Photo : A l’université de Birzeit en Cisjordanie occupée, les étudiants se rassemblement en solidarité avec Gaza et contre l’occupation, le 9 mai 2023 (Al-Jarmaq News)
Une fois de plus, la bande de Gaza est bombardée depuis l’air, la terre et la mer et, une fois de plus, l’inhumanité et la cruauté israéliennes sont accueillies par le silence de l’Occident. Nous avons écrit d’innombrables fois à ce sujet. Et imaginez combien de fois une génération plus âgée que la nôtre a crié contre cette injustice qui remonte à l’époque de la Nakba, si ce n’est même avant cela.
Des études récentes ont montré que depuis la fin de la Première guerre mondiale et jusqu’à la Nakba, les diverses commissions d’enquête envoyées par la Société des Nations ou le gouvernement britannique ont averti leurs auteurs que la poursuite de la colonisation de la Palestine s’avérerait désastreuse pour son peuple indigène ; selon les termes de la commission d’enquête Shaw de 1930, "l’achat de terres juives constitue un danger actuel pour la survie nationale des Arabes".
Les Britanniques pensaient qu’en limitant l’entrée des immigrants sionistes dans le pays et en restreignant sévèrement l’achat de terres par les institutions sionistes, ils sauveraient les Palestiniens. Cependant, lorsqu’ils ont commencé à mettre en œuvre cette politique, c’était trop peu et trop tard. Plus important encore, le gouvernement britannique en Palestine était conscient de l’intention du mouvement sioniste de s’emparer de la plus grande partie possible de la Palestine avec le moins de Palestiniens possible ; il a néanmoins fourni à ce mouvement la puissance économique, militaire et politique nécessaire pour mener à bien la dépossession des Palestiniens lorsque le mandat a pris fin.
Pendant la Nakba, lorsque les forces sionistes ont commencé leur opération de nettoyage ethnique en février 1948 avec l’expulsion forcée de trois villages autour de Qaysariya, les fonctionnaires et l’armée britanniques étaient toujours présents, tenus de protéger les vies et les biens des Palestiniens conformément à la charte du mandat et à la résolution de partage des Nations unies.
Mais les représentants britanniques locaux sont restés les bras croisés lorsque le nettoyage ethnique s’est intensifié avec l’urbicide (la destruction systématique des villes et des quartiers) qui a fait rage en avril 1948. Dans certains cas, ils ont même aidé les forces sionistes à mettre en œuvre le nettoyage ethnique. Cette étape de la dépossession a fait de plus d’un quart de million de Palestiniens des réfugiés, ce qui a contraint un monde arabe réticent à envoyer ses troupes pour sauver les autres. Mais il ne l’a fait que lorsque la Grande-Bretagne a quitté la Palestine le 15 mai 1948. À ce moment-là, une telle intervention était devenue inutile.
Avant et après la fin du mandat, des journalistes occidentaux et des émissaires d’organisations telles que l’ONU et la Croix-Rouge internationale étaient présents sur le terrain. Des journalistes américains intégrés aux forces sionistes ont rapporté des massacres à al-Lid et dans d’autres endroits, mais les crimes de guerre n’ont pas été condamnés ; la Croix-Rouge internationale n’a pas non plus rendu public ce qu’elle savait être en train de se dérouler sur le terrain. Son rapport interne montre qu’elle était consternée par la manière dont les Israéliens traitaient les Palestiniens, âgés de 14 ans à peine, qui étaient incarcérés dans des camps de travail forcé. Ces rapports font également état de l’empoisonnement intentionnel de l’eau d’Acre par le typhus. Toutes ces informations ont été mises de côté jusqu’à ce que des historiens comme Salman Abu Sitta les retrouvent dans les archives.
Ce silence a envoyé un message important au nouvel État d’Israël : des crimes tels que le nettoyage ethnique - qui ont été condamnés la même année par la célèbre Déclaration des droits de l’homme de 1948 - sont autorisés dans le cas de l’État juif. L’absence de réaction de l’Occident ou des Nations unies s’est poursuivie lorsqu’Israël a effacé toute trace de culture et de vie palestiniennes à la suite des opérations de nettoyage, en construisant des colonies juives et en aménageant des parcs de loisirs sur les ruines des villages palestiniens.
L’histoire du silence occidental s’est poursuivie dans les années 1950, face aux meurtres de Palestiniens qui tentaient de récupérer leurs biens au début des années 1950, au régime militaire sévère imposé à la minorité palestinienne à l’intérieur d’Israël et aux massacres de Qibyah et de Kafr Qassem.
Le fait qu’après l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza en 1967, il ait été beaucoup plus facile de rassembler des informations sur les politiques criminelles israéliennes - qui comprennent un nettoyage ethnique massif sur les hauteurs du Golan syrien - n’a pas modifié la réaction immorale de l’Occident. Elle n’a fait qu’accentuer son hypocrisie et "l’exceptionnalisme" accordé à Israël.
