Ce rêve nous paraît plus inaccessible que jamais. Pourtant, pour ce pays qui se revendique « la seule démocratie du Moyen-Orient », respecter les droits humains devrait être une évidence. Et on oublie que pour la communauté internationale, forcer le gouvernement israélien à respecter le droit international est une obligation positive, une responsabilité collective. Continuer à fermer les yeux, c’est être complice des crimes commis.
Pour chaque question posée en Palestine, la réponse se trouve dans le droit international. La Déclaration universelle des droits de l’homme est la base. Les conventions de Genève de 1949 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 sont des guides. Les nombreuses résolutions des Nations unies représentent autant de solutions.
Ce droit international, véritable boîte à outils pour résoudre le conflit et instaurer une paix juste et durable, repose sur une responsabilité collective de la communauté internationale de tout faire pour le faire respecter.
Aujourd’hui, la communauté internationale ne fait rien. Sa responsabilité dans les violations massives des droits fondamentaux des Palestiniens par les Israéliens est écrasante. L’échec de la mise en œuvre des accords d’Oslo a démontré la faillite du bilatéralisme prôné par le gouvernement israélien uniquement pour cacher sa politique destructrice sur le terrain.
Fausse menace
La solution se trouve dans le multilatéralisme au bénéfice de la mise en œuvre du droit international et la fin de l’impunité dont jouit le gouvernement israélien dans la commission de ses crimes contre l’humanité et crimes de guerre depuis des décennies.
Les Israéliens invoquent de façon systématique leur droit à l’existence et à la sécurité pour justifier l’ensemble de leurs politiques. Ce droit pour Israël d’exister, personne ne le conteste. Ils l’ont acquis dès 1947 avec le plan de partage des Nations unies et, surtout, en 1949 avec les accords d’armistice israélo-arabes, suivant un tracé bien défini, la fameuse « ligne verte ». L’OLP reconnaît à l’État d’Israël le droit d’exister et de vivre en paix.
Alors, que le gouvernement israélien cesse d’agiter cette fausse menace, sous-entendant que ce droit d’existence serait en danger. Ce n’est pas honnête intellectuellement d’utiliser cela pour justifier toutes les atteintes au droit international et toutes les violences envers les Palestiniens. Israël est un pays reconnu par l’ONU et son existence n’est pas menacée. Finalement, le plus grand danger qui guette Israël est peut-être lui-même.
Aujourd’hui, il y a une occupation militaire couplée à une colonisation civile, la construction d’un mur d’annexion, l’utilisation massive de la détention arbitraire, la discrimination des minorités et l’instauration généralisée d’une politique d’apartheid.
L’occupation militaire est réelle. Il y a un demi-siècle que la guerre des Six Jours a effacé la ligne verte, frontière entre Israël et les territoires palestiniens. Depuis 1967, l’occupation militaire est omniprésente dans la vie quotidienne des Palestiniens de Cisjordanie, sans parler des Palestiniens de Gaza, bouclés militairement sur leur lopin de terre et victimes d’agressions militaires terriblement meurtrières. S’ajoute à cela la situation de Jérusalem, annexée.
Gouvernement fasciste
La colonisation civile massive, dont on n’imagine pas l’ampleur vue de l’Occident, donne une dimension supplémentaire à cette occupation militaire. Il est très rare qu’une puissance occupante, dans une seconde phase de son occupation militaire, installe massivement des civils dans les territoires occupés. Il s’agit d’ailleurs d’une pratique interdite par le droit international. Les dirigeants israéliens devraient être condamnés par la Cour pénale internationale (CPI) pour crime de guerre et crimes contre l’humanité en raison de la colonisation.
Cette colonisation éloigne chaque jour un peu plus la solution à deux États. La Palestine sous forme d’un ramassis de confettis ne sera pas viable et les Israéliens le savent très bien. C’est le but recherché. Poursuivre la colonisation démontre qu’ils ne veulent pas la paix, mais seulement un maximum de territoire pour leur État juif ultra sécurisé.
Le mur de séparation construit, d’après Israël, pour des raisons de sécurité est un mur d’annexion. Si le seul but était de protéger Israël, ils l’auraient construit sur le tracé de la ligne verte, alors que le mur vient annexer des portions conséquentes supplémentaires en ayant un tracé de serpent en Cisjordanie.
Le but est clairement de créer un rapport de force et une voie de fait qui ne pourra que lui être favorable à l’avenir, le jour où il s’agira de fixer les frontières du futur État palestinien.
