus d’élèves venant de l’extérieur de la Ville de Gaza. (information complète : l’auteur travaille à Atfaluna, Association pour les Enfants Sourds.)
“Nous sommes au service d’environ 20.000 personnes affectées de pertes auditives, annuellement. Nous avons dû réduire les salaires des employés et limiter nos prestations de services à Gaza uniquement. Ceci a redoublé les souffrances des personnes en perte auditive, qui souffrent déjà de mauvaises conditions de vie et qui ne peuvent pas payer le coût de leurs besoins particuliers,” a ajouté Kabaja.
Fidaa Shurrab, fonctionnaire, travaille à l’élaboration de projets et à la collecte de fonds et a travaillé avec plusieurs ONG de la Bande de Gaza. Elle est aussi traductrice et auteure indépendante.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers