Photo : Les forces d’occupation israéliennes transportent en camion des dizaines de civils palestiniens du nord de Gaza vers un camp de détention en Israël, décembre 2023. © Quds News Network
L’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme a reçu des témoignages choquants de prisonniers et de détenus palestiniens récemment libérés, dans lesquels ils rapportent que l’armée israélienne a invité des civils israéliens à être témoins, pendant les séances d’interrogatoire, des actes de torture et des traitements inhumains auxquels ils ont été délibérément soumis en leur présence.
Arrêtés lors d’incursions terrestres des forces armées israéliennes dans la bande de Gaza, les prisonniers et les détenus ont été incarcérés pendant des périodes variables dans deux centres de détention : l’un situé dans la zone de Zikim, à la frontière nord de la bande de Gaza, et l’autre associé à la prison de Naqab, dans le sud d’Israël.
Les détenus libérés ont raconté à Euro-Med Monitor que les soldats israéliens les avaient délibérément exposés devant des civils israéliens, prétendant à tort qu’ils étaient des combattants affiliés à des factions armées palestiniennes et qu’ils avaient participé à l’attaque du 7 octobre contre des villes israéliennes situées à la frontière de la bande de Gaza.
Selon les témoignages reçus par Euro-Med Monitor, des groupes de civils israéliens, dix à vingt à la fois, ont été autorisés à regarder des prisonniers et des détenus palestiniens en sous-vêtements pendant que des soldats de l’armée israélienne les soumettaient à des sévices physiques, notamment en les frappant avec des matraques métalliques, des tiges électriques, et en leur versant de l’eau chaude sur la tête, et à les filmer en riant. Les détenus ont également subi des violences verbales.
C’est la première fois que ces pratiques illégales sont portées à la connaissance d’Euro-Med Monitor. Elles ajoutent un nouveau crime à la liste de ceux commis par l’armée israélienne contre les Palestiniens dans la bande de Gaza, et plus particulièrement contre les prisonniers et les détenus qui sont soumis à des tortures cruelles, à des disparitions forcées, à des arrestations arbitraires et au refus d’un procès équitable, entre autres atrocités.
Le Palestinien Omar Abu Mudallala, 43 ans, a déclaré à l’équipe d’Euro-Med Monitor : "J’ai été arrêté dans le cadre des campagnes israéliennes d’arrestations aléatoires, au poste de contrôle installé près du rond-point de Koweït, qui sépare Gaza City de la région centrale. J’ai été soumis à toutes sortes de tortures et de mauvais traitements pendant environ 52 jours", tout en soulignant que les soldats israéliens "ont amené des civils israéliens pour nous voir nous faire torturer nus".
Abu Mudallala a ajouté : "L’armée israélienne a fait entrer un certain nombre de civils israéliens dans nos centres de détention tout en nous battant, et en leur disant : "Ce sont des terroristes du Hamas qui vous ont tués et qui ont violé vos femmes le 7 octobre" pendant que les civils israéliens nous filmaient en train d’être battus, maltraités et torturés et se moquaient de nous."
"Cela s’est produit cinq fois pendant ma détention. La première fois, c’était à Barkasat Zikim, où nous avions les yeux bandés. Cependant, l’un des détenus qui parle hébreu nous a dit que les soldats communiquaient avec des civils israéliens en prétendant que nous étions des combattants armés. Les quatre autres incidents ont eu lieu dans le centre de détention du Néguev, où des groupes successifs d’Israéliens ont été amenés à l’intérieur de tentes pour assister à nos mauvais traitements et enregistrer les méthodes de torture auxquelles nous étions soumis, sans nous permettre de parler ou de communiquer avec eux. Comme nous n’avions pas les yeux bandés à ce moment-là, les quatre fois je les ai vu de mes propres yeux".
Abu Mudallalas a déclaré que "l’un des détenus qui parle hébreu a essayé d’expliquer aux civils israéliens que nous sommes des civils et que nous n’avons rien à voir avec les activités militaires, mais cela n’a servi à rien non plus". Il a néanmoins été soumis à de graves tortures psychologiques et physiques. "C’était vraiment honteux d’amener des citoyens israéliens pour enregistrer les tortures qui nous étaient infligées pour avoir été soit-disant impliqués dans des meurtres et des viols".
D.H., 42 ans, a également déclaré à Euro-Med Monitor : "Des civils israéliens ont été amenés pour assister aux mauvais traitements et aux tortures que nous avons subis, et l’armée a délibérément commencé en leur présence. Ces Israéliens amenaient parfois leurs chiens avec eux pour qu’ils nous aboient dessus. Ils ont également pris des photos de nous et les ont postées sur des applications de médias sociaux, en particulier "TikTok", et les soldats eux-mêmes l’ont fait aussi. "
Euro-Med Monitor a été très surpris par l’affirmation manifestement mensongère de l’armée israélienne selon laquelle les civils palestiniens soumis à la torture en présence de civils israéliens étaient des combattants impliqués dans l’attaque du 7 octobre - alors que la libération ultérieure de ces détenus prouve que ce récit est faux et qu’il était destiné à se venger des civils palestiniens et à porter atteinte à leur dignité.
Selon Euro-Med Monitor, la torture et les traitements inhumains infligés par l’armée israélienne aux prisonniers et détenus palestiniens sont illégaux au regard du Statut de Rome et constituent des crimes contre l’humanité. La mise en scène par l’armée de ces abus comme un divertissement pour les civils israéliens, et les photographies des victimes ensuite, constituent une grave violation de la dignité de ces individus, ainsi que la commission de crimes de guerre.
Euro-Med Monitor met en garde contre les conséquences graves de l’introduction de civils israéliens dans les centres d’arrestation et de détention, pour leur montrer des détenus palestiniens pendant la torture, et les laisser utiliser leurs téléphones personnels pour documenter ces pratiques inhumaines. C’est une approche de représailles qui s’inscrit dans le cadre de la promotion d’une propagande israélienne mensongère, destinée à perpétuer un état d’extrémisme, à alimenter la haine et à enflammer l’opinion publique israélienne afin d’inciter à davantage de crimes et de violations des droits contre les Palestiniens.
L’Observatoire Euro-Med des droits de l’homme affirme que la grande majorité des personnes arrêtées dans la bande de Gaza a été soumise à une détention arbitraire sans être inculpées ni traduites en justice, et qu’aucune mesure judiciaire n’a été prise à leur encontre. On leur refuse aussi un procès équitable et elles sont soumises à des disparitions forcées, à la torture et à des traitements inhumains. Euro-Med Monitor demande au Comité international de la Croix-Rouge d’inspecter les centres de détention et les prisons israéliens où se trouvent des prisonniers et des détenus palestiniens, d’enquêter sur les violations et les crimes horribles qu’ils subissent, et d’oeuvrer pour que ces conditions soient immédiatement révélées.
En outre, Euro-Med Monitor affirme que les pratiques israéliennes à l’encontre des détenus palestiniens constituent des violations flagrantes des conventions et normes internationales, en particulier de la quatrième convention de Genève de 1949, qui interdit à une autorité occupante de transférer des prisonniers du territoire occupé vers des centres de détention situés sur son territoire, ainsi que de torturer, d’attaquer ou de dégrader de quelque manière que ce soit la dignité humaine des personnes détenues.
Traduction : AFPS