Par B. Michael - Yedioth Aharonoth
"Deux enfants morts par jour cela représente plus ou moins quatre parents endeuillés par jour. Pourquoi plus ou moins ? Parce que certains d’entre eux étaient frères. Alors, deux enfants morts pour un couple de parents en deuil. C’est peut être mieux, parce que ces parents sont de toutes façons en deuil, alors ils sont deux fois en deuil et ainsi d’autres parents évitent de l’être. Mais ce n’est peut être pas si bien, parce que c’est pire d’être en deuil que d’être mort et être en deuil deux fois est deux fois pire que d’être mort. Alors je ne sais vraiment pas comment trancher.
J’ai tué tous ces enfants dans la Bande de Gaza et je les ai tous tués par erreur. C’est-à-dire, je savais qu’il y avait des enfants à cet endroit et je savais que j’allais en tuer certains, mais comme je savais que cela serait une erreur alors je ne me sentais pas tellement stressé.
Car tout le monde fait des erreurs. Seul celui qui ne fait rien ne fait pas d’erreurs. Des erreurs arrivent, nous sommes tous des êtres humains. C’est cela qui me console de mes erreurs, elles me font sentir tellement humain et faillible, n’est ce pas ?
J’ai tué ces trente enfants en faisant toutes sortes d’erreurs. Chaque enfant est une erreur particulière. Il y en avait un que je pensais, par méprise, ne pas être un enfant.
Et il en avait un que j’ai atteint parce qu’il insistait et se tenait exactement à l’endroit sur lequel je voulais tirer. Et il y en avait un qui lançait des pierres et n’apparaissait pas du tout avoir six ans. Et il y en avait un qui, vu d’en haut, semblait être un terroriste recherché. Ou comme une roquette Qassam. Ou comme un terroriste tenant une roquette Qassam. Et il y avait certains enfants qui, par erreur, ont reçu à la tête des fragments de l’obus que j’avais tiré sur leur maison. Et il y en avait une qui, par erreur, s’était cachée sous le lit au moment même ou j’ai fait sauter le lit afin d’expulser l’escouade de terroristes qui s’étaient cachés là. Mais cela ne compte pas, c’était son erreur et non pas la mienne.
Je me souviens que ma première erreur a été la plus dure. J’ai tiré et tiré et tiré, puis ils m’ont dit que j’avais tué un enfant. J’ai pâli, j’avais la bouche sèche et mes genoux tremblaient et cette nuit là, je n’ai pas bien dormi. Mais avec le temps et les erreurs suivantes, c’est devenu beaucoup plus facile. Maintenant je fais des erreurs presque sans ressentir d’effets secondaires. Cela m’a beaucoup aidé que mes amis, mon environnement, que tout le monde n’ait pas fait beaucoup d’histoires au sujet de chacune de mes petites erreurs.
Ici, la semaine dernière, quand j’ai tué par erreur une fille, j’ai tiré deux autres erreurs dans sa tête, simplement pour être sûr que je faisais une erreur. Puis le reste de mon chargeur, plein d’erreurs. A une certaine époque, je n’aurais pas pu faire cela.
C’est vrai, certaines personnes me disent que je fais une erreur en confessant cela. Elles me disent que je n’ai jamais été à Gaza et que je n’ai ni tiré de balles, ni lancé de bombe et que je n’ai ni pilonné, ni été un sniper. C’est vrai, je ne l’ai pas fait. Mais qui a payé pour les balles ? Moi, et qui a acheté le fusil ? Et financé la roquette ? Et le missile ? Moi. Moi. Moi. Et moi aussi.
Et qui ne pâlit plus à chaque erreur ? A qui la bouche qui ne devient plus sèche quand un enfant est mis sous terre. A qui les genoux qui ne faiblissent plus quand un autre bébé sans nom est couché, mort, dans son berceau sanglant ? Qui continue à dormir profondément, même quand le nombre d’erreurs atteint le chiffre de trente en deux semaines ? Moi. Moi aussi. Alors, ne me dites pas que je n’ai pas tué."