La proposition de résolution débattue ce vendredi à l’Assemblée nationale « invite le gouvernement français à reconnaître l’Etat de Palestine ». Une « invitation » sans conséquence sur la position de la France, qui considère toujours que l’Etat de Palestine doit voir le jour à l’issue de négociations entre les deux parties. Cela dit, l’initiative des députés et sénateurs français envoie un signal fort. « L’Europe a abandonné ce dossier aux Etats-Unis pendant 20 ans, explique Qassem Barghouti, le fils du dirigeant palestinien emprisonné Marwan Barghouti, et après ce grand échec de la politique américaine, je pense que l’Europe devrait faire son retour et jouer un rôle important, pour mettre un terme à ce conflit ».
De passage à Paris ces jours-ci, Qassem Barghouti est conscient du fait que les initiatives parlementaires ne modifieront pas la position des dirigeants français : « Je pense que c’est tout de même très important de donner de l’espoir au peuple palestinien, en lui montrant que les Parlements en France et partout en Europe le soutiennent. Parce que dans chaque pays le Parlement représente le peuple… »
Critiques israéliennes
La France n’est effectivement pas le seul pays européen où l’on débat actuellement de la reconnaissance de l’Etat palestinien. Il y a quelques semaines la Suède a formellement reconnu l’Etat palestinien devenant le premier Etat de l’UE à faire ce geste en étant membre de l’Union (sept autres pays ont reconnu la Palestine avant d’adhérer à l’UE). Plus récemment, les Parlements britannique et espagnol se sont symboliquement prononcés en faveur de cette reconnaissance.
Israël a rappelé son ambassadeur à Stockholm lorsque la Suède a reconnu la Palestine. L’Etat hébreu a déjà mis en garde contre le vote au Parlement français. « Est-ce réellement nécessaire en ce moment alors qu’Israël fait l’objet d’une vague de terreur du Hamas ? Alors que le Proche-Orient est en flamme ? », s’interroge l’ambassadeur d’Israël en France Yossi Gal, qui fustige une « initiative mauvaise, irresponsable, à un moment peu propice et dont le message est erroné. Je n’ai pas vu dans ce texte un seul mot sur le massacre des juifs innocents à Jérusalem alors qu’ils étaient en train de prier », poursuit Yossi Gal, en évoquant l’attentat qui a fait quatre morts israéliens semaine dernière dans la synagogue.
Exaspération
Pourquoi ces mouvement en France et ailleurs en Europe vers la reconnaissance de l’Etat de Palestine ? Est-ce l’expression d’une exaspération qui monte, après deux décennies de processus de paix sans résultat, face à la poursuite de la colonisation israélienne et après le conflit à Gaza l’été dernier avec son lourd bilan ? « Quelque chose est en train de changer », constate l’historien Samuel Ghiles-Meilhac, enseignant à Sciences-Po. « Si le vote est positif et si les députés et sénateurs sont nombreux à voter alors un cap sera franchi », analyse ce spécialiste des relations entre Israël et la France, qui rappelle que Paris dispose d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et qu’elle a joué « un rôle historique dans le processus de paix, notamment avec la visite de Yasser Arafat à Paris en 1989, étape-clé de la légitimation de l’OLP ».
« Le mouvement va-t-il s’étendre ? » s’interroge Samuel Ghiles-Meilhac qui rappelle que certains pays européens sont beaucoup plus réservés sur la question : « il me semble impossible que l’Allemagne vote une telle résolution ». Selon un décompte palestinien, 135 pays dans le monde reconnaissent officiellement la Palestine. Depuis 2012, la Palestine est un Etat observateur non-membre de l’ONU, et elle envisage toujours de poursuivre son offensive diplomatique devant les instances internationales, avec un projet de résolution au Conseil de sécurité demandant le retrait d’Israël des Territoires occupés d’ici 2016. Dans ce contexte et en l’absence de relance des négociations israélo-palestiniennes « il y aura à prendre une initiative », a déclaré François Hollande ce jeudi 27 novembre sur RFI-France24-TV5. « A défaut d’une reprise des négociations, il pourrait s’agir d’une conférence », selon le président français.