Jérusalem, correspondant.
La concomitance des deux évènements ne doit rien au hasard : le tir de deux roquettes, mercredi 17 avril, par un groupe salafiste opérant à partir du Sinaï égyptien sur la ville israélienne d’Eilat, s’est produit le jour où les Palestiniens manifestaient leur solidarité envers les quelque 4 700 prisonniers palestiniens actuellement détenus en Israël. Le Conseil de la Choura des Moudjahiddine a justifié son action en expliquant qu’il s’agissait d’une "première riposte à la poursuite de la souffrance des prisonniers palestiniens dans les prisons des juifs".
Cette attaque, qui n’a provoqué ni blessés ni dégâts, est la septième sur Eilat — un important centre touristique—, depuis 2010. L’aviation israélienne n’avait pas répliqué, jeudi matin, mais elle l’a fait dans le passé en bombardant des installations, à Gaza, de ce groupe salafiste réputé idéologiquement proche d’Al-Qaida. L’Etat juif se trouve partiellement démuni face aux tirs opérés à partir du Sinaï, puisqu’il est inenvisageable que son aviation puisse mener des actions de représailles en territoire égyptien.
En Israël [1] , la journée des prisonniers s’est déroulée sans heurts majeurs, avec des manifestations de solidarité dans plusieurs villes, en particulier à Ramallah et Naplouse, alors que 3 000 prisonniers ont refusé de s’alimenter. La situation est-elle "potentiellement explosive", comme l’écrit dans une lettre adressée à l’Union européenne Saëb Erakat, principal négociateur de l’Autorité palestinienne, et la mort du prisonnier Samer Issawi entraînerait-t-elle "inévitablement, une grave éruption de violence" dans les territoires palestiniens occupés ?
Si Israël prend au sérieux de tels avertissements, ses dirigeants constatent que les Palestiniens ont recours à ce type de menace voilée à chaque grève de la faim de prisonniers palestiniens, et il est vrai que l’on ne compte plus les avis des Cassandre annonçant une flambée de violence en Cisjordanie. Ce fut le cas en février dernier, lorsque Khader Adnan, porte-parole du Djihad islamique, avait repris une grève de la faim pour soutenir celle de quatre autres prisonniers, dont Samer Issawi.
Forte campagne de mobilisation
La situation de ce dernier est cependant grave : il poursuit un jeûne intermittent depuis quelque 250 jours (il absorbe de l’eau et des vitamines), et son état de santé est jugé critique. S’il devait mourir, a insisté M. Erakat, la communauté internationale en porterait partiellement la responsabilité, pour ne pas exercer de pressions sur le gouvernement du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. En réalité, Israéliens et Palestiniens négocient pour trouver un compromis permettant d’interrompre la grève de la faim de Samer Issawi, dont l’exemple est suivi par d’autres prisonniers palestiniens. Les premiers ont proposé de l’extrader dans un pays membre des Nations Unies, puis, faute de proposition d’accueil, de commuer sa peine en un an de prison.
Les Palestiniens, de leur côté, ont demandé que Samer Issawi soit transféré à Ramallah, afin d’y être soigné. Agé de 32 ans, l’intéressé avait été condamné en 2002 à 26 ans de prison pour "activités militaires". Relâché en 2011 dans le cadre de la libération de 1 027 prisonniers palestiniens, en échange de celle du soldat Gilad Shalit (détenu par le Hamas à Gaza), il avait été de nouveau arrêté en juillet 2012. Son sort fait l’objet d’une forte campagne de mobilisation des organisations israéliennes et palestiniennes de défense des droits de l’homme, et plusieurs intellectuels israéliens, comme les écrivains Amos Oz et Avraham B. Yehoshua, ont demandé sa libération.
La question des soins dispensés ou non aux prisonniers est centrale dans cette polémique récurrente sur les détenus palestiniens. L’organisation israélienne Médecins pour les droits de l’homme (MDH) a récemment accusé le service médical dans les prisons israéliennes de violer les droits des détenus, qu’ils soient Israéliens ou Palestiniens. "Les violations de l’éthique médicale et des droits de l’homme émanant du Service des prisons israéliennes mettent en danger la vie des prisonniers et des détenus en grève de la faim", souligne MDH, qui dénonce le fait d’empêcher des médecins indépendants d’examiner l’état de santé des grévistes de la faim, et de "bloquer leur transfert vers des hôpitaux civils."