Lundi 3 décembre 2007
Hervé BRAMY - Président du Conseil général de Seine-Saint-Denis
Assises de la coopération décentralisée franco-palestinienne
Atelier jeunesse
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Je serai bref sur ce qui a poussé notre collectivité à mener des coopérations décentralisées, et notamment au Proche-Orient, mais quelques remarques liminaires me semblent importantes.
Notre conception de la coopération décentralisée s’appuie sur un engagement de service public à l’International. Un engagement pour et avec les populations, basé sur le respect de la personne humaine, la mise en place de projets mutuellement avantageux.
Cet engagement, dans le sens de l’intérêt général, incarne au mieux notre contribution à la construction d’un monde de développement durable, un monde de culture de la paix, un monde où la reconnaissance et le bien-être de chacun soient garants de la sécurité collective et de l’avenir de notre planète.
Au travers de nos coopérations, je vois un gage d’enrichissement et d’ouverture aux autres pour les habitants de nos collectivités et tout particulièrement les jeunes dans une approche mutuellement avantageuse.
Dès 1998, il était pour nous important de nous tourner vers le Proche Orient au moment où les relations entre Israël et la Palestine connaissaient une accalmie suite aux accords d’Oslo. Parce que nous partagions la même conception des partenariats internationaux et le même désir de dialogue et de paix, nous avons décidé de mutualiser nos expériences avec le Conseil général du Val de Marne.
Je dois le dire, il s’est agi d’un choix éminemment politique mais aussi profondément humaniste. C’est pourquoi, nous avons engagé une démarche responsable avec les autorités israéliennes, Shimon Pérès, que j’ai rencontré en Israël, et palestiniennes, Leïla Shahid, alors représentante de l’autorité palestinienne en France.
Ainsi, sont nées nos coopérations décentralisées avec les villes de Tulkarem, Djenin et Qalqilya, dont je tiens à saluer les représentants ici présents.
Un partenariat avec la ville de Kfar Sava en Israël n’a pu voir le jour suite à la montée de violence et la construction du mur d’annexion. Récemment, et pour poursuivre notre désir de contribuer, à notre échelle, au dialogue pacifié entre palestiniens et israéliens, nous avons décidé d’établir un protocole de partenariat avec une autre ville israélienne, Akka (Saint Jean d’Acre).
Avec nos partenaires palestiniens, nous avons souhaité prioriser une grande partie de notre action en direction de la jeunesse.
– En Palestine, nous savons que plus de la moitié de la population a moins de 20 ans. Les jeunes incarnent l’avenir de la Palestine et pourtant n’ont connu que la guerre avec pour perspective pauvreté et chômage endémique (qui touche plus de 70% de la population).
– En Seine-Saint-Denis, les projets permettent aux jeunes du département de mieux appréhender les enjeux du Proche-Orient et la réalité de terrain. C’est pourquoi, nos actions, avec le tissu associatif et institutionnel se veulent être un relais des plus objectifs de la situation dans la région.
Aux côtés de projets sur la gestion de l’eau, le développement sanitaire et social, la protection de l’environnement ou encore le commerce équitable avec l’Huile d’olive en partenariat avec l’association Andines, nous faisons le pari de la jeunesse au travers des échanges artistiques, sportifs et éducatifs et des droits de l’enfant. Dans un souci de construction collective, nous avons associé des partenaires extérieurs, associatifs notamment.
Pour citer nos principales réalisations et initiatives :
– Aménagement d’espaces d’accueil pour les enfants dans les bibliothèques municipales.
– Soutien au développement de la pratique sportive : création d’une école de Lutte gréco-romaine à Djenin. C’est ainsi qu’est né un partenariat avec le club de Bagnolet Lutte 93 « les diables rouges ». Il a permis la formation des encadrants, l’accueil de jeunes lutteurs palestiniens et de leurs entraîneurs et la réalisation d’un documentaire sur ce projet dont vous allez découvrir un court extrait.
– Réfection de la pelouse du stade de Tulkarem. Naissance d’un projet de foot à 7 et développement de la pratique de la gymnastique féminine en partenariat avec la Fédération Sportive et Gymnique du Travail 93.
Récemment, compte tenu des évolutions politiques et des difficultés à concrétiser notre action, le Conseil général s’est engagé avec le RCDP au travers de son fonds de solidarité, abondé de 45000 euros pour les 3 villes et leurs districts. Permettez-moi de remercier le Réseau pour son travail, sans qui, ces assises n’auraient pu voir le jour.
En effet, mener des partenariats au Proche-Orient appelle de la part des collectivités un réalisme sur les conséquences et obstacles nés de la situation politique dans la région.