Tout le monde n’est pas resté silencieux. Les personnes sur le terrain représentant le monde occidental ont consigné ce qu’elles ont vu et entendu. Ils représentaient des organisations internationales respectables et des commissions d’enquête dépêchées par l’ONU, et faisaient partie de légations diplomatiques à Tel-Aviv, Jérusalem ou Ramallah. Ils ont fourni des rapports hebdomadaires, mensuels et annuels détaillés, décrivant avec précision la géographie du désastre créé par Israël dans diverses parties de la Palestine historique. Ils ont brossé un tableau que l’actuelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, aurait dû examiner très attentivement avant de déclarer qu’Israël avait fait fleurir le désert - en fait, une Palestine déjà fleurie est devenue un désert sous le colonialisme israélien.
Nous sommes tous conscients que les gouvernements occidentaux ne représentent pas de larges pans de leurs sociétés sur cette question, et nous attendons, et beaucoup d’entre nous travaillent, à combler le fossé entre les politiques officielles à l’égard d’Israël et l’opinion publique sur cette question. Ces dernières années, Israël est entré en guerre contre ces secteurs de l’opinion publique, utilisant l’antisémitisme et, dernièrement, le déni de l’Holocauste pour tenter de réduire au silence ces personnes et ces organisations. En vain - la solidarité avec la Palestine est en expansion et en croissance constantes.
Mais la politique génocidaire progressive sur le terrain fait attendre patiemment le jour tant convoité où les gouvernements occidentaux verront la lumière, un luxe que les Palestiniens ne peuvent pas se permettre. Que nous le voulions ou non, et beaucoup d’entre nous ne le veulent pas, nos vies dans de nombreux endroits du globe sont déterminées par les décideurs politiques - pas dans tous les aspects de la vie, Dieu merci. Mais ces politiques ont un impact considérable sur notre destin en matière de vie et de mort - en cas de guerre et de paix, d’oppression et de libération.
Les décideurs politiques sont rarement animés par des considérations morales, même s’ils ne cessent d’en parler. Ils ne se préoccupent que des élections, de la visibilité et d’autres questions susceptibles de les faire élire. Cela vaut pour les démocraties libérales comme pour les autres formes de gouvernement.
La nécessité d’exercer une pression sur les gouvernements à l’échelle mondiale - au nord comme au sud - ne peut être le fait d’une seule persuasion politique, d’un parti particulier ou de personnes laïques ou religieuses.
Il est vrai et indéniable que la gauche, dans de nombreuses régions du monde, a historiquement ouvert la voie au mouvement de solidarité avec les Palestiniens. Mais la Palestine a besoin de tout le monde : il y a des gens dans les partis libéraux et conservateurs qui, hier et aujourd’hui, n’étaient pas moins pro-palestiniens que n’importe qui d’autre, et une grande majorité de gens qui croient en la tradition et la religion, considèrent la Palestine dans sa libération comme un objectif sacré.
À plus d’un titre, le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) a permis une participation aussi large, en mettant l’accent sur les droits des Palestiniens et en fournissant une base plus large pour des actes de solidarité inclusifs. Il s’adresse à des sections nombreuses et cruciales de la société civile. Une nouvelle initiative, s’inscrivant dans le prolongement du BDS et en collaboration avec lui, a demandé aux parlements de prendre l’initiative de créer des comités contre l’apartheid israélien et de faire partie d’un réseau international de tels comités dans le monde entier.
Il est à espérer que dans les endroits où les parlementaires et les responsables gouvernementaux hésiteraient à soutenir ouvertement le BDS - qu’ils soutiendraient probablement en principe - ils ne pourront pas ignorer participer à la mise en place d’un État d’apartheid, comme l’ont clairement indiqué Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits de l’homme.
Il y a déjà des signes de réactions positives à cette initiative parmi les membres des parlements. C’est un exemple de l’ampleur, de l’intersectionnalité et de la multiplicité des facettes du mouvement de solidarité. Un travail important a été accompli sur le plan horizontal, à savoir l’élargissement des groupes avec lesquels la solidarité palestinienne travaille dans le monde entier. Mais un travail plus vertical et plus approfondi doit également être réalisé, sans renoncer aux parlements, aux fonctionnaires, etc. Il est temps d’entrer dans la zone de confort du lobby sioniste qui se croit incontesté ou dominant.
Comme toujours, il y a urgence, car nous sommes toujours confrontés à un danger existentiel pour les Palestiniens.
Les Juifs israéliens, y compris ceux de gauche, ont passé une bonne partie de la semaine dernière à regarder en boucle, tout en prenant leur repas, des clips sur leur écran de télévision montrant leur armée de l’air en train de réduire en miettes des maisons dans la bande de Gaza. Certains des pilotes qui ont participé à cette violence grotesque sont les mêmes qui ont fièrement indiqué qu’ils faisaient partie du mouvement de protestation contre la réforme juridique proposée par le Premier ministre israélien de droite Benjamin Netanyahu. Un "mouvement démocratique", en effet.
Si l’on ajoute à cela les commentaires entendus dans les médias israéliens, on ne peut qu’arriver à la conclusion qu’Israël est devenu une nation malade et dangereuse. Ce message doit être clairement diffusé au sommet des systèmes politiques du monde entier, et en fait dans toutes les sociétés, partout.
Traduction : AFPS