La fin de quatre années d’antagonisme et de violences fratricides a été marquée par la signature de l’accord de réconciliation mercredi dernier au Caire entre Mahmoud Abbass, président de l’Autorité palestinienne et chef du Fatah, et Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas. La dernière rencontre entre les deux factions remontait à avril 2007.
De longues années de rivalité et de tentatives de réconciliation non réussies peuvent-elles tout d’un coup prendre fin ? Les interrogations vont bon train. Combien de temps durera la réconciliation interpalestinienne ?
C’est peut-être bien la longue histoire de conflits qui laisse encore quelques petits doutes dans l’esprit des Palestiniens ainsi que tout autre personne s’intéressant à la cause palestinienne.
Quand on parlait du Fatah et du Hamas, on parlait de « frères ennemis ». C’est donc à la lumière des relations délicates entretenues par les deux principales factions palestiniennes que la question peut être posée.
En effet, le Hamas et le Fatah sont en conflit ouvert depuis que le mouvement islamiste, vainqueur des législatives de 2006, a délogé de Gaza par la force les fidèles du président Mahmoud Abbass en juin 2007.
Au départ, rien n’indiquait que le Fatah, fondé par Yasser Arafat au Koweït en 1959, allait subir la concurrence d’une autre formation. Pilier de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), le Fatah, parti attrape-tout dont la nature a longtemps permis de s’adapter aux changements idéologiques, semblait incarner l’idéal national palestinien jusqu’à la réalisation de ses objectifs réduits à partir de la fin des années 1970 aux territoires occupés en 1967 (la Cisjordanie et Gaza).
D’un autre côté, le développement du Hamas, initialement sur une base piétiste, fut observé avec attention par Israël qui espérait voir les Palestiniens se détourner de leurs ambitions nationales. En 1987, la création du Hamas (Mouvement de la résistance islamique), dans les premiers jours de la première Intifada, allait démontrer la vacuité de ce calcul.
A partir de cette date, l’essor du Hamas sur une base islamo-nationale allait ouvrir les hostilités avec le Fatah, rentré au bercail à partir des accords d’Oslo conclus en 1993 et suivis en 1994 par le retour à Gaza de Yasser Arafat. Le Hamas, qui rejoint le front du refus hostile à Oslo, refuse de participer aux proto-institutions palestiniennes et défie Israël par des attentats suicide à partir de la fusillade d’Hébron en février 1994. Près de deux ans plus tard, la vague d’attentats déclenchés après l’assassinat par Israël de l’artificier de l’aile militaire du Hamas, Yéhia Ayache, oblige Yasser Arafat, élu président de l’Autorité au cours d’une élection boycottée par le Hamas, à s’engager dans une répression opiniâtre des miliciens islamistes qui perdurera jusqu’au début de la deuxième Intifada.
Ce deuxième soulèvement sert la stratégie du Hamas, il suit l’échec de Camp David et montre que la piste des négociations est vaine. Le Hamas qui rejoint la lutte armée et qui renoue avec le terrorisme, adoptant même la pratique des attentats suicide (héritage du bannissement par Israël de militants islamistes à la frontière libanaise en 1992, où ils prennent contact avec le Hezbollah chiite).
Avec la reprise de la deuxième Intifada en septembre 2000, le Fatah recule et c’est le Hamas qui en tire profit.
La mort de Yasser Arafat dépouille le Fatah d’un symbole unificateur en novembre 2004, alors que le Hamas a surmonté sans difficulté l’assassinat de son chef spirituel Ahmad Yassine, quelques mois auparavant.
Le retrait israélien non négocié de Gaza, à l’été 2005, est également porté au débit de l’Autorité palestinienne et du Fatah, qui essuie six mois plus tard une défaite humiliante face au Hamas aux élections législatives de 2006, alors qu’il avait encore boycotté la présidentielle de 2005 remportée par Mahmoud Abbass.
Et voilà que de nouveau, les deux mouvements s’engagent dans une épreuve de force, mais le Fatah déconsidéré et désuni n’est plus en mesure comme par le passé de l’emporter.
En juin 2007, après une brève trêve sous l’égide des Saoudiens, l’éviction du Fatah de Gaza consacre la cassure politique et géographique du camp palestinien, un fait sans précédent dans l’histoire de ce mouvement national. L’Egypte, de son côté, a aussi effectué des tentatives infinies de réconciliation entre les deux camps, mises en échec selon l’opposition égyptienne par la politique d’apaisement du Caire avec Tel-Aviv. Il faudra attendre quatre ans et la signature de l’accord du Caire, le 4 mai, pour que cette guerre fratricide soit mise entre parenthèse avec l’espoir que le règlement se maintienne.