Les difficultés de déplacement dans les territoires occupés rendent le montage de projets difficile. Les bouleversements politiques, les changements de pouvoir de part et d’autre, les montées de tension nous obligent constamment à nous adapter.
Plus désolant encore, nous voyons parfois nos efforts gelés ou anéantis. Je pense ici à certaines de nos réalisations qui ont été détruites lors d’assaut et de bombardements.
Faut-il pour autant se décourager ? Telle n’est pas ma volonté. Bien au contraire, à chaque recul, chaque difficulté, nous devons puiser la force de repartir plus déterminés encore.
J’en suis d’autant plus convaincu que des différentes délégations du Conseil général qui se sont rendues en Palestine mais aussi d’amis et d’élus qui m’en ont fait le récit, je garde à l’esprit leur vive émotion face à la grande souffrance et la précarité extrême des habitants.
Je garde, également, leur espoir né de rencontres avec des progressistes et pacifistes israéliens et palestiniens. Espoir qu’il nous faut valoriser et concrétiser en actes. Telle est notre conviction si nous voulons être vraiment utiles.
Pour les habitants de la Région, les collectivités territoriales incarnent un espoir, un lien avec l’extérieur, une possibilité de nourrir le dialogue, de se sentir épaulés dans leur quête pour la paix.
Pour autant, seule une issue politique entre Etats est de nature à franchir durablement les obstacles. Un mince espoir vient de naître suite à la conférence d’Annapolis avec l’engagement de reprendre les négociations de paix. Mais la situation reste des plus précaires et fragiles. Elle appelle la vigilance sur le respect du droit pour tous. C’est la meilleure garantie pour la sécurité des deux peuples.
C’est pourquoi, la France, l’Europe et les Nations Unies ne doivent pas rester à l’écart. Elles doivent prendre toute leur part pour favoriser une issue politique dans le cadre des résolutions de l’ONU et du droit international pour une solution juste et le respect des peuples pour deux Etats indépendants dans les frontières de 1967.
La France, l’Europe et les Nations Unies doivent faire entendre leur voix pour que cesse les violences de part et d’autre, pour que les bouclages et les barrages soient levés, pour la libération des prisonniers, le droit au retour, et le démantèlement du mur.
Pour ce qui concerne le Conseil général de Seine-Saint-Denis, nous continuerons à participer, à notre échelle, à agir pour faire de la paix au Proche-Orient une réalité et au travers de nos initiatives créer des passerelles entre les peuples pour surmonter et faire tomber les murs.
Je vous remercie.
Intervention de Monsieur le Maire, Jacques BOURGOIN,
Le 3 décembre 2007.
Assises de la coopération décentralisée Franco-Palestinienne.
Les relations concrètes de Gennevilliers avec nos amis palestiniens remontent à plus de 30 ans, notamment au travers d’initiatives d’associations de femmes.
Et je me souviens de ce très fort moment de solidarité, le 13 août 1980, lors de l’accueil par Lucien LANTERNIER, alors maire de Gennevilliers, de BASSAM CHAKAA Maire de Naplouse.
Au-delà des relations entre associations, notre conseil municipal a mesuré toute l’importance, en relation avec le réseau de coopération décentralisée pour la Palestine, d’élaborer une convention de coopération avec le conseil municipal d’Al-Bireh, voisine de Ramallah.
Elle a été signée en 2003 et renouvelée début 2007, lors de la visite à Gennevilliers d’une délégation d’Al-Bireh dirigée par mon ami Hazem ARAFAT, parmi nous pour ces assises, ainsi que Mohamed KAROUBI, tous les deux conseillers municipaux.
Cette coopération décentralisée entre une collectivité française et une collectivité palestinienne s’articule à mon sens autour de trois axes.
Il y a, dans la coopération que nous développons avec notre partenaire, un volet d’aide au développement, ainsi qu’un volet de rapprochement entre les peuples participant d’une dynamique d’éducation à la citoyenneté et d’enrichissement culturel réciproque notamment en direction des jeunes.
Si je vais vous faire part sur ce dernier point de notre expérience, permettez-moi de vous livrer d’abord les paroles que nous ont toujours tenues nos amis d’Al-Bireh :
« Bien sûr nous avons besoin d’aides financières pour répondre aux besoins de nos administrés en matière d’éducation, de formation, d’assainissement et dans biens d’autres domaines.
Mais bien au-delà de cela, ce qui nous touche le plus, c’est de savoir qu’en France, à Gennevilliers, nous avons des amis. Nous pouvons alors, malgré toutes les difficultés liées à l’occupation, vivre avec l’idée que nous ne sommes pas des oubliés. »
A chaque délégation, les Gennevillois constatent :
– La progression de la construction du mur de la honte et l’enfermement achevé de l’agglomération de Ramallah-Al-Bireh.
