Je rentre. Je rentre à la maison. J’ai fini les 6 mois de mission à Naplouse. Je rentre. Je vais retrouver mes amis, impatients mais beaucoup moins que moi. Je rentre, je vais retrouver ma ville, le ciné, les rues, la campagne
électorale en cours, les « affaires « françaises et toutes ces occupations nationales.... Je rentre.... Mais juste pour un mois.....
J’y retourne....j’y retourne encore 3 mois.... J’ai pas fini, j’ai pas tout compris, j’ai pas clos...j’ai juste ouvert des portes, suis pas encore complètement rentrée dedans...faut que j’y retourne....
C’est mon dernier week end à jérusalem. Un de mes collègues
palestinien est venu avec moi. Resto avec tout le monde. La maison est souvent pleine. Des collègues, des amis, de Palestine, de Jordanie, de France, d’Egypte, d’Espagne, de Grèce et d’ailleurs. Repas palestinien dans un des trop peu nombreux restos palestiniens de Jérusalem est.
Comme d’habitude, mélange de toutes nos langues, et essai joyeux d’arabe naplousi, de Jérusalem et d’ailleurs... mon équipe s’amuse à m’apprendre des mots typiques naplousi avec un accent plus que « profond ».
Après le repas, il nous arrive souvent d’aller prendre un pot dans une boite à l’ouest, réputée pour son ouverture. S’y croisent des Israéliens « de gauche », des refuzniks, des étrangers et des Arabes israéliens. On y danse, on y drague, on y refait le monde tous ensemble....
Ce soir..... pas possible pour notre collègue de Naplouse ; il a une « permission » pour venir à Jérusalem,avec « sortie en ville » autorisée jusque 19H,pas plus tard.. On a beaucoup pensé, lui et moi, à notre collègue de Naplouse, interdit de sortir de Naplouse, parce moins de 30 ans, pas marié, donc...terroriste potentiel. J’ai parlé avec lui sur
le net, il a appelé son collègue. Il pose plein de questions sur ce week end..
Un week end précédant, un autre collègue, du camp de Balata est venu. Il m’a dit : "Catherine, cette différence, ce monde ici, comment c’est possible ! Je sens qu’ils me regardent tous, je me sens mal, je ne veux plus venir là... »
Je rentre....Mais je reviens à Naplouse. Naplouse de plus en plus secouée. Naplouse de plus en plus inquiète et inquiétée. Pas une nuit où n’éclatent explosions, shootings (tirs). Il y a 6 mois, les shootings et les incursions
ne commençaient qu’une fois la nuit bien installée, vers 1h du matin.
Maintenant, dès 18 h, ça commence. Ça tire, ces tirs qui résonnent contre les flancs de la montagne, qui claquent sèchement. Proches, très proches. C’est souvent le camp Ein Beit Al Ma juste à côté de la maison qui est visé maintenant. Et puis les bruits des véhicules militaires, les rafales de mitraillette. Parfois les sirènes des
ambulances.....
Une nuit, réveillée par une explosion et les tirs qui
l’accompagnaient, j’ai entendu le haut parleur. Glacée par les paroles que j’entendais : « go out,quiettly » et puis les tirs et encore l’horrible bruit du bulldozer et des maisons détruites.... Même les chiens se taisaient...et puis des tirs,encore des tirs.... Le lendemain la mosquée annonçait la mort de 2 martyrs, tués dans la nuit.
Naplouse a enterré ses 2 jeunes, sous les tirs en l’air de leurs compagnons
Toutes les nuits l’armée entre, détruit, blesse, tue. Toutes les nuits des bombes explosent sous les jeeps militaires. Toutes les nuits les résistants résistent.
Avec l’énergie du désespoir.....