Photo : Manifestation pour dénoncer le régime d’apartheid israélien
Le Parlement israélien a été accusé d’avoir adopté un texte législatif « raciste » qui empêcherait les citoyens palestiniens d’Israël de vivre dans près de la moitié des petits villages et villes du pays.
La loi sur les « comités d’admission » adoptée mardi renforcerait une législation controversée de 2011 qui permet à ces mêmes comités - composés de membres de la communauté locale - de sélectionner les candidats aux logements et aux parcelles de terre dans des centaines de « villes communautaires » juives israéliennes construites sur des terres appartenant à l’État.
Les défenseurs des droits humains ont souligné que cette mesure avait pour objectif de donner aux petites communautés juives le pouvoir d’empêcher les Palestiniens d’acheter ou de louer des logements. Israël compte près de deux millions de citoyens palestiniens, qui représenteraient 20 % de la population du pays.
La loi n’autorise pas officiellement les comités à rejeter les candidats à la résidence pour des raisons de race, de religion, de sexe, de nationalité, de handicap, de classe sociale, d’âge, de filiation, d’orientation sexuelle, de pays d’origine, d’opinions ou d’appartenance à un parti politique.
Toutefois, le libellé de la loi de 2011 permet aux comités de rejeter les candidats qu’ils jugent « inadaptés au tissu social et culturel » de la communauté.
« Dans la pratique, ce pouvoir a conduit à l’exclusion des citoyens palestiniens d’Israël de ces communautés, qui sont construites sur des terres contrôlées par l’État », a déclaré dans un communiqué Adalah, le centre juridique pour les droits des minorités arabes en Israël, après l’adoption de la loi.
Hassan Jabareen, fondateur d’Adalah, s’inquiète de cette dernière loi sur les comités d’admission et des projets de réforme judiciaire d’Israël, qui devraient permettre à la Cour de subir des ingérences politiques.
« Nous sommes maintenant dans une situation très critique », a déclaré M. Jabareen à Middle East Eye, ajoutant qu’il existe désormais un « climat dans lequel les Arabes peuvent être facilement discriminés ».
Apartheid en Israël
En 2012, l’association Adalah a attaqué le gouvernement israélien en justice, arguant que la loi sur les comités d’admission était un texte législatif raciste qui visait principalement les Palestiniens.
Quatre membres de la Cour suprême d’Israël lui ont donné raison, tandis que cinq autres ont estimé qu’il était trop tôt pour se prononcer sur la question.
Le Parlement israélien ayant élargi le nombre de villes pouvant sélectionner les habitants de leur communauté, « nous parlons de près de la moitié des villes du pays » qui sont potentiellement interdites aux Palestiniens, a déclaré M. Jabareen.
Jusqu’à présent, la loi, qui ne s’appliquait qu’à la Galilée, dans le nord d’Israël, et au Néguev (Naqab), dans le sud du pays, permettait aux communautés juives comptant jusqu’à 400 foyers de mettre en place des comités d’admission et de sélectionner les personnes pouvant vivre dans ces communautés.
La nouvelle version du texte porte cette limite à 700 ménages et, après cinq ans, le ministre de l’économie et de l’industrie pourra augmenter le nombre de comités d’admission dans les villes de plus de 700 ménages.
Le texte élargit également les zones d’application de la loi au-delà de la Galilée et du Néguev, aux zones désignées comme ayant une priorité nationale en matière de logement.
Selon M. Jabareen, « la zone située au nord de Haïfa et jusqu’à la Galilée, qui couvre 241 villes, soit 80 % des villes du nord », pourrait désormais être refusée aux Palestiniens.
Dans le sud du pays, plus précisément dans la région du Néguev, 89 % des villes pourraient également être considérées comme interdites aux Palestiniens.
Compte tenu de la forte concentration de Palestiniens dans le nord et le sud du pays, il est difficile de ne pas conclure que la loi est soigneusement conçue pour favoriser la suprématie démographique juive.
« Nous parlons clairement d’un pays qui a décidé d’être un État d’apartheid à l’intérieur de la ligne verte », a déclaré M. Jabareen, en référence aux frontières d’Israël d’avant 1967. « Une grande partie de ce pays ne sera pas autorisée aux citoyens arabes. »
« Ce qui est étrange, c’est que cette loi a été adoptée hier sans susciter l’attention des médias ou de l’opinion publique [en Israël]. Il est de plus en plus facile de porter atteinte aux droits des Arabes », a ajouté M. Jabareen.
« Les Palestiniens ont le droit de construire des maisons »
En dehors des politiciens représentant les deux partis arabes au Parlement, seuls deux parlementaires travaillistes de l’opposition ont voté contre la législation, tous les autres ayant voté pour.
Ahmad Tibi, un membre palestinien du parlement israélien ayant voté contre la loi, a déclaré à Middle East Eye que les communautés juives continuaient à bénéficier d’un traitement préférentiel en matière de logement et d’attribution de terres, mais qu’aucun nouveau village arabe n’avait jamais été créé en Galilée, ni d’ailleurs dans aucune autre partie d’Israël.
« La planification immobilière en Israël est sioniste et idéologique, et par conséquent elle aliène la population arabe et lui est hostile », a déclaré M. Tibi.
Au fil des années, Israël a utilisé un certain nombre de dispositifs différents pour empêcher les Palestiniens d’étendre leurs communautés, selon M. Tibi.
La loi Kaminitz a été adoptée en 2017. Elle impose des sanctions strictes pour les travaux de construction jugés illégaux, mais les militants considèrent qu’elle pénalise les Palestiniens du pays, qui obtiennent rarement l’autorisation d’agrandir leurs maisons.
« Les villes arabes ont le droit de planifier leur avenir », a déclaré M. Tibi. « Il y a une pénurie de terres pour les jeunes couples et les terrains ne leur sont pas accessibles. »
« Certains jeunes Arabes vont dans d’autres villes, des villes mixtes ou des villes juives israéliennes, mais cette loi des comités d’admission les empêche d’entrer dans des centaines de villes et de villages avec une priorité nationale », a-t-il ajouté.
« Je crains que cette interdiction ne soit encore étendue aux villes mixtes et qu’il y ait des quartiers juifs qui interdisent leur accès aux Arabes. »
Traduit par : AFPS