L’ambassadrice d’Israël en France, Mme Aliza Bin Noun, a exigé purement et simplement l’annulation de la diffusion par France Télévisions d’un documentaire Gaza, une jeunesse estropiée montrant les tirs assassins des soldats de Tsahal visant notamment de jeunes manifestants à Gaza qui réclament leur droit au retour.
Dans une lettre adressée le 10 octobre à Mme Delphine Ernotte, PDG de FTV, l’ambassadrice somme « d’annuler la diffusion ce reportage » en raison selon l’ambassade « de nombreuses sollicitations inquiètes des responsables de la communauté juive française ».
La diffusion du documentaire jeudi sur les antennes de France 2 dans le cadre de l’émission Envoyé spécial a constitué une fin de non-recevoir au diktat intolérable de la mission diplomatique israélienne qui agit au mépris de la liberté d’expression pour nier une seule vérité : celle des tirs de son armée contre les manifestants qui survivent dans la prison à ciel ouvert qu’est devenu Gaza du fait du blocus du gouvernement Netanhyaou.
Mme l’ambassadrice, vous oubliez dans votre lettre de rappeler les chiffres de la répression contre les manifestants : 200 morts et plus de 5000 blessés, au nombre desquels plusieurs journalistes, qui malgré leur signe distinctif, sont visés intentionnellement par les balles israéliennes.
D’ailleurs, la lettre omet de mentionner que les auteurs du documentaire ont donné la parole aux deux parties : les portraits de jeunes gazaouites comme Alaa, 21 ans, amputé d’une jambe suite à un tir israélien, mais aussi l’interview d’un porte-parole militaire israélien.
Ce militaire défend la thèse habituelle : les manifestants sont « des terroristes », malgré les images montrant au soldat les tirs contre des enfants, des adolescents, des Palestiniens désarmés....
Pour les syndicats français de journalistes (SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes, membres de la Fédération internationale des journalistes, première organisation mondiale de défense des journalistes avec 600.000 membres), cette volonté d’imposer la censure contre un média en France est une ingérence grossière inadmissible d’autant qu’elle est contraire à la liberté d’expression et au pluralisme d’opinions contenus dans la Charte du Conseil de l’Europe.
L’ambassadrice devrait en revanche exiger de son gouvernement qu’il respecte les droits des journalistes palestiniens à circuler librement et à pouvoir faire leur métier au lieu d’être victimes de la répression des services de sécurité : en témoignent les arrestations, les détentions, les bris de matériels. Mais aussi nos collègues tués ou blessés à Gaza dans la couverture des manifestations.
La liberté de la presse est un droit universel.
Le 12/10/2018