L’histoire est capable de retournements inattendus mais cohérents. Ainsi en va-t-il de la trêve négociée entre Israël et le Hamas.
Après les « Accords de La Mecque » qui avaient permis la mise en place d’un gouvernement palestinien d’Union nationale à la satisfaction des amis de la paix, aussi bien les autorités israéliennes qu’américaines avaient manifesté leur hostilité à cet accord qui devait, selon eux, être défait dans les meilleurs délais.
Les événements de Gaza – toujours non élucidés quant aux responsabilités exactes des uns et des autres dans l’enchaînement des choses contrairement à ce qui fut annoncé – ont abouti à ce que le président Abou Mazen mette un terme à cette union et cesse toute relations avec le Hamas. Nous avions dit, en son temps, notre consternation devant cette réalité contre-productive pour le peuple palestinien.
En guise d’échange, les USA ont promis avec la réunion d’Annapolis [1], la création fin 2008 d’un Etat palestinien. Laissant les deux parties en tête à tête, malgré le rapport de forces, les négociations entre Israël et l’Autorité non seulement faisaient du surplace mais Israël en profitait pour multiplier la colonisation, les exécutions « extrajudiciaires » qui sèment la mort aveuglément, la poursuite de l’insensé « mur de la honte » annexant la Cisjordanie.
L’autorité de l’Autorité était sapée de fait et la perspective annoncée à Annapolis reculait à mesure que le temps passait. Madame Rice se contentant de froncer les sourcils pour toute réponse tandis que le Président Bush, devant la Knesset, reprenait le terme particulièrement connoté de « peuple élu » légitime sur cette terre et parlait avec insistance d’Israël comme de « l’Etat des juifs ». L’Union européenne se cantonnant dans un laisser -faire absolu tout en organisant une collecte, non versée intégralement d’ailleurs, pour l’Autorité.
Dans le même temps des négociations secrètes avaient lieu entre Israël et le Hamas « terroriste » ainsi qu’avec la Syrie. Et ces discussions-là avançaient puisque aussi bien une « trêve » a été négociée avec le Hamas et une libération de prisonniers se formalisait tandis qu’à la Syrie, un pays classé par les autorités israéliennes dans « l’axe du mal », Israël promettait la restitution de plateau du Golan et la libération des « Fermes de Sebha » [2]. On notera que par ailleurs, au Liban, un accord était trouvé mettant fin (provisoirement) au chaos institutionnel et politique.
Curieux, non ? Pas vraiment. Ainsi aujourd’hui l’Autorité palestinienne n’a rien de positif au plan politique à porter à son crédit. Cela alors que, comme par hasard, les élections présidentielles palestiniennes approchent à grands pas. Et on « apaise » ici tandis que des paroles musclées montent vers l’Iran.
Ainsi le « ennemis irréductibles » d’hier sont-ils devenus de fait les interlocuteurs fréquentables de négociations qui débouchent et les « bons élèves » restent les mains vides sur le quai à n’avoir rien d’autre à faire qu’à regarder passer ce « savant » stratagème.
« Béni soit qui bien mal pense » devient le nouvel adage dans la région.
Nous n’avons certainement pas à nous immiscer dans la politique intérieure palestinienne ni à choisir mais, comme amis, nous ne pouvons pas ne pas signaler ces faits qui ne peuvent manquer de faire réfléchir dans les Territoires mêmes.
Nous avons, par contre, le droit et le devoir de nous inquiéter de l’absence totale de perspective crédible résultant d’Annapolis et de demander, avec force, une toute autre implication internationale, à commencer par l’Union européenne, pour que fin 2008 un Etat palestinien soit effectivement créé mais aussi pour que les négociations soient explicitement fondées sur les résolutions internationales pertinentes.