La détention arbitraire est omniprésente dans la politique sécuritaire d’Israël. Environ un tiers de la population palestinienne active est passée par les prisons israéliennes. Cette détention est souvent simplement administrative, sans mise en accusation de la personne et sans jugement, raison pour laquelle le terme de « détention arbitraire » est adéquat. Et appeler ces Palestiniens « prisonniers de sécurité », comme le font les autorités israéliennes, ne masque pas que ce sont des prisonniers politiques.
En Israël, la discrimination des minorités arabes et l’instauration d’un régime d’apartheid est une réalité. D’après la définition de l’ONU, l’apartheid est « un crime commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur un autre ».
Les actes inhumains découlant de la politique d’apartheid sont des crimes contre l’humanité. Ce régime discriminatoire généralisé envers les Palestiniens existe tant dans les territoires palestiniens occupés par Israël qu’en Israël même.
Parler d’un gouvernement fasciste, comme jadis on désignait le gouvernement sud-africain, n’est pas exagéré quand le fascisme se définit comme un mouvement politique s’appuyant sur un pouvoir fort au service d’un groupe dominant, la persécution d’un groupe ennemi accusé de tous les maux, l’exaltation du sentiment nationaliste, la répression de toute opposition et un contrôle serré de la société civile.
Face à ces constats, n’est-il pas temps d’acter qu’un pays qui – simultanément – occupe militairement, colonise, construit un mur d’annexion, détient arbitrairement, discrimine et pratique l’apartheid, viole de manière permanente le droit international et refuse de se soumettre aux résolutions de l’ONU n’est pas une démocratie ?
Ce n’est pas parce qu’Israël a un système politique organisé comme une démocratie qu’il est une démocratie. Israël a placé une valeur au-dessus de la démocratie : l’État juif. Pour le réaliser, la démocratie est sacrifiée.
Provoquer un électrochoc
L’opinion publique internationale et la communauté internationale des États doivent être réveillées. Dénoncer, c’est bien. Agir, c’est mieux. Mais face à un État qui organise son impunité en ne reconnaissant aucune juridiction internationale, que faire pour mettre fin à tant d’injustices et soutenir les revendications légitimes du peuple palestinien ? Le boycott !
Ce moyen d’action non violent et forme de résistance pacifique pratiqué dans le monde entier a contribué à la fin de l’apartheid en Afrique du Sud. La situation est ici similaire et il nous incombe d’utiliser dès lors la même recette.
Un boycott de tout produit israélien issu des territoires palestiniens occupés et des colonies semble un minimum. Une entreprise qui profite de la colonisation illégale et viole ainsi le droit international mérite d’être mise au ban de nos sociétés de consommation. Montrons-leur notre désapprobation en les coupant de leurs marchés, pour les obliger à cesser leurs activités illégales.
Le boycott ne doit pas être assimilé à une volonté de faire disparaître Israël, comme certains le dénoncent sans nuance, mais être compris comme un levier international pour forcer son gouvernement à changer de politique et à provoquer un électrochoc au sein même de la population israélienne pour qu’elle ouvre enfin les yeux sur ce que son gouvernement inflige, en son nom, aux Palestiniens.
Si le boycott est le levier citoyen, les sanctions économiques sont le moyen de pression à disposition des gouvernements nationaux ou de l’Union européenne pour faire fléchir le gouvernement israélien.
Aujourd’hui, Israël est très heureux de sa relation privilégiée avec l’Union européenne. S’il y a des prises de position européennes, elles restent au stade des mots. Tant que ces discours ne seront pas traduits dans des actes, par exemple des sanctions économiques qui « coûteront » à Israël et auront un impact effectif sur tout le pays, Israël poursuivra en toute impunité sa feuille de route criminelle.
La paix durable ne peut venir qu’avec une solution juste, à deux États. Il faut deux États démocratiques et il ne s’agit donc pas d’États ethniquement purs, mais bien d’États avec une coexistence pacifique des deux populations, dans le respect de la minorité. Et dans la version à un seul État qui se dessine de plus en plus, la démocratie se mesure à la façon dont elle traite ses minorités. Le défi de tout État démocratique est d’accorder à la minorité les mêmes droits qu’à la majorité.
Cette solution juste implique un gel total et immédiat de la colonisation, une destruction du mur et un détricotage de toute la situation de fait illégale en droit international que la politique expansionniste d’Israël a créée en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, en ce compris l’application du « droit au retour » tel que garanti par le droit international et promis par les Nations unies.
Ensuite, il faut un retour en arrière jusqu’aux frontières de 1967 et la fameuse ligne verte, pour créer cet État palestinien viable, gage d’une pacification du Moyen-Orient et la meilleure garantie à la sécurité d’existence d’Israël.
Il y va de la responsabilité de la communauté internationale.
Alexis Deswaef est avocat au barreau de Bruxelles et à la Cour pénale internationale (CPI).