Monique Allègre
6, rue Horace Bertin
13005 Marseille
à
Monsieur l’Ambassadeur d’Israël
3, rue Rabelais
75008 Paris
Monsieur l’Ambassadeur,
De retour d’une mission humanitaire en Palestine constamment empêchée par les autorités israéliennes, de réaliser son projet, j’ai l’honneur d’attirer votre attention sur le traitement que nous avons subi de la part des instances de votre pays :
Le 12 Mai, une mission de huit personnes, toutes de nationalité française, six appartenant à l’ONG Palestine 33 et deux à l’ONG Palestine 13, est partie pour Tel Aviv avec pour objectif atteindre Gaza où Palestine 33 travaille depuis dix huit ans avec l’ONG palestinienne PARC.
Cette année, il s’agissait essentiellement d’assurer la mise en place et le suivi du troisième volet de l’"opération sourire" qui a été une réussite les années précédentes.
( Cette action consiste en un travail de gestion de la violence et du stress de jeunes enfants par le biais
d’activités de groupes et par l’éducation des mères pour qu’elles assistent mieux leurs enfants ).
Arrivés le 13 Mai au petit matin à l’aéroport de Tel Aviv, sept d’entre nous ont obtenu un visa de trois mois, la huitième personne, Mlle K, a été retenue par la police sans explication. La responsable du groupe, Mme M, qui avait son visa, est revenue en arrière pour tenter de servir d’interprète.
A cet instant, tout a basculé sans que nous ayons compris pourquoi :
– Confiscation du passeport de Mlle K,
– Annulation du visa de Mme M et confiscation de son passeport
– Interrogatoire sans boire (sauf un café) ni manger pendant quinze heures
– Refus du fonctionnaire de police de répondre à un appel téléphonique de Monsieur le Consul de France
– Photocopie de tous les documents en possession de Mme M
– Rétention une journée et une nuit entières à l’aéroport et raccompagnement le lendemain matin jusqu’à Madrid, sous escorte.
Lors de notre séjour en Israël et Palestine, l’accès à Gaza nous a été refusé, après cinq heures d’attente, et ce malgré une coordination du Consul de France pour une personne et une journée. Nous n’avons donc pas pu remplir notre mission.
A notre retour le 27 mai, d’abord nous avons suivi le processus normal : fouille minutieuse de tous nos bagages, enregistrement de ceux de soute puis leur embarquement.
Mais au contrôle des passeports, ceux-ci nous ont été pris et ont été photocopiés. Nous avons subi une fouille au corps suivie d’une nouvelle fouille de nos bagages de cabine et enfin nous avons été accompagnés jusqu’à l’avion.
En outre nos bagages de soute ont été ramenés à terre pour une nouvelle fouille. Nous avons été informés qu’ils ne partiraient que plus tard.
L’aéroport de Marseille a été avisé que mon bagage arriverait le 28, la raison invoquée étant "poids et volume" Or mon sac pesait huit kilos et son volume est inférieur à soixante litres (30x30x60) ....
J’ai reçu mon sac le 28 au soir, le cadenas en avait disparu, il contenait en plus une bouteille d’Arak mal fermée et à demi vide ne m’appartenant pas, et dont le liquide a coulé sur mes vêtements !
Toutes ces tracasseries et humiliations demeurent pour moi incompréhensibles. En effet :
Israël déclare ne pas entraver les missions humanitaires, pourtant nous avons violemment été empêchés de réaliser la nôtre.
L "opération sourire" est une contribution au désamorçage de la violence, alors de la part d’un pays qui aspire à la paix, toutes les initiatives, si modestes soient-elles, qui oeuvrent dans cette direction devraient être encouragées et non contrariées, me semble-t-il !
Israël étant une démocratie, comment peut-il traiter comme de dangereux criminels des gens qui n’ont donné aucun signe d’agressivité et n’ont rien caché de leurs intentions ?
Comment peut-il les incarcérer et les expulser sans même leur en donner la raison ?
Enfin, Monsieur l’Ambassadeur, je souhaite vous faire observer que si, à son arrivée dans un aéroport français, un citoyen israélien était traité, sans raison, comme nous l’avons été, les médias ne manqueraient pas de dénoncer aussitôt un acte d’antisémitisme.
Le respect que l’on doit à un être humain auquel on n’a rien à reprocher est le même quelle que soit son origine. Force m’est de constater que cela ne semble pas être la règle dans la démocratie israélienne, où une modeste mission humanitaire, si pacifique soit elle, est actuellement considérée comme persona non grata..
Comment construire la paix sur de telles bases ?
Veuillez croire Monsieur l’Ambassadeur à mon attachement à la justice et à la paix.
Marseille le 31 Mai 2006
Copies de cette lettre transmises à différentes instances (officielles, médias, ONG )