Photo : L’armée israélienne a installé des barrières en fer à l’entrée de la ville de Birzeit, empêchant des milliers de Palestiniens d’accéder au nord de la Cisjordanie (Muhammad Ateeq/MEE).
"La porte est fermée. Cette phrase est répétée plusieurs fois par jour par les Palestiniens de Cisjordanie occupée, décrivant leur vie sous le bouclage israélien permanent de leurs villes et villages.
Israël installe de plus en plus souvent des barrières en fer à l’entrée des villes et villages palestiniens de Cisjordanie afin d’empêcher les habitants de circuler.
Israël a commencé à placer des barrières à l’entrée des villes et des villages au cours de la deuxième Intifada en 2000, mais il a redoublé cette pratique, considérée par les Palestiniens comme une punition collective, en particulier depuis le 7 octobre.
Après le début de la guerre actuelle contre Gaza, les Palestiniens ont enregistré une augmentation considérable du nombre de ces barrières, dont 28 ont été installées en une seule journée à l’entrée de villages proches de la ville de Ramallah.
Ces barrières permettent aux soldats israéliens de contrôler leur ouverture et leur fermeture en fonction de "normes de sécurité", comme le décrivent les militaires. La fermeture du portail peut durer plusieurs jours, voire plusieurs mois, ce qui restreint considérablement les déplacements des Palestiniens et les oblige à emprunter d’autres chemins de terre cahoteux, ce qui leur fait passer des heures de route pour arriver à destination.
Pour l’humiliation
Mohammed Rajab, 30 ans, chauffeur de taxi, a expliqué à Middle East Eye qu’il y a une semaine, l’armée israélienne a installé deux barrières en fer à l’entrée de la ville de Birzeit, au nord de Ramallah.
Ces portes limitent la circulation des Palestiniens du nord de la Cisjordanie vers la ville de Ramallah, centre des institutions gouvernementales palestiniennes, des ministères et des fonctions publiques.
Selon M. Rajab, la fermeture de ces portes empêche des dizaines de milliers de citoyens de circuler librement et de se rendre à leur travail ou à l’école.
"Nous sommes obligés d’attendre chaque jour pas moins de cinq heures avant que les portes ne soient ouvertes, et si elles le sont, les soldats installent un point de contrôle militaire et bloquent la circulation des véhicules. Nous avons essayé de trouver d’autres moyens, mais en vain", a-t-il ajouté.
Ces portes existent "pour l’humiliation", a déclaré M. Rajab, car il n’y a aucune raison sécuritaire de les fermer et de punir des dizaines de milliers de personnes.
Dimanche, l’armée israélienne a fermé les portes en fer de Birzeit sous prétexte d’une fusillade au nord de Ramallah. Quelques heures plus tard, elle a annoncé qu’elle avait arrêté les auteurs de la fusillade, mais a maintenu les portes fermées.
Selon un rapport de l’Applied Research Institute - Jerusalem (Arij), le nombre de points de contrôle militaires de différents types et formes installés par Israël en Cisjordanie s’élevait à 567 jusqu’au 6 octobre, dont 77 points de contrôle principaux et 490 points de contrôle constitués de barrières de terre, de blocs de ciment et de portes en fer.
Le rapport explique que, depuis le 7 octobre, l’armée israélienne a ajouté plus de 140 nouveaux points de contrôle et obstacles, dans le but d’isoler les entrées des villes et villages palestiniens, d’empêcher les communications entre eux, de restreindre les déplacements des Palestiniens et de les empêcher d’emprunter les routes de contournement qui sont devenues réservées aux seuls colons.
Pas pour les humains
Mohammed Shawabkeh, étudiant de 20 ans à l’université polytechnique d’Hébron, vit dans le camp d’al-Fawwar, au sud de la ville.
Au début de la guerre israélienne contre la bande de Gaza, l’armée israélienne a fermé la porte en fer à l’entrée du camp, empêchant les citoyens de la franchir pendant trois mois.
Depuis, Shawabkeh est contraint d’emprunter à pied une étroite route agricole pour rejoindre la ville voisine de Dura et, de là, la ville d’Hébron, ce qui lui prend des heures pour se rendre à l’université, au lieu des 30 minutes habituelles.
La route n’est pas adaptée aux humains et, en hiver, la situation empire car elle devient boueuse et n’est même plus praticable à pied.
L’armée israélienne a ouvert le feu à plusieurs reprises au cours de ces trois mois sur des Palestiniens qui tentaient de franchir cette porte à pied, et les soldats ont peint des indications sur la rue pour forcer les habitants à emprunter cette route cahoteuse.
Raed Muqadi, chercheur au Land Research Centre, a déclaré à Middle East Eye que le nombre total de barrières en fer nouvellement érigées dans le nord et le centre de la Cisjordanie s’élevait à 22 après le 7 octobre.
Le nombre total de barrières et de tas de terre placés par l’armée israélienne entre diverses routes s’élève à 74.
"Les points de contrôle israéliens se sont multipliés, entravant encore davantage la circulation des Palestiniens. La plupart d’entre eux sont situés à l’entrée de divers villages et villes et séparent les routes principales entre les communautés rurales palestiniennes", a-t-il déclaré. Par exemple, l’armée israélienne a érigé des barrières semi-permanentes à toutes les entrées de Jéricho depuis le 7 octobre, isolant complètement la ville. La circulation des Palestiniens à destination et en provenance de Jéricho est depuis lors gravement entravée, ce qui a des conséquences désastreuses pour les habitants et affecte grandement l’économie de la ville.
Décès de patients
Une autre forme de fermeture est constituée par les barrières de terre avec lesquelles les bulldozers israéliens ferment les rues palestiniennes sur ordre de l’armée israélienne, ce qui signifie qu’elles restent fermées jusqu’à nouvel ordre.
L’armée a récemment fermé les entrées de nombreux villages et villes [près] de Jénine et de Naplouse avec des barrières de terre afin de couper les liaisons entre eux.
Amjad Atatreh, maire de la municipalité de Yabad, au sud de Jénine, a déclaré que toutes les entrées de la ville étaient fermées depuis le 7 octobre.
La fermeture coupe la communication entre Yabad et les villages voisins et même entre certains de ses propres quartiers.
Le poste de contrôle de Dotan, situé à l’une des entrées de la ville, est fermé depuis le 7 octobre, et les citoyens ne peuvent pas passer sans coordination préalable et avec beaucoup de difficultés.
"Il y a une paralysie de la vie publique, économique et sociale dans la ville à cause de ces barrières et de ces fermetures. Il y a également 20 000 dunums de terres agricoles auxquelles les propriétaires ne peuvent pas accéder, même pendant la saison de la récolte des olives", a déclaré M. Atatreh.
L’armée israélienne a placé des tas de terre à l’entrée du quartier Muriha de Yabad, coupant ainsi son extension naturelle avec la ville et isolant complètement ses 700 habitants.
Selon Atatreh, la fermeture du quartier a entravé le transport des habitants malades vers les hôpitaux, entraînant dans certains cas la mort.
De plus, les bulldozers israéliens ont saboté et arraché les canalisations d’eau lors de la mise en place des barrières de terre à l’entrée du quartier de Mariha, augmentant ainsi les souffrances de ses habitants.
"Le quartier est désormais complètement isolé de la ville, sans services, sans centres médicaux, ni même accès aux écoles", a déclaré M. Atatreh.
"Ses habitants sont obligés de marcher à pied et d’escalader des barrières de terre. Cependant, certains patients ne peuvent être transportés que par des véhicules et des routes pavées, ce qui met malheureusement leur vie en danger".
Traduction : AFPS