Le mandat de l’UNRWA est renouvelé tous les trois ans par l’Assemblée générale des Nations unies, qui a affirmé à plusieurs reprises la nécessité du travail de l’Office et réitéré son rôle « essentiel » et « vital » en l’absence de solution pour les réfugiés palestiniens. Aujourd’hui, 5,9 millions de réfugiés bénéficient des services de l’UNRWA.
Ses services essentiels comprennent l’éducation pour plus d’un demi-million de filles et de garçons, et des soins de santé de premier niveau pour plus de deux millions de personnes. Il fournit également des services sociaux aux plus démunis, un accès à des microcrédits et une aide d’urgence, y compris dans les situations de conflit armé, à des millions de réfugiés palestiniens enregistrés dans ses cinq territoires.
Grâce à ces services, l’Office a protégé les droits des réfugiés à l’éducation, la santé et l’emploi et a contribué à certaines des plus belles réussites en matière de développement humain dans la région.
Toutefois, l’UNRWA n’a pas pour mandat de s’engager dans des négociations politiques ou des solutions durables pour les réfugiés de Palestine.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans l’exercice de ces fonctions ?
Marta Lorenzo : L’UNRWA est unique, il offre des services similaires à ceux d’un gouvernement, mais reste financé presque entièrement par des contributions volontaires des États membres des Nations unies. En raison de la multiplication des crises mondiales « concurrentes », de la dynamique géopolitique au Proche-Orient, y compris les conflits récurrents, et de la montée de la pauvreté au sein de la communauté des réfugiés, l’office est confronté à des difficultés croissantes. Le financement de la communauté internationale fait défaut, alors que les besoins et les coûts ont augmenté de manière exponentielle.
Plus de 80 % des réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza vivent sous le seuil de pauvreté et presque tous dépendent de l’aide alimentaire. En Syrie, le récent tremblement de terre ajoute aux difficultés et au désespoir d’une population déjà aux prises avec un grave conflit qui dure depuis 12 ans et ses conséquences. Au Liban, l’effondrement de l’économie a frappé très durement les plus vulnérables, parmi lesquels les réfugiés Palestiniens, dont environ 80 % sont pauvres.
L’Office a atteint les limites de sa capacité à gérer le sous-financement chronique des dix dernières années, conséquence d’une combinaison de facteurs, incluant le contrôle des coûts, des mesures d’austérité et l’accumulation de dettes.
Il a aussi fait l’objet d’un nombre croissant d’attaques féroces et d’une partialité sans précédent. L’une des accusations serait qu’il joue un rôle politique - ce qui ne pourrait être plus éloigné de la vérité ; l’UNRWA ayant pour mandat de fournir une assistance directe et vitale aux réfugiés dans l’attente d’une solution juste et durable, ne s’engage pas dans la politique. Il n’a pas de mandat politique.
De plus, le conflit israélo-palestinien et celui en Syrie créent un environnement instable dans la région avec des implications dramatiques sur le terrain, ce qui rend difficile la mise en place des programmes et le fonctionnement efficace de l’UNRWA.
La combinaison de tous ces facteurs, en particulier l’aggravation de la crise financière, les difficultés opérationnelles et la poursuite des pressions politiques rendent le travail de l’UNRWA de plus en plus difficile.
Quelles sont les principales conséquences des problèmes financiers ?
M. L : Si l’UNRWA implose, les droits humains universels des réfugiés palestiniens à l’éducation, aux soins de santé, à un emploi et un logement décent seront menacés. L’Agence a terminé l’année dernière avec un grave déficit financier. L’UNRWA qui a pu, dans le passé, diminuer ses coûts par la mise en place de mesures de contrôle interne de ses dépenses, a atteint les limites de sa capacité. Sans financement supplémentaire immédiat, l’Office ne sera pas en mesure de poursuivre les activités après septembre, ce qui risque d’entraîner la fermeture de plus de 700 écoles et de 140 centres de santé. Les conséquences sécuritaires et politiques pour le Proche-Orient pourraient être dramatiques.
Les opérations humanitaires de l’UNRWA, sont également sous-financées. Ainsi à Gaza, 1,2 million de personnes dépendent de l’aide alimentaire de l’Office. Plus de 1,5 million parmi les plus pauvres de la région pourraient, d’ici la fin de l’année, cesser de recevoir les aides dont elles dépendent pour survivre.
Qu’attendez-vous de la communauté internationale ? Des Nations unies ?
M. L : Éviter l’implosion de l’UNRWA est un intérêt et une responsabilité collective. L’Office reste irremplaçable, y compris pour son rôle stabilisateur. C’est pourquoi nous demandons à la communauté internationale de continuer à nous soutenir politiquement et financièrement, en s’assurant que l’UNRWA dispose des ressources nécessaires à l’accomplissement de son mandat.
Des pays comme la France et l’Allemagne l’ont compris. Alors que l’Allemagne est notre plus gros contributeur en Europe, la France, quant à elle, augmente ses financements à l’UNRWA de façon régulière, donnant ainsi l’exemple à suivre. La France est aujourd’hui le 6e plus important bailleur de l’Office. L’objectif principal reste que l’UNRWA ne soit plus nécessaire. Mais tout changement dans la situation des réfugiés palestiniens ne peut être initié que par un processus politique. Tant qu’une solution politique n’aura pas été trouvée, l’organisation reste irremplaçable et la communauté internationale devra trouver des moyens de stabiliser son financement à moyen terme. Il faut donc redonner la priorité aux discussions politiques afin de relancer un processus et traiter sérieusement la question israélo-palestinienne.
Concernant Israël, y a-t-il des attentes ?
M. L : L’UNRWA attend d’Israël qu’elle lui permette de mener à bien ses activités sans entraves ni restrictions, en garantissant la fourniture de services essentiels aux réfugiés palestiniens dans la région, tout en notant que la stabilité assurée par l’UNRWA profite également à Israël.
En attendant, quelle stratégie l’UNRWA met-il en place ?
M. L : Au cours des deux dernières années, l’UNRWA a cherché des solutions au-delà du maintien du budget et de la mise en œuvre de mesures d’austérité. Ces efforts comprennent des engagements de financement pluriannuels de la part des bailleurs et l’élargissement de sa base de donateurs, l’exploration de collaborations avec d’autres agences des Nations unies et la recherche de contributions supplémentaires du budget ordinaire des Nations unies pour couvrir une partie des dépenses de gestion.
Néanmoins, il est important de reconnaître qu’aucune de ces options, qu’elles soient considérées individuellement ou collectivement, n’apportera le changement dont l’UNRWA, les réfugiés, les pays d’accueil et la région ont besoin.
À l’approche du 75e anniversaire de l’Office l’année prochaine, il est nécessaire d’engager une réflexion impliquant les donateurs, les pays d’accueil et la communauté des réfugiés de Palestine afin d’explorer les futurs possibles pour un UNRWA durable. À court terme et dans l’intervalle, il convient d’exhorter les États membres et la communauté internationale à redonner la priorité au conflit israélo-palestinien afin de parvenir à une solution juste.
Marta Lorenzo, Directrice,
Bureau de représentation de l’UNRWA pour l’Europe
Traduction MS