Dès son entrée en fonction en juin 2021, le gouvernement hétéroclite mené par le nationaliste religieux Naftali Bennett affolait les paris sur la durée de sa survie. Son alliance avec le libéral Yaïr Lapid (17 députés), les dissidents de Netanyahou au sein du Likoud (6 députés), la gauche sioniste et les islamo-conservateurs (4 députés) ressemblait davantage à du bricolage qu’à une construction politique sereine. Seul le fait d’empêcher l’ancien Premier ministre de garder les clés du pouvoir les réunissait.
Arrivé en tête des élections, Netanyahou cumulait un million de voix (30 députés), soit près de deux fois plus que son premier rival. Dès lors, chaque vote à la Knesset était l’occasion pour le Likoud et ses alliés de pointer les contradictions du gouvernement, et de le renverser. C’est désormais chose faite.
À gauche, rien d’enthousiasmant
Comme à l’accoutumée, les premiers jours de la campagne électorale ont vu se multiplier les tractations pour d’éventuelles alliances afin d’augmenter ses chances de franchir le seuil électoral fixé à 3,25 %. À gauche, rien de tout ça. Les Travaillistes (7 députés) feront cavalier seul, misant tout sur leur leader Merav
Michaeli, tandis que le Meretz (6 députés) a revu sa copie. Son ancien leader, Nitzan Horowitz, compromis à un poste ministériel d’un gouvernement responsable de la mort de 120 Palestiniens depuis le 1er janvier 2022, est désormais septième sur la liste du parti et risque de ne plus siéger à la Knesset. Les militants du parti censé incarner le camp de la paix (Meretz), misent désormais sur Zehava Gal-On, qui avait déjà dirigé le parti entre 2012 et 2018. Membre de B’tselem, Gal-On dit vouloir renouveler l’alliance entre « Arabes et Juifs », et l’engagement de son parti contre l’occupation.
L’historique union des partis non sionistes et arabes n’est plus. La liste unifiée avait déjà souffert, lors du dernier scrutin, du départ des islamo-conservateurs, passant de quinze à six députés. Le prochain scrutin verra une nouvelle scission, avec d’un côté les communistes d’Hadash menés par Ayman Odeh, alliés au parti Ta’al dirigé par Ahmed Tibi. De l’autre, les nationalistes arabes de Balad mèneront leur propre liste. Si les raisons de cette division restent troubles, chacun se renvoyant la responsabilité à coups de tweets et posts Facebook, il semble que la volonté assumée d’Odeh de prendre part à un gouvernement dirigé par Lapid ait pu compliquer les négociations, tout autant que l’ordre des candidats sur la liste commune.
Qui pour barrer la route à Netanyahou ?
Parmi les opposants au leader du Likoud, Lapid continue de progresser en s’appuyant sur un électorat jeune, urbain et européen. Derrière lui, l’actuel ministre de la Défense et ex-chef d’état-major, Benny Gantz, espère jouer les trouble-fêtes en affichant le ralliement d’anciens hauts officiers, notamment un autre chef d’état-major Gadi Eizenkot. Si les sondages donnent le Likoud en tête, rien n’assure à Netanyahou une majorité de députés. N’ayant plus de soutien au centre de l’échiquier électoral, contesté à droite, toujours empêtré dans ses affaires politico-judiciaires, il pousse les organisations d’extrême droite à passer des alliances afin d’entrer à la Knesset. Ainsi, la coalition entre les leaders des colons fanatiques, Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, ne cesse de progresser dans les sondages, créditée de plus de dix députés ! Netanyahou pourra également s’assurer du soutien des deux grands partis ultra-orthodoxes, les orientaux du Shas (9 députés), et les ashkénazes de Judaïsme unifié de la Torah (7 députés).
Les Palestiniens comme premières victimes
Une campagne électorale en Israël n’annonce généralement rien de bon pour les Palestiniens. Pour tenter de renforcer leurs dimensions sécuritaires, Lapid et Gantz ont orchestré les bombardements de cet été sur la bande de Gaza, se félicitant de l’élimination de dirigeants du Jihad islamique palestinien, quitte à décimer des familles. Sans oublier la multiplication des opérations en Cisjordanie, notamment autour de Jénine. C’est dans ce contexte que la journaliste Shireen Abu Akleh a été tuée par un sniper israélien.
Les premiers rivaux de Netanyahou n’ont pas plus de volonté que lui de voir l’établissement d’un État palestinien. À leur manière, ils ont maintenu le régime d’apartheid avant, peut-être, de laisser leur place à un gouvernement qui compterait dans ses rangs les représentants des colons coupables de 180 attaques contre des civils palestiniens depuis le 1er janvier.
Thomas Vescovi [1]