Le militant pacifiste israélien Michel Warschawski, a reçu, le 10 décembre, avec 4 autres lauréats, le "Prix des droits de l’Homme de la République Française", décerné au Centre d’information alternative de Jérusalem, dont il est le co-fondateur. A quelques semaines des élections législatives en Israël, L’Express l’a rencontré.
Un récent sondage indique que 81% des électeurs israéliens pensent que le prochain Premier ministre sera Benyamin Netanyahu. Comment expliquer la déroute de la gauche et la droitisation de l’électorat israélien ?
Ce processus remonte à une décennie. Quand Ehud Barak, alors Premier ministre, est revenu des négociations de Camp David en 2000, il a fait un discours dans lequel il a déclaré qu’il avait démasqué le piège des Palestiniens, que ceux-ci, derrière leur participation aux négociations, cachaient un plan éradicateur. Ce discours a tourné en boucle pendant les jours qui ont suivi dans les médias israéliens. En quelques semaines, le mouvement des partisans de la paix s’est effondré, et il ne s’en est toujours pas remis. Désormais, le discours de la droite est le discours dominant. On peut s’attendre à une victoire écrasante de la coalition entre le Likoud du Premier ministre sortant Benyamin Netanyahou et Israël Beitenou, la formation du ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman aux élections du 22 janvier.
Il y a pourtant eu un mouvement contestataire important à l’été 2011...
Oui. Ce mouvement dénonçait la libéralisation sauvage mise en oeuvre par le gouvernement Netanyahu en matière d’éducation, de santé... Le mouvement a regroupé des contestataires de toutes tendances politiques, laïcs et religieux. Mais les principaux porte-parole des Indignés israéliens se sont attachés à se déclarer leurs revendications "sociales" et non "politiques", ce qui en Israël signifie qu’on élude la question du conflit israélo-palestinien. Pourtant, dans les nombreux débats organisés dans la rue des villes, cette question a été débattue. Mais elle n’a pas été mise en avant dans l’expression publique du mouvement.
Quelles sont les perspectives d’une remobilisation de la société israélienne en faveur de négociations de paix ?
Je ne crois pas que cela se produira à brève échéance. La situation économique est plutôt bonne, avec un taux de croissance de 5% en 2011. Tel-Aviv est une ville prospère. En termes de sécurité, on est parvenu à une certaine stabilité. Le pays vit dans une sorte de bulle dont le bouclier antimissile Iron Dome est la métaphore. Ce dispositif nous protège des missiles en provenance de Gaza ou du Liban, mais il nous isole, dans un environnement auquel nous tournons le dos.
En Israël, comme partout dans le monde, on ne se mobilise pas pour des idéaux lointains. Les grandes vagues d’engagement en faveur de la paix ont toujours coïncidé avec des crises graves comme la guerre du Liban ou l’Intifada. Il me semble que les changements ne viendront que de pressions extérieures. Actuellement, celles en provenance des Etats-Unis et de l’Europe sont inexistantes. La dernière annonce de construction de logements dans les colonies en Cisjordanie n’a été suivie d’aucune réaction concrète.
Les changements risquent de venir, à moyen terme, des mutations en cours au Proche-Orient, dans le cadre des printemps arabes, avec une modification des rapports de force dans la région, l’apparition de nouveaux acteurs régionaux qui s’affranchiront peu à peu de la tutelle des grandes puissances.
Des dirigeants clairvoyants anticiperaient cette évolution. Nous les attendons...