De toutes les promesses électorales, c’est sans doute celle qui coûte le moins cher ! " Ce commentaire désabusé d’un diplomate européen illustre le scepticisme qui a accueilli, début mars, l’annonce de l’" initiative de paix " que Nicolas Sarkozy, s’il est réélu, s’est engagé à prendre afin que l’année 2012 soit celle d’un règlement israélo-palestinien. Outre que 2011 n’aurait pas été une si mauvaise année que cela pour relancer un processus de paix au point mort depuis septembre 2010, et qui n’a jamais connu une telle déliquescence depuis les accords d’Oslo de 1993, l’effet d’annonce du président français ne semble reposer sur aucune base politique ou diplomatique.
A moins bien sûr d’imaginer que le chef de l’Etat (ou son successeur) décide de relancer la formule qu’il avait proposée en septembre 2011, visant à favoriser la reconnaissance d’un Etat palestinien par l’Assemblée générale des Nations unies, sous la forme d’un statut d’Etat " associé " comparable à celui du Vatican. Cette idée n’a pas été abandonnée par Paris ni rejetée par l’Autorité palestinienne, mais elle passerait difficilement pour une initiative de paix aux yeux des Israéliens, qui y sont viscéralement opposés.
Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, pourrait cependant être tenté de s’en saisir, faute d’une autre perspective. Il faudrait pour cela qu’il fasse preuve d’une forte détermination politique - quitte à prendre de front les Américains et Israël -, laquelle reste à démontrer. Il faudrait ensuite que les Palestiniens soient prêts à supporter les conséquences d’une telle décision, à commencer par les représailles économiques et politiques de l’Etat juif.
Le gouvernement du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a montré, lors de l’entrée de la Palestine au sein de l’Unesco, en octobre 2011, qu’il ne laissera pas les Palestiniens avancer dans leur " démarche unilatérale " vers l’ONU sans réagir : à deux reprises en 2011, Israël a suspendu le transfert des recettes fiscales qui sont dues à l’administration palestinienne. Nul doute qu’une reconnaissance formelle d’un Etat palestinien qui s’affranchirait des négociations avec Israël serait durement sanctionnée par M. Nétanyahou.
Rien, dans l’environnement politique et diplomatique d’un " processus de paix israélo-palestinien ", qui n’est plus aujourd’hui qu’un faux-semblant, ne semble propice à sa relance avant la fin de l’année. Ses seuls vrais parrains, les Etats-Unis, ne prendront aucune initiative avant le scrutin présidentiel de novembre. Une réélection de Barack Obama pourrait-elle favoriser cette relance ? C’est possible, à condition que le chef de la Maison Blanche, moins contraint politiquement, accepte de faire pression sur son allié israélien ; à condition aussi que M. Nétanyahou se montre plus souple sur la question de la colonisation, ce qui n’est pas acquis.
Le fait de " toute l’Europe "
Quant à Mahmoud Abbas, il est aujourd’hui sans stratégie définie. Il n’a pas repris à son compte l’idée des pays arabes d’une conférence de paix internationale, et il s’apprête à démontrer une énième fois à la communauté internationale que c’est l’obstination d’Israël qui entrave un règlement politique. M. Sarkozy a pris soin de donner un caractère européen à sa promesse d’initiative de paix, souhaitant qu’elle soit, derrière la France, le fait de " toute l’Europe ". Or l’Union européenne est fortement divisée sur la question israélo-palestinienne, et elle pèse bien peu au sein du Quartet sur le Proche-Orient, qui l’associe aux Etats-Unis, aux Nations unies et à la Russie.
Le Quartet est plus que jamais le paravent de la diplomatie américaine au Proche-Orient. Comme celle-ci est en panne, il est probable que le processus de paix le restera aussi en 2012, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle française.