– La poursuite de la colonisation et les constructions d’immeubles par les colons israéliens
– L’apartheid par l’enfermement des Palestiniens à cause des routes réservées, l’humiliation quotidienne aux check-point.
– La dégradation des conditions de vie à Al-Bireh, et en particulier dans le camp de réfugiés D’El Amari.
Chaque délégation de Gennevilliers rend compte au conseil municipal, et à la population, témoigne de la réalité vécue, du courage et de la dignité de nos amis palestiniens qui réclament légitimement leur liberté et leurs droits.
Dans cette relation qui s’est construite concrètement au travers de projets réalisés chaque année, nous avons toujours privilégié la participation des jeunes de notre ville.
Ce choix correspond à toute l’attention portée ces dernières années à Gennevilliers au développement de la citoyenneté.
Elle s’est concrétisée par la mise en place d’un conseil local de la jeunesse et la prise d’initiatives, ou la participation de jeunes Gennevillois à des projets avec Al-Bireh.
Avec nos jeunes nous avons travaillé dans quatre directions principales : l’amitié, la solidarité, la citoyenneté, l’accès à la culture et à la formation.
L’amitié :
Depuis 6 ans nous recevons chaque été des jeunes Palestiniens pendant une quinzaine de jours à Gennevilliers.
L’organisation de l’accueil et du programme quotidien est toujours réalisée avec des jeunes de notre ville, permettant ainsi la construction de liens très étroits d’amitié, d’échanges directs quant à la réalité de vie de chacun.
Liens qui se sont prolongés dans certains cas par des relations individuelles, bien au-delà de l’été.
La semaine prochaine aura lieu notre premier échange avec l’accueil réciproque dans les familles. Trois jeunes adultes feront partie de la délégation de 10 Gennevillois qui se rend à Al-Bireh et en retour ils accueilleront chez eux cet été un membre de la famille Palestinienne.
La solidarité :
Par la participation de jeunes à des initiatives locales de solidarité, comme celle du marché de noël, où depuis trois ans l’un des chalets permet la vente de produits réalisés par nos amis d’Al-Bireh. Hormis les recettes financières non négligeables, c’est l’occasion pour des jeunes de faire part de leur expérience.
La citoyenneté :
Six jeunes du conseil local de la jeunesse ont participé avec des adultes à une mission d’observation des dernières élections locales d’Al-Bireh. Ils en ont rendu compte à leur retour aux jeunes de Gennevilliers. Ces mêmes jeunes ont été très actifs lors du référendum organisé par la municipalité de Gennevilliers, il y a un an, pour le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales de nos concitoyens de nationalité étrangère.
Ils ont participé à la campagne et ont tenu des bureaux de vote.
L’accès à la culture et à la formation :
C’est l’implication de jeunes dans un projet de développement, par lequel la ville de Gennevilliers a contribué à l’installation d’un équipement multimédia, accessible gratuitement aux étudiants d’Al-Bireh, et à la dotation de 700 volumes de littérature française pour la bibliothèque de la ville.
C’est également, dans le cadre du festival de l’image à Gennevilliers, l’an passé, des jeunes de l’association BAÏ TRAM, composée de jeunes israéliens et palestiniens de Jérusalem, avec qui des productions de courts métrages ont été réalisées sur le thème des préjugés et de la place des jeunes dans la cité.
Au travers de ces différents projets, chacun l’aura compris, il s’agit bien dans un esprit partagé dès l’origine avec nos amis palestiniens, non pas de projets à sens unique, qui ont toujours été refusés par nos partenaires d’Al-Bireh, mais bien de coopération décentralisée où chacun apporte, reçoit, progresse.
C’est particulièrement vrai pour nos jeunes Gennevillois, dans une ville populaire profondément marquée par les préjugés, la stigmatisation des médias, la discrimination.
La menée de tels projets avec nos jeunes sont autant de moyens de leur faire découvrir la réalité des rapports humains, des cultures, mais aussi de les aider à mûrir dans leur devenir de citoyens actifs à l’échelle de la cité, comme à l’échelle de toute l’humanité.
En ce sens la coopération décentralisée ouvre une dimension du possible pour chacun, car elle permet la concrétisation de projets accessibles à tous, ne mettant pas forcément en jeu des moyens financiers considérables et donnant toute sa force à la relation, à l’implication humaine directe et donc à une prise de conscience très profonde.
Séance de clôture :