Du côté de « Machsom Watch », on explique : « Il n’y a pas que le nombre : il y a surtout le comportement à l’égard des Palestiniens qui font l’objet d’humiliations ».
Tous les quelques mois, le gouvernement et l’armée israélienne signalent une « série d’allègements pour les Palestiniens ». Ces allègements sont censés rendre la vie des Palestiniens, si du moins il faut en croire les titres des médias israéliens, parfaitement supportable. En réalité, les faits et les chiffres montrent que non seulement il n’y a pas d’allègements, mais que les Palestiniens sont contraints de faire face à une augmentation significative du nombre de barrages, de points de contrôle, de barrages surprises et à un durcissement des procédures d’obtention de laissez-passer.
Selon les chiffres du Bureau chargé des affaires humanitaires des Nations Unies à Jérusalem, il apparaît que l’année passée a vu une augmentation de 40% du nombre des barrages en Cisjordanie. Au total, et sur l’ensemble de la Cisjordanie, sont établis 528 barrages et systèmes de bouclage. Et cela, parallèlement à un durcissement de la politique d’octroi des permis de passage.
Il ressort aussi des chiffres de l’organisation, que les Palestiniens sont confrontés non seulement à des barrages permanents mais aussi à des barrages surprises, que les Palestiniens appellent « barrages volants », dont le nombre peut atteindre 155 en une semaine, dans les territoires de Cisjordanie.
Naomi Lalo et ses amies de l’organisation « Machsom Watch » ne sont nullement surprises par ces chiffres. Naomi Lalo raconte que pour se rendre de Naplouse à Hébron, un Palestinien doit passer par neuf barrages permanents auxquels s’ajoutent encore plusieurs barrages surprises. Si bien que le trajet normal de Naplouse à Hébron d’une durée approximative d’une heure et demie, se transforme en un cauchemar d’une journée au moins.
Naomi Lalo n’est pas seulement préoccupée par le nombre des barrages mais aussi par le comportement des soldats qui les contrôlent. Ses amies et elle reçoivent quasiment chaque jour des plaintes de Palestiniens retenus pendant de longues heures aux barrages, et elles observent que ce mois-ci également, malgré le Ramadan, on ne voit aucun allègement pour la population palestinienne. « Au contraire même », dit Naomi Lalo, « un grand nombre de témoignages nous sont parvenus, de gens qui ont été forcés de rompre le jeûne en mangeant un sandwich au barrage ».
Selon elle, outre le nombre élevé de barrages, « les Palestiniens sont contraints de passer de nouveau par tout un apprentissage que les soldats ont décidé de leur dispenser. Ainsi, celui qui pleure et crie après une attente de plusieurs heures est puni, et on l’oblige parfois à retourner au bout de la file ».
Naomi Lalo raconte qu’une fois parvenus en tête de file, les Palestiniens sont obligés de passer par un contrôle prolongé : « Des soldats, et parfois des soldates, contrôlent les Palestiniens. Ils leur demandent d’ôter leur ceinture, leur chemise, de retrousser les manches, d’enlever leurs chaussures. Tout ça prend beaucoup de temps, un temps qui s’ajoute aux heures d’attente qu’il aura fallu pour arriver en tête de file ». Selon elle, même s’il y a 50 ou 500 personnes à un barrage déterminé, l’armée ne prend pas la peine d’ajouter des postes de contrôle pour alléger l’attente.
D’après le Bureau chargé des affaires humanitaires, les localités palestiniennes de la Vallée du Jourdain continuent de souffrir d’un grave isolement et d’être coupées de leur environnement. Les jeunes habitants de Naplouse, âgés de 16 à 32 ans, ne peuvent pas du tout sortir de la ville, ce qui les contraint à tenter de passer par des chemins détournés. S’ils se font prendre, ils subissent diverses sanctions comme la confiscation de leur carte d’identité, ou on les retient pour enquête, et parfois même on les place en détention.
Abou Akram, un chauffeur de taxi de la région de Naplouse, explique qu’une attente de cinq heures à un barrage n’est pas exceptionnelle. « Cela dépend essentiellement de l’humeur des soldats. Parfois vous les voyez s’amuser tout en barrant le passage en disant que le barrage est fermé. Et vous avez l’impression qu’ils le font simplement pour exaspérer les gens. Ces barrages sont la source de tout le mal. Ils sont le condensé de l’occupation. On y trouve l’humiliation et le contrôle exercé sur notre vie. »
Le précédent rapport publié par le Bureau déclarait que de moins en moins de Palestiniens recevaient de permis d’entrer en Israël. Selon ce rapport, les barrages isolent et coupent les unes des autres des communautés et des localités palestiniennes. « Les limitations imposées aux déplacements sur le territoire de la Cisjordanie constituent la principale raison du grave déclin économique qui frappe les Palestiniens », déclare le rapport.
Par exemple, écrivent les auteurs du rapport, depuis décembre 2005, les habitants de Jénine ne peuvent pas se déplacer au sud de la ville de Naplouse. Les barrages, toujours d’après ce rapport, portent atteinte aux liens familiaux, rendent difficile la mise sur le marché des marchandises et mettent à mal la possibilité, pour les propriétaires, de travailler leurs terres.
Le porte-parole de l’armée israélienne a communiqué en réponse que « durant la dernière période, il est apparu une augmentation significative du nombre de tentatives de porter atteinte aux forces de l’armée israélienne et à des civils israéliens à l’arrière. »
« Les différents points de passage et de contrôle placés dans les territoires de Judée et de Samarie ont pour fonction de contrôler, d’examiner et de diriger les déplacements des Palestiniens, et ceci dans le but de déjouer les tentatives des organisations terroristes qui exploitent la population palestinienne, agissent au milieu d’elle et sous son couvert et utilisent cyniquement des vieillards, des femmes et des enfants, afin de porter atteinte à des citoyens de l’Etat d’Israël. L’armée israélienne fait tout ce qui est en son pouvoir afin de préserver un cadre de vie normal pour les Palestiniens, sans atteinte à leur dignité. Néanmoins, l’armée israélienne opère jour et nuit dans le but de contrecarrer l’activité de l’infrastructure terroriste et de protéger les citoyens de l’Etat d’Israël. »
Efrat Weiss a contribué à la préparation de cet article.