Conditions de détention difficiles et contraires au droit international
Fin 2018, après avoir manifesté pendant trois mois contre la réactivation de caméras de surveillance dans la cour de la prison, dans les cuisines collectives, les salles de prière et les buanderies, les femmes palestiniennes détenues dans la prison de Hasharon ont toutes été transférées dans la prison de Damon. Une punition collective interdite par la IVe Convention de Genève (article 33), complétant d’autres sanctions subies à Hasharon (coupures d’eau, amendes, confiscations, restrictions de nourriture etc.).
Ces deux prisons sont situées en territoire israélien, en violation du droit humanitaire également (article 76 de la IVe Convention de Genève). Damon, où les 48 femmes se trouvent actuellement (parmi elles 7 blessées, 26 malades et une détenue administrative - emprisonnée sans inculpation ni jugement, pour une durée indéterminée), est une vieille prison datant du mandat britannique. Elle devait être détruite tant son état est détérioré ; les cellules sont humides, sales, causant la présence d’insectes, les salles d’eau se trouvent en extérieur, il n’y a ni bibliothèque ni salle de classe, privant les détenues d’accès à l’éducation ou à la formation.
En outre, les femmes palestiniennes détenues sont classées « prisonnières de sécurité » et sont ainsi enfermées avec des prisonnières israéliennes inculpées de crimes graves. Elles peuvent de ce fait être victimes d’abus physiques et verbaux, d’humiliations de leur part et sont discriminées sur leur temps d’activités récréatives, sur la fréquence des mises à l’isolement, sur l’accès aux médias etc.
Les cellules sont surpeuplées, les visites familiales sont limitées à une fois par mois, lorsque les familles ne se voient pas refusées l’accès à la prison pour « raisons de sécurité ». Quand les détenues tentent de protester, elles reçoivent des punitions collectives telles que des amendes, on leur confisque leurs équipements téléphoniques, on restreint l’argent qu’elles peuvent recevoir pour payer la cantine, on retient leurs courriers etc.
Négligence médicale et violences sexuelles institutionnalisées
Les autorités pénitentiaires israéliennes ne tiennent absolument pas compte de l’attention particulière qui devrait être dispensée aux femmes en prison, en particulier au niveau médical, comme indiqué dans la Déclaration de Vienne sur le crime et la justice de 2000. Une étude d’Addameer de 2008 montrait que 38% des femmes prisonnières souffraient de maladies traitables mais ayant été négligées. Les malades de cancer, d’asthme, de diabètes, de maladies rénales ou ophtalmiques ou d’anémie n’ont peu voire pas accès à une prise en charge médicale et de longs retards sur la prise des médicaments sont fréquents. Les médecins spécialisés sont quasi inexistants dans les prisons.
La mauvaise qualité des aliments et le manque de nutriments essentiels causent des pertes de poids importantes, des faiblesses généralisées... L’humidité, la chaleur et la saleté entraînent des problèmes de peau, des dérèglements menstruels, et les autorités refusent de fournir des produits hygiéniques malgré les demandes des prisonnières.
Les femmes enceintes ne sont pas épargnées par la négligence médicale puisqu’elles ne reçoivent aucune prise en charge pré et post natale (ou très limitée), mettant en danger la santé de la mère et de l’enfant et en violation de l’article 12 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Addameer a documenté quatre cas de femmes ayant accouché en détention, elles ont été menottés aux pieds et aux mains tout le temps sauf pendant le travail.
Les violences sexuelles sont largement utilisées pour intimider, humilier les femmes détenues et obtenir des confessions. Elles ont souvent lieu pendant les transferts et les interrogatoires. Si ce sont des femmes soldats qui accompagnent les détenues, cela ne les prémunit pas contre les violences. Selon une étude de Breaking the Silence, les femmes dans l’armée feraient davantage usage de la violence pour gagner la reconnaissance et le respect de leurs collègues et supérieurs masculins.
Au-delà des coups, insultes à caractère sexuel dégradantes, harcèlement et menaces de viols (d’elles-mêmes ou de membres de leur famille), les fouilles corporelles sont une pratique systématique. Les femmes sont forcées de se déshabiller, parfois entièrement, et de se placer dans des positions inconfortables. Elles subissent parfois des fouilles corporelles poussées et invasives, et celles qui refusent sont placées à l’isolement. Les fouilles peuvent avoir lieu en pleine nuit pour punir la détenue pour une quelconque raison. Ces pratiques peuvent être équivalentes à de la torture dans certaines circonstances. Elles sont contraires à la Convention contre la torture, au Pacte International relatif aux Droits Civil et Politiques (PIDCP article 7) et à la IVe Convention de Genève (article 3 (1)).
Selon Addameer, ces pratiques découlent d’une violence raciste et basée sur le genre institutionnalisée par les autorités israéliennes qui jouent délibérément sur les peurs des femmes et les normes patriarcales existantes en Palestine. Peu de femmes témoignent face aux tabous sociétaux, en particulier celles qui ont été victimes de viol.
Manque de procès équitable et sentences abusives
Comme leurs homologues masculins, les femmes palestiniennes détenues n’ont pas de garanties de procès équitable (voir la campagne de la Plateforme « Palestine : la case prison » pour en savoir plus). En outre, le fait d’être détenues en territoire israélien peut les empêcher d’avoir accès à leurs avocats palestiniens.
Elles sont souvent condamnées à des peines disproportionnées (amendes exorbitantes ou peines de prison très longues, parfois sur la base de seules suspicions), visant à les dissuader de s’engager dans des activités de résistance.
En savoir plus : http://www.addameer.org/